Budget du Québec 2020-2021 - Au-delà des surplus, de sérieux problèmes d'équité à régler
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HEC Montréal - Centre sur la productivité et la prospérité05 mars, 2020, 01:30 ET
MONTRÉAL, le 5 mars 2020 /CNW Telbec/ - À quelques jours du dépôt du budget 2020-2021, les attentes envers le gouvernement du Québec sont élevées. En ayant dégagé le plus important excédent budgétaire de son histoire l'an dernier, et en se rapprochant prématurément des cibles d'endettement de 2025, le gouvernement donne l'impression de disposer de la marge de manœuvre budgétaire requise pour accroître significativement ses dépenses. Or, cette accalmie masque une réalité préoccupante : le gouvernement traîne deux dettes majeures - l'une financière, l'autre infrastructurelle - qui entraînent dans leur sillage un important problème d'équité entre les générations.
« En recadrant les surplus des dernières années dans un contexte historique, on constate que la santé des finances publiques du Québec n'est pas aussi bonne qu'il n'y paraît, déclare Robert Gagné, directeur du Centre sur la productivité et la prospérité - Fondation Walter J. Somers (CPP) et coauteur de l'étude. Au cours des dix dernières années, les mécanismes mis en place pour assurer l'équité intergénérationnelle ont connu des ratés, au point où le débat actuel ne devrait pas s'orienter sur l'utilisation des surplus budgétaires, mais plutôt sur la façon de régler une fois pour toutes des problèmes d'équité constatés il y a plus de 20 ans ». Voilà la principale conclusion tirée d'une étude publiée aujourd'hui par le CPP.
Une mécanique défaillante
Selon les chercheurs du CPP, la lutte pour l'équité intergénérationnelle a déraillé à la fin des années 2000 avec la suspension de la Loi sur l'équilibre budgétaire. « Comme la plupart des provinces où un tel mécanisme de contrôle budgétaire est en vigueur, Québec a suspendu sa loi pour faire face à la récession de 2008, contextualise Jonathan Deslauriers, directeur adjoint du CPP et coauteur de l'étude. Résultat : 16,9 milliards de dollars de dette supplémentaire a dès lors été contractée pour financer les déficits cumulés. Et en dépit des gains réalisés par le Fonds des générations, les sommes qui y ont été cumulées depuis sa création (17,2 G$ incluant le rendement du Fonds) ont à peine couvert les déficits encourus au cours de cette période ».
Mais les défaillances ne s'arrêtent pas là. « En 2012, la Vérificatrice générale du Québec a constaté que le plan pour combler le déficit d'entretien des infrastructures de la province battait de l'aile. Les besoins étaient mal identifiés, les sommes mal investies, quand elles n'étaient tout simplement pas utilisées », soulève Robert Gagné. Il aura fallu attendre presque dix ans pour que le gouvernement mette en place des mécanismes pour identifier et pourvoir adéquatement les besoins de la province. Dans l'intervalle, la lutte pour éliminer la dette d'infrastructure se sera avérée au mieux inefficace.
Une réforme s'impose
Au bout du compte, le constat est sans appel : si l'état général des finances publiques du Québec s'est amélioré, la lutte pour l'équité intergénérationnelle a, quant à elle, fait du surplace. « Dans un tel contexte, les surplus récemment engrangés n'ont pas la même valeur, puisqu'ils incluent des sommes qui auraient normalement dû servir à équilibrer le passif laissé par les générations précédentes, soutient le directeur. Dès lors, une réflexion de fond sur l'équité intergénérationnelle s'impose si on souhaite que les contribuables d'aujourd'hui et de demain bénéficient de services et d'infrastructures publics de quantité, et de qualité comparables ».
À la lumière de ces constats, le CPP propose quelques pistes d'action. « La pierre angulaire de cette réforme devrait passer par des amendements à la Loi sur l'équilibre budgétaire, suggère le directeur. Dans sa forme actuelle, la loi oblige le gouvernement à rembourser les déficits encourus lors des récessions. Résultat : cette loi est efficace en période de croissance, mais ingérable lorsque le gouvernement fait face à une crise ».
Dans ces circonstances, les chercheurs recommandent d'éliminer la contrainte du remboursement des déficits budgétaires, en contrepartie de quoi, le gouvernement serait tenu de retrouver l'équilibre budgétaire plus rapidement. En outre, le gouvernement ne devrait pas pouvoir suspendre la loi sans l'appui d'une super majorité à l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, face à l'ampleur de la dette financière et infrastructurelle soutenue par les Québécois, les chercheurs jugent la stratégie du Fonds des générations inadaptée. « Les Québécois amassent actuellement des fonds dans leur bas de laine collectif alors que leur maison s'écroule peu à peu », illustre le directeur. Plutôt que de reporter à nouveau la lutte pour l'équité intergénérationnelle, le gouvernement devrait s'y attaquer dès maintenant en remboursant une partie de la dette à même les fonds restants, et en utilisant les revenus dédiés au Fonds des générations pour réduire les besoins de financement du gouvernement au cours des années à venir. « Ainsi, cette réallocation de revenus dédiés nous assurera que la Loi sur l'équilibre budgétaire ne soit pas suspendue en raison de la pression budgétaire exercée par le plan d'investissement ou, inversement, que le plan d'investissement ne soit pas ralenti pour des considérations budgétaires, conclut Robert Gagné. Ultimement, c'est l'ensemble de la société québécoise qui en bénéficiera. ».
Pour en savoir plus :
- Consultez le rapport L'équité intergénérationnelle au Québec : une mécanique défaillante?
- Téléchargez le communiqué de presse en anglais.
À propos du Centre sur la productivité et la prospérité - Fondation Walter J. Somers
Le Centre sur la productivité et la prospérité - Fondation Walter J. Somers mène une double mission. Il se consacre d'abord à la recherche sur la productivité et la prospérité en ayant comme principal sujet d'étude le Québec. Ensuite, il veille à faire connaître les résultats de ses travaux par des activités de transfert et d'éducation.
À propos de la Fondation Walter J. Somers
En hommage au fondateur de l'entreprise Walter Technologies pour surfaces, la famille Somers a mis sur pied la Fondation Walter J. Somers. À travers différents dons, la Fondation perpétue l'héritage familial d'engagement envers la communauté et contribue à la prospérité de la société québécoise, d'abord en veillant à améliorer sa productivité, mais également en appuyant l'excellence dans l'éducation des jeunes.
Pour en apprendre davantage sur le Centre, visitez le www.hec.ca/cpp ou écrivez-nous, à [email protected].
SOURCE HEC Montréal - Centre sur la productivité et la prospérité
Liette D'Amours, Responsable des relations médias, Tél. : 514 649-2347, [email protected]
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