Enquête indépendante sur l'événement survenu à Thetford Mines le 9 mars 2024 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 13 mars 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Thetford Mines le 9 mars 2024.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Malgré de nombreuses tentatives pour la joindre, la personne blessée n'a pu être informée des motifs de la décision.
Événement
Le 9 mars 2024, vers 13 h 45, un homme fait un appel au 911 afin de demander l'assistance des policiers pour localiser et intervenir auprès d'une proche de la famille. Cette dernière aurait pris son véhicule, conduirait en état d'ébriété et aurait des idées suicidaires. Des démarches de localisation sont entreprises par les policiers.
L'appelant contacte à nouveau les policiers pour les informer qu'il géolocalise le véhicule de la femme, d'abord sur le chemin du Lac-Caribou à Thetford Mines à 14 h 36, puis sur la route 112 à Weedon à 15 h 34.
Le véhicule recherché est aperçu par un premier policier vers 15 h 53 sur la route 112 dans le secteur de Disraeli. Le policier tente de rattraper le véhicule qui circule à une vitesse très élevée et il actionne ses gyrophares et la sirène de son véhicule de patrouille. À 15 h 55 min 10 s, il indique sur les ondes radio qu'il circule à presque 100 km/h. La circulation est fluide. Il y a présence de quelques autres automobilistes. À 15 h 55 min 30 s, le policier est en mesure de confirmer qu'il s'agit de la conductrice recherchée et qu'il enclenche une poursuite. Les caméras de surveillance de certains commerces avoisinants montrent une partie de la poursuite policière qui traverse le village de Disraeli.
Quelques instants plus tard, une seconde policière circulant en sens inverse aperçoit la poursuite. Elle fait demi-tour, puis actionne à son tour les gyrophares et la sirène de son véhicule de patrouille pour se joindre à son collègue.
À 15 h 56 min 25 s, à la demande du sergent de relève, la poursuite policière est abandonnée. Les policiers éteignent leurs gyrophares et leurs sirènes. Le premier policier réduit sa vitesse et continue de suivre le véhicule à distance. À ce moment, il estime que la conductrice circule à une vitesse entre 112 et 120 km/h dans une zone de 90 km/h. Cette dernière effectue par ailleurs des dépassements illégaux. Quant à la seconde policière, elle emprunte un autre chemin.
Pendant ce temps, d'autres policiers s'affairent à installer un hérisson à pointe creuse quelques kilomètres plus loin afin d'arrêter la fuite du véhicule.
À 16 h 3 min 21 s, le véhicule suspect dévie et se retrouve dans la voie inverse. Une collision survient avec un autre véhicule qui arrive en sens inverse. Une expertise subséquente fait état que le véhicule de la femme en fuite circule alors à une vitesse de 167 km/h dans les 4,85 secondes précédentes à la collision et de 114 km/h au moment de l'impact. Les secours sont immédiatement demandés sur place.
À l'arrivée sur les lieux, les policiers procèdent à l'arrestation de la femme. Ils portent assistance au conducteur de l'autre véhicule qui est blessé et coincé dans celui-ci. Il est conduit dans un centre hospitalier afin de recevoir les soins requis par son état de santé. La femme arrêtée est également transportée dans un centre hospitalier afin d'évaluer son risque suicidaire.
Le signalement au BEI est réalisé à 17 h 15.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'une collision ou d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
L'accusation de conduite dangereuse causant des lésions corporelles ou la mort exige la preuve d'un lien de causalité entre la conduite du véhicule et de telles conséquences. À cet égard, la norme juridique applicable est que la conduite doit avoir contribué de manière appréciable aux lésions corporelles ou à la mort.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants, ou les avertisseurs sonores, ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans ce dossier, l'intervention des policiers était justifiée afin de localiser une conductrice possiblement en état d'ébriété et en crise. En plus de commettre une infraction potentielle, cette dernière représentait un danger autant pour elle‑même que pour les autres.
Lorsque le premier policier a identifié le véhicule suspect, il a actionné les gyrophares et la sirène de son véhicule de patrouille pour l'intercepter. Devant le refus de la femme de s'immobiliser, il l'a suivi durant une courte période. Une autre policière s'est jointe à la poursuite avec son véhicule de patrouille dont les gyrophares et la sirène étaient également activés.
Étant donné les circonstances environnantes et la vitesse élevée à laquelle circulait la conductrice fautive, les policiers ont mis fin rapidement à leur manœuvre sur demande du sergent de relève, et ce, de manière à ne pas mettre en péril la vie ou la sécurité de quiconque. Ils ont opté pour une approche d'intervention plus prudente.
Malgré tout, quelques minutes après la fin de la poursuite policière immédiate, une collision à haute vitesse est survenue entre le véhicule de la femme qui a dévié de sa voie et un autre véhicule qui circulait en sens inverse. Le travail des policiers n'est pas en cause dans cet accident.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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