STOPMTL.ca : dévoilement des premières données sur les expériences d'interpellations policières à Montréal English
Un projet de cartographie participative révèle qu'un citoyen sur trois pense que son apparence ou son identité a contribué à son interpellation par la police
MONTRÉAL, le 2 mai 2023 /CNW/ - Le premier rapport de recherche de STOPMTL.ca, un projet de cartographie participative des expériences d'interpellations policières, présente les données préliminaires, auxquelles ont contribué les citoyennes et citoyens de Montréal. Lancée en 2021 par une équipe de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), de l'Université McGill, de l'Université Concordia et de la University College London, cette plateforme unique vise à produire des données quantitatives sur la distribution sociale et spatiale des interpellations policières en milieu urbain.
L'objectif est de fournir un portrait plus précis des interpellations dans la métropole québécoise. En effet, des études précédentes démontraient que seulement 5 à 20 % des interpellations étaient enregistrées par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). De plus, les données produites sont accessibles au grand public.
« Nous constatons qu'une grande variété d'expériences d'interpellation ont été rapportées sur notre plateforme. Dans l'ensemble, les données recueillies correspondent à ce que le SPVM a trouvé dans ses propres analyses », déclare la chercheuse principale du projet, Carolyn Côté-Lussier, professeure spécialisée en criminologie et en études urbaines à l'INRS et chercheuse au Centre international de criminologie comparée.
Le projet fournit également un nouvel et important aperçu de la façon dont les citoyennes et citoyens perçoivent leur expérience d'interpellation. En effet, les personnes qui ont utilisé STOPMTL.ca pouvaient identifier les raisons qui, selon elles, avaient conduit à leur interpellation. Au total, 30 % des interpellations ont été perçues comme découlant de l'apparence ou de l'identité d'un individu.
« Ce résultat confirme les préoccupations concernant le profilage social et racial exprimées à maintes reprises par le public et suggérées par les données du SPVM, explique la professeure Côté-Lussier, mais c'est la première fois que nous disposons de données quantitatives suggérant que les personnes interpellées perçoivent leur interpellation comme discriminatoire. »
Alors que 41 % des personnes ayant participé au processus considère leur interpellation comme étant justifiée, les résultats démontrent qu'une proportion non négligeable (43 %) d'individus l'ont considérée comme étant injustifiée.
Selon l'équipe de recherche, cela suggère que le projet a réussi à mesurer un large éventail d'expériences d'interpellation. De plus, les données suggèrent un besoin considérable d'améliorer la perception de la justification d'une interpellation. De futures analyses sont prévues afin de mieux saisir et définir les circonstances entourant la perception quant aux interpellations justifiée ou injustifiée.
« Percevoir un membre policier comment ayant agi de manière justifiée lors d'une interpellation a une incidence sur la confiance que les individus accordent par la suite à la police », confie Carolyn Côté-Lussier.
Portrait des personnes ayant rapporté leur expérience d'interpellation sur le site STOPMTL.ca : |
|
L'équipe souligne que le portrait des personnes qui déclarent avoir été interpellées sur STOPMTL.ca fait écho au bilan du rapport de recherche indépendant mandaté par le SPVM (2019). On y relatait effectivement une surreprésentation des jeunes et des personnes noires, ainsi qu'une sous-représentation des personnes blanches, parmi les personnes interpellées.
Les résultats présentés par STOPMTL.ca suggèrent également que près d'une personne sur cinq (18 %) ayant déclaré avoir été interpellée s'est identifiée comme étant gaie, lesbienne ou bisexuelle. En 2018, Statistique Canada a estimé que les personnes LGBTQ2+ représentaient 4 % de la population canadienne. La constatation que les membres de cette communauté semblent être surreprésentés parmi les personnes interpellées correspond aux tendances observées dans d'autres villes.
D'autre part, les résultats suggèrent que la plupart des interpellations policières ont été signalées comme ayant eu lieu dans les arrondissements de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (13 %) et de Ville-Marie (12 %), du Plateau-Mont-Royal (8 %), du Sud-Ouest (8 %), de Montréal-Nord (7 %) et de Villeray--Saint-Michel--Parc-Extension (7 %).
« Nous nous attendions à ces résultats puisqu'il s'agit des arrondissements où sont enregistrés le plus grand nombre d'interpellations du SPVM. Nous sommes contents de voir que les conseillers d'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce ont collaboré à mobiliser leurs habitantes et habitants pour qu'ils contribuent au projet », explique la professeure Côté-Lussier.
Selon l'équipe de recherche, une deuxième ronde de mobilisation de la population est nécessaire pour recueillir plus de données. Cela pourra permettre de suivre l'évolution de la perception des gens par rapport aux efforts du SPVM dans son changement d'approche quant à ses interpellations citoyennes.
« Nous espérons que plus de données permettront d'avoir une meilleure idée de la concentration des interpellations autour de certains lieux, par exemple les stations de métro ou les écoles », explique Myrna Lashley, cochercheuse du projet et professeure de psychologie transculturelle à l'Université McGill.
La chercheuse souligne que la concentration spatiale d'interpellations policières pourrait être néfaste pour la santé et le bien-être des communautés. Les mêmes conclusions pourraient s'appliquer dans le cas d'une concentration d'interpellations en fonction du profil social (âge, identité de genre, identité raciale ou ethnique, etc.).
L'équipe travaille actuellement à la validation des données recueillies et à des analyses plus approfondies, notamment en ce qui concerne les corrélations avec la criminalité et les caractéristiques des quartiers.
« On encourage toutes les personnes qui ont été interpellées par le SPVM pour savoir qui elles étaient ou où elles allaient, mais qui n'ont pas eu de mise en accusation, arrestation ou contravention, à faire part de leur expérience sur le site STOPMTL.ca », conclut la professeure Côté-Lussier.
L'équipe de recherche rappelle que la participation des Montréalaises et des Montréalais est déterminante pour le succès de ce projet, puisque les données profiteront à la fois « à la recherche et au bien-être de la communauté au sens large ». STOPMTL.ca collabore d'ailleurs avec plusieurs organismes communautaires à Montréal et au Québec.
Ce projet est le fruit du travail d'une équipe interdisciplinaire de chercheuses et chercheurs : Carolyn Côté-Lussier et Marie-Soleil Cloutier (INRS); Myrna Lashley et Jason Carmichael (Université McGill); Ben Bradford (University College London, R.-U.); et Lisa Kakinami (Université Concordia).
L'INRS est un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs. Depuis sa création en 1969, il contribue activement au développement économique, social et culturel du Québec. L'INRS est 1er au Québec en intensité de recherche. Il est composé de quatre centres de recherche et de formation interdisciplinaires, situés à Québec, à Montréal, à Laval et à Varennes, qui concentrent leurs activités dans des secteurs stratégiques : Eau Terre Environnement, Énergie Matériaux Télécommunications, Urbanisation Culture Société et Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Sa communauté compte plus de 1 500 membres étudiants, stagiaires postdoctoraux, membres du corps professoral et membres du personnel.
SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)
Julie Robert, Service des communications et des affaires publiques de l'INRS, 514 971-4747, [email protected]
Partager cet article