Rente d'invalidité et Régie des rentes du Québec : consulter pour mieux exclure
MONTRÉAL, le 17 mars 2023 /CNW/ - Le processus de consultation sur le Régime des rentes du Québec (RRQ) qui s'est tenue dernièrement nous confirme le peu d'intérêt du gouvernement pour les enjeux auxquelles font face les personnes en situation de handicap. Ce régime maintient effectivement cette population dans des situations de vulnérabilité économique, de discrimination systémique et d'exclusion de l'espace public. Voici l'évolution du dossier de la pénalité qui leur est imposée au moment du passage de la rente d'invalidité (RI) à la prestation de retraite (PR) et de leur exclusion choquante des consultations publiques.
En effet, les instances responsables des consultations publiques sur le RRQ tenues du 8 au 14 février 2023 sont restées volontairement insensibles aux personnes en situation de handicap prestataires de la RI. En effet, lorsque ces dernières reçoivent leur prestation de retraite à 65 ans, elles se rendent compte que le montant de la rente est amputé d'une façon comparable à celle des personnes qui auraient choisi de prendre leur retraite à 60 ans. Cette pénalité est discriminatoire, car ces prestataires de la RI n'ont ni choisi de prendre une retraite anticipée, ni eu la possibilité de travailler jusqu'à 65 ans.
Moelle épinière et motricité Québec (MÉMO-Qc) a démontré ce mécanisme appauvrissant et discriminatoire lors de représentations auprès de plusieurs élus dans les dernières années. Il voulait aussi le dénoncer en sollicitant une audience aux consultations sur le RRQ. Une centaine de partenaires ont soutenu MÉMO-Qc dans sa demande. Malgré toutes ces démarches pour porter la voix de personnes généralement en situation de précarité économique, MÉMO-Qc n'a reçu aucune invitation et il en a été de même pour tout autre groupe de défense de droit des personnes handicapées. Comment une institution dite démocratique peut-elle ainsi faire fi de l'expertise et du leadership reconnus d'un porte-parole pour un dossier aussi déterminant?
On se rappelle que la Commission des finances publiques (la Commission) est légalement obligée de tenir des consultations publiques sur le RRQ, au moins tous les 6 ans pour évaluer l'application du régime. Or, malgré la recommandation des parlementaires pour le retrait de la pénalité; malgré l'avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qui déclare officiellement la pénalité incompatible avec la Charte québécoise des droits et libertés; malgré les contestations judiciaires actuellement en cours; malgré le maintien de cette discrimination par le gouvernement, MÉMO-Qc, qui est la seule association à inclure ce dossier dans ses priorités depuis plusieurs années, a été une fois de plus, exclue des consultations.
Nous invitons donc les élus et la population à réfléchir aux deux enjeux : la discrimination envers les personnes en situation de handicap et leur exclusion des espaces démocratiques.
Premier constat : les personnes handicapées sont la cible de discriminations dans plusieurs sphères de leur vie. Les gouvernements qui se succèdent omettent de considérer leurs intérêts, par exemple, en négligeant d'actualiser le programme d'adaptation de domicile, en « oubliant » de considérer les femmes en situation handicap dans la prévention du cancer du sein et en laissant dégénérer la qualité des services de soutien à domicile. Et s'ajoute à la liste, le maintien de la pénalité appliquée à la rente d'invalidité!
Si la retraite entraine pour certains une diminution des dépenses, la situation est tout autre pour les personnes handicapées. D'une part, elles reçoivent une maigre prestation de retraite à cause de leur courte durée de cotisation au régime. D'autre part, à cause de leurs incapacités, les dépenses en adaptations et en services augmentent avec l'âge. Leur appauvrissement est alors accéléré. De plus, leur précarité économique et la dégradation de leur santé limitent leurs capacités à se faire entendre. Quelle mesquinerie de la part du gouvernement que de piger dans les petits bas de laine des plus vulnérables!
Deuxième constat : leur exclusion des espaces démocratiques. Si cette consultation découle d'une obligation législative reconnaissant le droit de la société civile d'être entendue, les instances responsables auraient pu faire preuve de déférence à l'égard de l'expertise d'une association qui travaille d'arrache-pied à défendre cette population marginalisée. Plus troublant encore : le caractère systématique de cette ignorance volontaire, celle-ci s'étant aussi malheureusement produite lors de la consultation de 2017.
