Sixième avis du Comité consultatif sur les changements climatiques : un appel à la transformation profonde du Québec en réponse à l'urgence climatique
QUÉBEC, le 3 juill. 2024 /CNW/ - À l'échelle internationale, le constat est sans équivoque : l'action climatique reste largement insuffisante et, sans accélération des efforts, nous ne pourrons plus limiter le réchauffement à 1,5 °C, voire à 2,0 °C. La situation du Québec ne fait pas exception : l'évolution des émissions de GES sur le territoire québécois ne s'inscrit pas dans une trajectoire sobre en carbone et en énergie. Selon le Comité consultatif sur les changements climatiques, le gouvernement doit se doter d'une approche plus globale pour transformer en profondeur la société québécoise de manière équitable, en priorisant la sobriété énergétique, la sortie des énergies fossiles et la mobilisation de tous les acteurs et actrices de la transition. Une démarche encore faisable et bénéfique sur les plans environnemental, social et économique.
Le plus récent avis du Comité, remis au ministre Benoit Charette, souligne que les dérèglements climatiques s'accélèrent et que la fenêtre pour atteindre nos objectifs de décarbonation se réduit tous les jours. Inspiré par la démarche internationale du Bilan mondial, le Comité a évalué l'ensemble des actions du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques pour mieux cerner l'ampleur du changement de cap à effectuer. Les membres du Comité proposent 26 recommandations pour mieux répondre à l'urgence climatique.
Le Québec n'est pas sur la voie de la décarbonation
Les politiques climatiques du Québec n'ont pas entraîné une décarbonation à la hauteur des défis climatiques. Entre 1990 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur des transports routiers ont augmenté de 16 %, tandis que les émissions totales sur le territoire du Québec n'ont diminué que de 9 %. Alain Webster, président du Comité et professeur titulaire au Département d'économique et au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable de l'Université de Sherbrooke, souligne « que les émissions sur le territoire du Québec ne sont pas en ligne avec les recommandations des organisations internationales comme le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ou l'Agence internationale de l'énergie et que la trajectoire vers la décarbonation complète d'ici 2050 deviendra de plus en plus exigeante si nous n'accélérons pas les efforts ». Pour atteindre les objectifs de 2030 sur le territoire québécois, les réductions d'émissions de GES devront atteindre en moyenne 3,2 millions de tonnes équivalent CO2 par année.
Malgré des choix stratégiques, les efforts restent insuffisants
À plusieurs reprises, le gouvernement du Québec a démontré une forme de leadership dans l'action climatique, notamment par son engagement continu en faveur de la tarification du carbone, par l'interdiction de l'exploration et de l'exploitation des énergies fossiles, par la mise en œuvre des plans climat au niveau régional et par l'accroissement de ses investissements pour accélérer la transition.
Toutefois, le Comité constate que :
- Jusqu'à présent, ces actions n'ont pas entraîné les changements structurels requis pour favoriser la décarbonation et la sobriété énergétique et n'ont pas permis de créer les milieux de vie permettant de rendre faciles et souhaitables les changements de comportements;
- Malgré des progrès en matière de transparence et de reddition de comptes, la trajectoire prévue pour la réduction des émissions n'est pas assez explicite;
- Le système de plafonnement et d'échange de droits d'émission de GES et les diverses mesures d'écofiscalité n'ont pas donné un signal de prix suffisant pour induire, sur le territoire québécois, la réduction nécessaire des émissions de GES;
- Les efforts pour répondre à la croissance des risques liés aux changements climatiques demeurent insuffisants;
- La notion d'équité est peu intégrée dans les politiques climatiques;
- Malgré une sensibilisation grandissante, les actions du gouvernement n'ont pas permis de mobiliser l'ensemble des acteurs et actrices de la société dans un engagement à la hauteur de la crise.
En somme, des changements profonds et une approche systémique cohérente, utilisant tous les leviers disponibles, y compris la législation, les mesures réglementaires, l'écofiscalité, l'investissement dans les infrastructures et les activités de mobilisation, sont indispensables.
