Inégalités de revenus : jusqu'où le Québec peut-il aller sans courir à sa perte ?
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HEC Montréal - Centre sur la productivité et la prospérité31 janv, 2014, 06:00 ET
MONTRÉAL, le 31 janv. 2014 /CNW Telbec/ - Le Québec peut-il continuer à réduire les inégalités de revenus sans mettre en péril son développement économique ? Est-il vrai que ces inégalités ne cessent de s'accentuer dans cette province ? Pour répondre à ces questions, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal propose une analyse détaillée des inégalités de revenus au Québec et du rôle joué par l'État dans la redistribution des revenus. « Contrairement à la croyance populaire, notre étude montre très clairement que le Québec affiche une certaine stabilité sur le plan des inégalités dans sa distribution finale des revenus. Celles-ci ont d'ailleurs connu une hausse d'à peine 3 % entre 1981 et 2011 », précise Robert Gagné, directeur du CPP.
Plus spécifiquement, l'étude révèle qu'en 1981, le revenu moyen après impôts et transferts des ménages québécois appartenant à la catégorie des 20 % les plus riches était 4,43 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres, alors qu'en 2011, l'écart entre ces deux groupes était 4,56 fois plus grand. C'est dire à quel point le taux d'inégalités a peu varié au Québec au cours des trente dernières années (3 %).
Plus égalitaires, mais plus pauvres
Dans le reste du Canada, la situation est tout autre. Entre 1981 et 2011, on observe un accroissement des inégalités après impôts et transferts de 22 % en Ontario et de 12 % en moyenne au Canada. Ce portrait tend cependant à changer depuis 2004 : on note une importante réduction des inégalités en Ontario (- 11 %) et en moyenne au Canada (- 6 %). Le Québec ne fait pas exception, même si la diminution observée y est moins prononcée (- 2 %). Malgré tout, le taux d'inégalités observées au Québec (4,56) demeure de loin inférieur à celui de l'Ontario (5,23) et de la moyenne canadienne (5,20), comme c'est d'ailleurs le cas sur presque toute la période étudiée.
Contrairement à ce qui se passe dans le reste du Canada, la redistribution effectuée par l'État québécois profite principalement aux ménages les plus démunis et permet de réduire considérablement les inégalités observées dans la distribution initiale des revenus. Ainsi, au cours des trois dernières décennies, les mécanismes de redistribution en place ont fait en sorte que les inégalités au Québec se sont maintenues à un niveau inférieur à celui de nombreux pays de l'OCDE et de plusieurs provinces canadiennes. La situation du Québec sur le plan des inégalités constitue donc un compromis entre les faibles inégalités des pays du nord de l'Europe (et le recours plus important à la fiscalité qui en découle) et les plus fortes inégalités des économies voisines (reste du Canada et États-Unis).
Résultat : le Québec est aujourd'hui l'une des provinces les plus égalitaires du Canada. Le hic, c'est que même après la redistribution par l'État, tous les ménages québécois, tant dans la catégorie des moins nantis que dans celle des mieux nantis, demeurent plus pauvres que les ménages canadiens ou ontariens.
Solidarité peut rimer avec prospérité
Cette étude montre aussi qu'une société peut très bien maintenir de faibles inégalités dans la distribution finale des revenus tout en étant prospère. « D'ailleurs, plusieurs États, notamment les pays scandinaves et les Pays-Bas, sont plus égalitaires que le Québec et affichent des niveaux de vie jusqu'à 81 % plus élevés que le nôtre, souligne Robert Gagné. Dans cette optique, il ne semble pas contradictoire que le Québec vise une hausse de son niveau de vie par des gains de productivité, tout en cherchant à maintenir de faibles inégalités. Il faut toutefois se rappeler que le Québec évolue dans un environnement nord-américain et que pour y demeurer compétitif, il doit constamment jouer de compromis entre resserrer l'étau fiscal pour réduire davantage les inégalités et favoriser sa croissance économique. Or, le danger réside justement dans le fait de trop presser un citron déjà petit pour satisfaire toutes nos ambitions. »
Cette étude révèle donc qu'au Québec, taxer davantage pour financer une réduction supplémentaire des inégalités n'est ni nécessaire - puisque les mécanismes de redistribution en place atteignent déjà leur objectif en maintenant de faibles inégalités - ni souhaitable, en raison de l'importante pression qu'exerce la fiscalité sur l'économie de la province comparativement à celle des économies voisines.
À la lumière de ces constats, chercher à réduire encore les inégalités au Québec semble périlleux sur le plan économique. D'autant plus que pour réussir ce tour de force, l'État devrait imposer davantage des citoyens et des entreprises qui comptent déjà parmi ceux qui sont le plus fortement taxés du Canada. « Voilà pourquoi l'orientation que le gouvernement du Québec a prise lors de son dernier budget en augmentant l'impôt sur le revenu des particuliers par l'ajout d'un palier d'imposition et en haussant le taux marginal d'impôt pour les plus hauts revenus nous semble discutable. Malheureusement, tout porte à croire qu'à force d'accroître sa charge fiscale, le Québec risque de s'appauvrir davantage. Pour rester compétitif sur le plan fiscal et ne pas nuire à sa performance économique, il serait donc préférable que le Québec ne s'éloigne pas trop des stratégies fiscales qui sont appliquées ailleurs en Amérique du Nord », recommande Robert Gagné.
Pour en savoir plus :
- Consultez le rapport Productivité et prospérité au Québec - Bilan 2013 ou sa version anglaise Productivity and Prosperity in Quebec - Overview 2013 ;
- Téléchargez le communiqué de presse en anglais.
À propos du Centre sur la productivité et la prospérité
Créé en 2009, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal mène une double mission. Il se consacre d'abord à la recherche sur la productivité et la prospérité en ayant comme principaux sujets d'étude le Québec et le Canada. Ensuite, il veille à faire connaître les résultats obtenus en organisant des activités de transfert, de vulgarisation et, ultimement, d'éducation. Pour en apprendre davantage sur le Centre, visitez le www.hec.ca/cpp.
SOURCE : HEC Montréal - Centre sur la productivité et la prospérité
Liette D'Amours
Responsable des relations médias
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