Attirer et retenir les travailleurs expérimentés - IL NOUS FAUDRA PENSER AUTREMENT…
MONTRÉAL, le 13 oct. 2022 /CNW Telbec/ - Retenir un peu plus longtemps à l'emploi les Québécois qui approchent de la retraite, faire revenir ceux qui ont déjà fait le saut, leur accorder plus d'allégements fiscaux… Voilà quelques-unes des idées qui ont circulé lors de la récente campagne électorale pour contrer les pénuries de main-d'œuvre qui sévissent partout au Québec. Mais avant de déployer l'arsenal, une question s'impose : combien de personnes pouvons-nous réellement espérer retenir au juste ? Une étude publiée aujourd'hui par l'Institut du Québec (IDQ) révèle que la solution ne relève pas d'un simple calcul. Loin de là !
« En réalité, le vieillissement de la population est déjà bien avancé au Québec. Bon nombre de baby-boomers ont déjà quitté le marché du travail, explique Emna Braham, directrice générale de l'IDQ. Or, les personnes qui approchent actuellement l'âge de la retraite sont de moins en moins nombreuses. Si bien que le bassin dans lequel nous espérions pouvoir puiser hier, c'est considérablement tari au fil du temps. »
Dans les faits, la proportion de Québécois de 60 à 69 ans à l'emploi ou à la recherche d'un emploi (39,1 %) - que visent habituellement les politiques de prolongation de carrière - est bien inférieure à celle qui prévaut dans d'autres juridictions, notamment en Ontario (46,3%) avec qui de nombreux experts voudraient bien combler l'écart. Bien que louable, cet objectif semble toutefois de plus en plus difficile à atteindre puisque ce groupe d'âge comptera 105 000 personnes de moins entre 2022 et 2032 en raison du vieillissement de la population déjà bien amorcé au Québec. Autrement dit, alors qu'en 2021, une offensive visant un rattrapage avec l'Ontario aurait permis d'ajouter 86 000 travailleurs de 60 à 69 ans de plus au bassin potentiel, le même effort ne pourra en mobiliser que 37 000 de plus en 2032.
Mais ce constat n'appelle pas à l'inaction pour autant. « Pour que des mesures portent leurs fruits, il nous faudra les réfléchir autrement, soutient Simon Savard, coauteur de l'étude et économiste principal à l'IDQ. Et surtout comprendre que la décision de prendre ou de retarder sa retraite ne repose pas que sur l'aspect financier : elle est multidimensionnelle. À ce chapitre, notre analyse montre qu'elle dépend bien sûr des ressources financières disponibles, mais aussi de notre état de santé, de nos obligations familiales, de notre expérience de travail ou de notre niveau d'éducation. Il y a donc peu d'indications que seules des mesures fiscales puissent renverser la tendance actuelle. »
S'adapter à une nouvelle réalité démographique
Le vieillissement de la population est tel que le Québec devra composer avec des enjeux de rareté de main-d'œuvre pour encore quelques décennies. Si bien qu'au-delà des mesures proposées à la pièce pour accroître le bassin de travailleurs disponibles, telles que les incitatifs fiscaux, il nous faudra adapter les politiques actuelles pour exclure le moins de personnes possibles du marché du travail.
D'où l'importance de mettre en place des politiques publiques qui favorisent un meilleur engagement de tous les Québécois en général. De telles politiques pourraient avoir un impact sur la rétention des travailleurs plus âgés mais aussi plus largement, de mieux faire face à la nouvelle réalité démographique du Québec. Dans cet esprit, voici les quelques recommandations que l'IDQ propose aux gouvernements provinciaux et fédéraux :
Soutenir la formation des travailleurs plus âgés permettrait à un plus grand nombre de mettre à jour leurs compétences ou d'en développer de nouvelles. Les changements technologiques notamment peuvent contribuer à l'insécurité de ces travailleurs, ou alimenter certains préjugés d'employeurs ou de collègues à leur égard. Or, à mesure que les travailleurs avancent en âge, les occasions de formation se font plus rares. Des efforts pour encourager la formation des travailleurs plus âgés pourraient contribuer à corriger ce déséquilibre.
Cette proposition pourrait se concrétiser en augmentant les incitatifs pour la formation en entreprise par la mise en place de mesures spécifiques pour les travailleurs plus âgés dans la Loi sur les compétences (1 %) et en bonifiant le Crédit canadien pour la formation.
Promouvoir les bonnes pratiques en gestion des ressources humaines. Les aspirations face au travail changent et ce, pour toutes les générations. Pour favoriser la rétention, les employeurs du secteur privé comme public, doivent le prendre en considération et adopter de nouvelles approches, notamment en mettant en place des mesures de transition entre le travail et la retraite qui permettraient aux plus âgés de continuer à contribuer selon leurs capacités, leurs besoins et leurs désirs. De telles mesures ne doivent pas être déployées à la pièce mais plutôt élaborées en fonction du contexte global d'une organisation. Autrement dit, les directions et plus particulièrement, les gestionnaires en ressources humaines, doivent s'engager dans une réflexion sur les mesures de flexibilité, d'aménagement du temps de travail et d'accompagnement dans la planification de carrière.
Investir dans les soins aux aînés afin de favoriser la conciliation travail-famille. De telles mesures pourraient profiter plus particulièrement aux femmes car elles accusent un retard dans le taux de participation au marché du travail : seules 32 % des femmes âgées de 60 à 69 ans sont au travail ou à la recherche d'un emploi. Elles sont aussi plus nombreuses à assumer le rôle de proche aidant. De la même manière que les services de garde ont permis aux jeunes femmes de revenir sur le marché du travail, les soins aux aînés pourraient permettre aux femmes plus âgées de poursuivre leur carrière ou de mieux concilier celle-ci avec leurs responsabilités familiales.
La participation au marché du travail des 60 à 69 ans devrait poursuivre sa progression malgré un vieillissement de la population bien entamé. « Mais pour relever ce défi, des politiques publiques doivent être développées en s'appuyant sur trois principes, recommande Emna Braham. D'abord, le réalisme, car les résultats seront indéniablement moins spectaculaires que souhaités, en raison des réalités démographiques. Puis, la patience, parce que les gains permis par les politiques les plus prometteuses ne se manifesteront pas à court terme. Enfin, la profondeur, parce que l'atteinte des objectifs ne pourra reposer sur une solution magique, mais plutôt sur une panoplie d'outils adaptés à une réalité complexe et multiforme. »
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport Allonger les carrières : défis et opportunités pour pallier les pénuries de main-d'œuvre
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui publie des recherches et des études sur les enjeux socioéconomiques contemporains du Québec. Il vise à fournir aux autorités publiques, au secteur privé et à la société civile les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique et prospère.
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SOURCE Institut du Quebec
Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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