« L'ampleur des défis climatiques exige qu'on crée une synergie entre les nombreux instruments de politiques publiques à la disposition du gouvernement du Québec », a déclaré Jérôme Dupras, membre du Comité et professeur titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique à l'Université du Québec en Outaouais. « Des actions telles que le soutien aux innovations locales, une meilleure protection de la biodiversité et un alignement adéquat des flux financiers sont devenus nécessaires dans la lutte contre les changements climatiques et l'adaptation à la crise climatique », explique-t-il.
Des solutions à portée de main
Dans leur très grande majorité, les solutions sont connues et possibles sur les plans technique et économique et elles doivent être mises en œuvre plus rapidement selon le Comité. Dans ce contexte, ce dernier propose 26 recommandations regroupées selon six axes stratégiques d'intervention :
- Mettre en œuvre davantage de changements structurels pour accélérer cette transition;
- Développer de nouveaux outils de gestion de la transition climatique, dont un budget carbone et des feuilles de route sectorielles;
- Majorer la tarification carbone et accentuer le recours à l'écofiscalité́;
- Accroître les efforts d'adaptation pour rendre plus résilients tous les secteurs de la société et les écosystèmes naturels;
- Intégrer l'équité de façon transversale dans les politiques climatiques;
- Accélérer la mobilisation de l'ensemble de la société́.
Par exemple, le Comité recommande la réduction des demandes de déplacements individuels motorisés par l'aménagement du territoire et le développement des transports collectif, partagé et actif. Il préconise de systématiser le transfert vers des types de biens et services plus sobres en carbone, en favorisant notamment le transport de marchandises par train ou par bateau. Finalement, le remplacement complet des énergies fossiles par des énergies renouvelables doit être accéléré.
Par ailleurs, jusqu'à présent, le gouvernement a surtout privilégié l'aide financière, mais le Comité insiste sur les limites de cette approche et recommande des mesures plus contraignantes pour accélérer la transition. Le Comité souligne également que l'électrification du Québec ne suffit pas et il en appelle à une vision plus holistique reflétant l'ampleur des transformations nécessaires. « Pour mobiliser la population, de nouveaux récits sont attendus, priorisant la sobriété, soulignant notamment les bénéfices nettement supérieurs de l'action climatique par rapport à l'inaction et rappelant que des objectifs ambitieux peuvent encore être atteints si l'on agit dès maintenant », souligne Valériane Champagne St-Arnaud, membre du Comité et professeure adjointe au Département de marketing de l'Université Laval.
Enfin, les projets inspirants de transition énergétique et d'adaptation aux changements climatiques portés par les communautés autochtones, dont les territoires et les modes de vie sont particulièrement menacés par la crise climatique, doivent être promus et reproduits.
En somme, « bien que les défis soient colossaux, le Québec reste probablement l'un des États les mieux placés pour réaliser cette transition dans les délais très courts que la situation climatique impose. Réussir la décarbonation rapide et l'adaptation à la crise climatique nécessitera une intégration de ces priorités dans les missions de tous les ministères et organismes du gouvernement du Québec, ainsi qu'aux échelles municipale et régionale. Les efforts devront être à la hauteur de ce que la science commande », conclut Alain Webster.
À propos du Comité
Le Comité consultatif sur les changements climatiques est un organisme permanent indépendant créé en vertu de la Loi visant principalement la gouvernance efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser l'électrification.
Le Comité a pour mission de conseiller le ministre de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, à la demande de ce dernier ou de sa propre initiative, sur les orientations, les programmes, les politiques et les stratégies en matière de lutte contre les changements climatiques.
Pour consulter l'avis du Comité
- Avis court (18 pages) : Mettre en œuvre des changements profonds en réponse à l'urgence climatique. Bilan et perspectives de la lutte contre les changements climatiques au Québec
- Rapport technique (85 pages) : Mettre en œuvre des changements profonds en réponse à l'urgence climatique. Bilan et perspectives de la lutte contre les changements climatiques au Québec
- Feuillet synthèse des recommandations
SOURCE Comité consultatif sur les changements climatiques
Source et information : François Brassard,, Secrétaire du Comité consultatif sur les changements climatiques, Courriel : [email protected]; Site web : https://www.quebec.ca/gouvernement/ministeres-et-organismes/comite-consultatif-changements-climatiques
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