Le texte qui suit présente des préoccupations canadiennes soulevées par les mesures européennes de réforme de l'audit.
Ce texte d'opinion a été préparé conjointement par Kevin Dancey, président et chef de la direction de Comptables professionnels agréés du Canada, Brian Hunt, directeur général du Conseil canadien sur la reddition de comptes, et Stan Magidson, président et chef de la direction de l'Institut des administrateurs de sociétés au Canada.
TORONTO, le 7 avril 2014 /CNW/ - Certaines réformes européennes de l'audit mises de l'avant après des années de propositions, de contre-propositions et moult débats soulèvent des inquiétudes parce qu'elles auront des répercussions mondiales et, peut-être, des conséquences imprévues.
Comme les effets des modifications ne se limiteront pas à l'Europe, tous ceux qui se soucient du bon fonctionnement des marchés financiers mondiaux et de la qualité de l'audit doivent prendre note de ces réformes.
Deux réformes inquiètent tout particulièrement les Comptables professionnels agréés du Canada, le Conseil canadien sur la reddition de comptes et l'Institut des administrateurs de sociétés au Canada : la rotation obligatoire des cabinets d'audit et les restrictions supplémentaires en matière de prestation de services autres que d'audit par les auditeurs.
Le processus européen s'est amorcé à l'automne 2010 par la publication du livre vert Politique en matière d'audit : les leçons de la crise, qui présentait un certain nombre de propositions pour remodeler la profession d'auditeur en Europe. L'intention déclarée était de contrer la menace posée par les liens trop étroits qui s'établissent entre les auditeurs et leurs clients dans les mandats d'audit de longue durée, d'accroître l'indépendance des auditeurs qui touchent des honoraires substantiels pour des services autres que d'audit et d'offrir aux entreprises un choix plus vaste lorsqu'elles doivent retenir les services d'un cabinet d'audit.
Examinons quelques effets possibles des réformes européennes :
- La convergence et la cohérence réglementaires à l'échelle mondiale pourraient pâtir si d'importants pays non européens décidaient de ne pas adopter les mesures. D'ailleurs, même en Europe, les pays pourront déroger aux nouvelles exigences. Dans son communiqué du 7 janvier 2014, l'International Federation of Accountants fait une mise en garde : l'irrésolution en matière de convergence réglementaire mine la confiance des entreprises et fait obstacle à la stabilité économique et aux perspectives d'une reprise durable.
- Les coûts d'audit augmenteront probablement, puisque les cabinets d'audit devront consacrer plus de ressources à la préparation des soumissions et prendre le temps de se familiariser avec leurs nouveaux clients. Qui assumera ces coûts supplémentaires? Le temps et les ressources consacrés à ces tâches le seront-ils au détriment de la qualité de l'audit? Ces effets seraient-ils exacerbés si les forces du marché devaient simultanément exercer une pression à la baisse sur les honoraires d'audit?
- Ces mesures auront une incidence sur le choix du cabinet d'audit. Certains font valoir que les réformes accroîtront le nombre de cabinets d'audit en concurrence pour chaque mandat. Cependant, elles pourraient tout autant intensifier la concentration des cabinets d'audit. Les réformes auront aussi pour effet de restreindre les choix s'offrant au comité d'audit qui doit changer d'auditeur ou trouver un cabinet pour les services autres que d'audit.
- Le changement d'auditeur peut être exigé à un moment inopportun pour le conseil d'administration et empêcher celui-ci de retenir le cabinet qu'il juge capable de réaliser le meilleur audit. Le conseil, avec l'approbation des actionnaires, devrait conserver le droit de choisir l'auditeur et le moment du changement. En outre, les mesures pourraient affaiblir la reddition de comptes et la responsabilité du comité d'audit en ce qui concerne l'évaluation de la performance de l'auditeur.
Voici la question qu'il faut se poser : ces réformes auront-elles pour effet de réduire les risques, d'améliorer la profession d'auditeur, d'accroître la qualité et l'efficacité de l'audit, de mieux servir les entités auditées, de mieux répondre aux besoins des investisseurs et à l'intérêt public, et de réduire les probabilités d'échec de l'audit à l'avenir?
De fait, la qualité de l'audit pourrait souffrir de ces réformes. Les cabinets et les autorités de réglementation de l'audit en Europe réfuteront probablement ce point de vue et chercheront à préserver la qualité de l'audit. Nous espérons que l'avenir leur donnera raison. Seul le temps le dira.
Au Canada, nous envisageons la réforme de l'audit dans l'optique d'une amélioration de la qualité de l'audit. Nous avons adopté une approche fondée sur la collaboration entre les principales parties prenantes (les autorités de réglementation de l'audit, du secteur bancaire et des valeurs mobilières, les administrateurs et les auditeurs) pour évaluer les propositions internationales émanant de l'Europe, des États-Unis et d'ailleurs, et pour tenter de dégager un consensus sur l'orientation du marché canadien.
Nous avons formulé, au terme d'un processus très transparent, certaines recommandations clés pour améliorer la qualité de l'audit au Canada. Les résultats de nos travaux, que l'on peut consulter à www.cpacanada.ca/AmeliorationQualiteAudit, comprennent les recommandations suivantes :
- Au lieu d'imposer une rotation obligatoire des cabinets d'audit, instaurer des évaluations annuelles et complètes de l'auditeur externe;
- Élaborer des outils et des indications pour aider le comité d'audit à effectuer des évaluations annuelles et des évaluations complètes périodiques (au moins tous les cinq ans) de l'auditeur;
- Établir un protocole pour que les principales constatations de l'autorité de réglementation issues de l'inspection d'une entité donnée puissent être transmises, en toute confidentialité, au comité d'audit.
À notre avis, les évaluations annuelles et les évaluations complètes périodiques de la performance de l'auditeur réalisées par le comité d'audit sont bien plus susceptibles d'améliorer la qualité de l'audit que ne le sont les réformes européennes, parce qu'elles sont axées sur l'indépendance, l'objectivité et l'esprit critique de l'auditeur, et parce qu'elles peuvent s'appuyer sur les principales constatations de l'autorité de réglementation de l'audit. Si des améliorations possibles sont mises en lumière, le comité d'audit peut prendre les mesures qui s'imposent et en assurer le suivi. Si l'audit ne répond pas aux attentes du comité d'audit, un appel d'offres pourra être lancé selon un échéancier qui convient à l'entité et non à un moment déterminé à l'avance de façon arbitraire.
Une fois qu'elles seront mises en uvre en Europe, la rotation obligatoire et les autres restrictions auront des conséquences extraterritoriales qui ne faciliteront ni la convergence et la cohérence réglementaires, ni le bon fonctionnement des marchés financiers. Enfin, les mesures européennes pourraient compromettre les efforts déployés dans d'autres pays pour entreprendre des réformes et améliorer la qualité de l'audit.
Kevin Dancey, président et chef de la direction de Comptables professionnels agréés du Canada, Brian Hunt, directeur général du Conseil canadien sur la reddition de comptes, et Stan Magidson, président et chef de la direction de l'Institut des administrateurs de sociétés au Canada.
SOURCE : CPA Canada
NDLR, Pour en discuter plus amplement, veuillez communiquer avec : Tobin Lambie, Directeur de projets, CPA Canada, 416-204-3228, [email protected]; Adrienne Jackson, ABC, Directrice, Communications, CCRC, 416-913-8260, poste 4132, [email protected]; Maliha Aqeel, Directrice, Implication des membres, IAS, 416-593-7741, poste 229, [email protected]
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