Un autre obstacle à l'exercice de la démocratie est la complexité des mécanismes menant à la discrimination en cause. Nul n'est censé ignorer la loi, dit-on. Ainsi, il est de la responsabilité des législateurs d'élaborer des lois compréhensibles et d'assurer l'existence de mécanismes permettant de soulever des objections si nécessaire. La pénalité appliquée à la RI relève d'un mécanisme insidieux et c'est une fois placé devant le fait accompli que le prestataire apprend son existence et saisi son impact. Ce mécanisme à effets pervers élaboré en 1997 et maintenu malgré la conclusion de son caractère discriminatoire en 2017 par la CDPDJ.
Au-delà des consultations, la démocratie consiste aussi en la participation des personnes en situation de handicap à la vie sociale, économique et politique. Les conditions d'application incluent donc l'accès aux services publics de santé, d'éducation, de justice, de transport et à l'information. Pour exercer leur droit à la participation, les personnes en situation de handicap ont besoin de revenus leur permettant de vivre dans la dignité.
Nous nous attendons à ce que le gouvernement agisse, et à ce que les groupes de l'opposition usent de leur influence pour que soit enfin abolie la pénalité. Quant au milieu associatif et citoyen, nous avons la ferme intention d'accroitre la concertation et de continuer à revendiquer l'élimination de la pénalité discriminatoire imposée aux personnes retraitées ayant été couverte par une rente d'invalidité. Il s'agit d'une question de dignité et de lutte contre l'appauvrissement des personnes en situation de handicap.
Moelle épinière et motricité Québec est un organisme à but non lucratif qui existe depuis 1946. Sa mission est de favoriser l'autonomie et améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec un handicap. L'organisme intervient pour faciliter l'intégration sociale des personnes ayant une lésion à la moelle épinière, faire la promotion de leurs droits et soutenir la recherche. Elle vise également le développement de l'employabilité des personnes ayant des limitations physiques et neurologiques.
Avec l'appui des groupes suivants :
Anabelle Grenon Fortin, organisatrice communautaire, Moelle épinière et motricité Québec - Montréal;
Anne-Sophie Verreault, codirectrice, Carrefour familial des personnes handicapées (CFPH) - Québec;
Carole Labonté, directrice générale, Groupement des Associations de Personnes Handicapées de la Rive Sud (GAPHRSM) - Saint-Hubert;
Cloé Tiene, agente de développement et communication, Association multiethnique pour l'intégration des personnes handicapées - Montréal;
Dominique Salgado, directeur général, Comité d'action des personnes vivant des situations de handicap (CAPVISH) - Québec;
Emmanuel Barbot, direction générale, Centre communautaire Radisson - Montréal;
Estelle Lussier, coordonnatrice, Regroupement des associations de personnes handicapées de l'Outaouais (RAPHO) - Gatineau;
Florence Pardo, coordonnatrice générale, Action Femmes et handicap (AFH) - Montréal;
Judith Bastien, directrice adjointe, Bail Mauricie - Trois-Rivières;
Marie-Blanche Rémillard, présidente du Conseil d'administration, Moelle épinière et motricité Québec - Québec;
Marie Turcotte, directrice générale, Ex aequo - Montréal;
Nancy Côté, directrice générale, Association des personnes handicapées de la Rive-Sud-Ouest (APHRSO) - La Prairie;
Pascale Dussault, directrice générale, Regroupement des aveugles et amblyopes du Montréal métropolitain (RAMM) - Montréal;
Patrick Fougeyrollas, conseiller scientifique et relations publiques, Réseau international sur le Processus de production du handicap - Québec;
Selma Kouidri, directrice, Institut National pour l'Équité, l'Égalité et l'Inclusion des personnes en situation de handicap (INÉÉI-PSH) - Montréal;
Serge Poulin, directeur général, Regroupement des Usagers du Transport Adapté et accessible de l'île de Montréal - Montréal;
Sophie Mongeon, porte-parole, Les invalides au front - Provincial;
Steven Laperrière, directeur général, Regroupement des activistes pour l'inclusion au Québec (RAPLIQ) - Montréal;
Walter Zelaya, directeur général, Moelle épinière et motricité Québec - Montréal.
SOURCE Moelle épinière et motricité Québec
Anabelle Grenon-Fortin, organisatrice communautaire volet défense des droits, [email protected], (514) 341 7272 Poste 219; Ariane Gauthier-Tremblay, organisatrice communautaire volet défense des droits, [email protected], (514) 341 7272 Poste 240
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