BILAN 2024 DE L'EMPLOI AU QUÉBEC - Institut du Québec - FIN DES PÉNURIES… MAIS POUR COMBIEN DE TEMPS?
MONTRÉAL, le 12 févr. 2025 /CNW/ - L'année 2024 a été marquée par un important repli du marché de l'emploi : entre décembre 2023 et décembre 2024, le taux de chômage est passé de 4,7 % à 5,6 %, ajoutant 47 700 chômeurs de plus alors que le nombre de postes vacants a atteint son plus bas niveau depuis 2018 (119 175). La réduction importante des pénuries de main-d'œuvre masque toutefois une réalité bien plus complexe. La 9e édition du bilan de l'emploi de l'Institut du Québec met en évidence que les bouleversements récents et à venir - pandémie, inflation, immigration accrue, guerre commerciale - transforment considérablement le marché du travail au Québec.
Plus spécifiquement, le ralentissement du marché de l'emploi observé en 2024 s'explique par une baisse de la demande de travail engendrée par des employeurs frileux face à des taux d'intérêt et des prix encore élevés - et une hausse des travailleurs disponibles portée par une immigration temporaire sans précédent. Résultat : la création d'emplois (+71 900), - la plus faible depuis la pandémie -, a été largement surpassée par la croissance de la population âgée de 15 ans et plus (+195 300).
D'embauches au ralenti à emplois menacés ?
En 2024, les employeurs ont surtout ralenti les embauches plutôt que de procéder à des licenciements massifs. En effet, le taux d'obtention d'emploi (proportion des chômeurs se trouvant un emploi chaque mois) est passé de 39 % à 33 % entre décembre 2023 et décembre 2024, alors que le taux de cessation d'emploi (départs vers le chômage) est resté stable à 1,9 % entre décembre 2023 et décembre 2024.
« La situation pourrait cependant être tout autre en 2025 qui s'ouvre sur de nouveaux bouleversements avec l'incertitude des relations commerciales avec les États-Unis, indique Emna Braham, présidente-directrice générale de l'Institut du Québec. Dans un marché de l'emploi déjà passé de la pénurie à l'essoufflement, ce contexte laisse présager un ralentissement accru des embauches, voire des mises à pied. »
Tous les travailleurs ne seront probablement pas affectés de la même façon. En 2024, ce sont surtout les nouveaux venus sur le marché du travail qui ont été les plus vulnérables. Si bien que le taux de chômage des immigrants temporaires (étudiants, travailleurs et demandeurs d'asile) était trois fois plus élevé (11,9 %) que celui des natifs (4,1 %) en décembre 2024. Même constat pour les jeunes adultes (15-24 ans) qui cherchent eux aussi à intégrer le marché du travail : leur taux de chômage a grimpé à 8,9 %.
Selon l'intensité et la durée des mesures tarifaires, ce ralentissement pourrait, par ailleurs, se prolonger en 2025, fragilisant ainsi la position des travailleurs. Les quelque 95 000 emplois manufacturiers fortement liés aux exportations vers les États-Unis - aluminium, aérospatial, métallurgie - seraient les premiers affectés. Une riposte canadienne élargirait l'impact, affectant importateurs comme exportateurs. Par ricochet, d'autres secteurs pourraient aussi être touchés si le ralentissement se généralisait à l'ensemble de l'économie.
Mais les défis de recrutement pourraient tout de même perdurer
Les gouvernements du Québec et du Canada prévoient restreindre l'immigration temporaire, ce qui réduira le nombre de travailleurs disponibles alors qu'en parallèle, les besoins en main-d'œuvre diminuent. Bien que cette situation puisse modérer la hausse du chômage, elle risque aussi d'aggraver les difficultés de recrutement, surtout hors Montréal, où les travailleurs temporaires se sont avérés essentiels pour atténuer les pénuries. En 2024, ces difficultés persistaient en région avec seulement 1,6 chômeur par poste vacant, contre 2,7 à Montréal.
« Le secteur public continuera d'exercer une pression majeure sur le marché du travail, soutient Simon Savard, directeur adjoint de l'Institut du Québec. Déjà, en 2024, il représentait 24 % de l'emploi total, un record au Québec ! Comme ces embauches dépendent davantage des besoins démographiques et des choix politiques que de la conjoncture économique, il y a donc fort à parier que les besoins en main-d'œuvre du secteur public ne faibliront pas. »
Malgré d'importantes embauches dans le secteur de la santé en 2024 (+46 500), le vieillissement rapide de la population creuse l'écart : le nombre de travailleurs de la santé par millier de personnes de 70 ans et plus a chuté de 296 en 2019 à 282 en 2024. Le rythme de recrutement dans ce secteur sera toutefois conditionné par deux facteurs : l'objectif gouvernemental d'équilibre budgétaire et la réforme du système de la santé en cours.
« Le marché de l'emploi québécois montrait déjà des signes de ralentissement avant la menace des tarifs douaniers américains, rappelle Emna Braham. Si les perspectives économiques pour 2025 étaient relativement favorables, l'incertitude liée aux tarifs américains assombrit désormais l'horizon. Mais tout n'est pas joué, les décisions prises aujourd'hui par les gouvernements et les entreprises seront cruciales : qu'il s'agisse des politiques d'immigration, des grands projets d'infrastructure ou encore des mesures d'aide à l'emploi, chaque choix aura des répercussions importantes sur l'équilibre du marché du travail. »
Pour en savoir plus
Téléchargez le rapport Bilan 2024 de l'emploi au Québec - Du plein emploi au chômage : décryptage des tendances
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère. www.institutduquebec.ca | @InstitutduQC
SOURCE Institut du Québec
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Source: Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347 - [email protected]
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