Remettons les pendules à l'heure : la dépendance physique n'est pas synonyme de toxicomanie
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Association québécoise de la douleur chronique (AQDC)21 juin, 2012, 09:31 ET
MONTRÉAL, le 21 juin 2012 /CNW Telbec/ - L'Association québécoise de la douleur chronique (AQDC) dénonce le manque d'équilibre de l'article sur les antidouleurs de Daphné Cameron, publié dans La Presse le 7 juin dernier.
L'article laisse entendre que la prise de médicaments antidouleur mène à la dépendance physique et que cette dépendance mène directement à la toxicomanie (dépendance psychologique).
Attention! Des milliers de gens ont besoin d'insuline, de médicaments pour régulariser leur pression artérielle tous les jours. Ils en sont dépendants pour vivre une vie en santé. Sont-ils toxicomanes pour autant? Non! Ce même raisonnement s'applique aux patients atteints de douleur chronique dont la médication fait partie du traitement.
Alimenter de façon irresponsable cette peur de dépendance physique, en sous-entendant que l'ensemble des patients qui prennent des opiacés pour le traitement de leur douleur deviendront des toxicomanes ou sont à risque de le devenir, ne tient pas la route.
Véhiculer un tel message peut faire en sorte que certaines personnes souffrant de douleur chronique ne prendront pas les médicaments qui leur sont prescrits et pire encore, que d'autres patients hésiteront à consulter.
La douleur chronique est reconnue aujourd'hui comme étant une problématique majeure dans notre société, qui empêche les gens de fonctionner au quotidien. Sa gestion requiert une approche multidisciplinaire et multimodale, et la médication joue un rôle important dans le traitement dans bon nombre de cas. Les personnes touchées qui ont la chance d'être suivies peuvent mieux vivre socialement, psychologiquement et professionnellement. Sans médication, la qualité de vie de certains patients serait grandement diminuée.
« Je prends du Dilaudid depuis 2003 et je n'ai jamais ressenti de « high » ou quoique ce soit de ce genre, explique Mme Francine St-Hilaire, enseignante universitaire atteinte de douleur chronique. Pourtant, lorsque je dis aux gens que je prends des opiacés, la plupart du temps leurs réactions sont négatives. Je leur demande alors si j'ai l'air « gelée » quand j'enseigne ou quand je leur parle. Leur réponse est invariablement « non ». Je termine en leur expliquant que la douleur, elle, peut me « geler », me rendre incapable d'aligner deux phrases cohérentes, de me concentrer sur quoi que ce soit, car elle prend toute la place. »
L'étude du Center for Addiction and Mental Health citée dans l'article de Mme Cameron se base sur une population souffrant de problèmes de toxicomanie. L'AQDC reconnaît que les gens qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et qui ont déjà eu un trouble lié à l'utilisation d'une substance sont plus à risque que d'autres de faire des abus de médicaments contre la douleur. Et il est vrai que les professionnels de la santé doivent faire preuve de vigilance dans le traitement de ces patients. Cependant, il s'agit d'un tout autre combat, celui de la toxicomanie.
D'après le Collège des médecins du Québec1, le risque de développer une toxicomanie pour les patients souffrant de douleur chronique non cancéreuse est estimé en moyenne à 3,27 %. Toutefois, lorsque l'on soumet les patients à des questionnaires de dépistage pour évaluer le risque possible de toxicomanie, les patients qui ont des résultats élevés développeraient une toxicomanie dans l'ordre de 11.5 % des cas. Le risque de ceux dont les résultats sont faibles serait de 0.19 %.
Rien ne sera gagné en compromettant le bien-être et le mieux-être des patients souffrant de douleur chronique en voulant pallier à des erreurs médicales ou des problèmes comportementaux.
Au sujet de l'AQDC :
L'AQDC est une association de patients pour les patients dont la mission est d'améliorer la condition et de réduire l'isolement des personnes souffrant de douleur chronique au Québec. Elle compte plus de 4 500 membres qui souffrent, souvent en silence.
Il est estimé qu'un million cinq cent mille personnes en sont atteintes au Québec2.
La douleur chronique est une douleur qui dure depuis au moins trois mois. Elle peut être persistante ou récurrente. Les patients qui en souffrent ne nécessitent pas tous une médication analgésique. Selon une étude publiée dans le journal de l'Association canadienne de la douleur en 2007, 49 % prennent un analgésique, soit un patient souffrant de douleur chronique sur deux. Parmi les analgésiques prescrits, on retrouve les anti-inflammatoires (17 %), l'acétaminophène (13 %), la codéine (23 %), les opiacés (28 %), autres (19%).
1 Collège des médecins du Québec, Douleur chronique et opiacés : l'essentiel, mai 2009
2 Boulanger, A., Clark, A.J., Squire, P., Cui, E. & Horbay, GLA (2007) Chronic pain in Canada : Have we improved our management of chronic noncancer pain? Pain Research & management, Spring; 12(1): 39-47.
Pour plus d'information ou une entrevue, communiquer avec:
M. Jacques Laliberté, Président de l'AQDC
Téléphone : (514) 355-4198
www.douleurchronique.org
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