LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE DÉNONCE
LE PROFILAGE SOCIAL DONT SONT VICTIMES LES PERSONNES ITINÉRANTES À MONTRÉAL
Nouvelles fournies par
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse10 nov, 2009, 10:30 ET
MONTRÉAL, le 10 nov. /CNW Telbec/ - La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse presse la Ville de Montréal d'abroger deux règlements municipaux qui ciblent les itinérants et demande au Service de police de la Ville de Montréal de modifier ses normes et politiques institutionnelles qui ont un impact discriminatoire sur les sans-abri.
Dans son avis La judiciarisation des personnes itinérantes à Montréal : un profilage social, publié aujourd'hui à Montréal, la Commission adresse 14 recommandations aux divers paliers de gouvernements ainsi qu'au Service de police de Montréal et propose des mesures détaillées qui doivent faire partie de la politique gouvernementale sur l'itinérance.
"On peut lutter contre le phénomène de l'itinérance sans s'attaquer aux personnes itinérantes. Ce n'est pas en se limitant à leur donner des contraventions qu'on va régler le problème", a précisé le président de la Commission, monsieur Gaétan Cousineau.
L'avis de la Commission conclut que le profilage social dont font l'objet les sans-abri de Montréal est discriminatoire et contraire à la Charte des droits et libertés de la personne.
C'est pourquoi la Commission demande à la Ville de Montréal d'abroger l'ordonnance de l'arrondissement Ville-Marie fermant ses 15 derniers parcs qui étaient encore ouverts la nuit, ainsi que les dispositions du règlement qui interdit spécifiquement les chiens dans le parc Émilie-Gamelin et le square Viger, deux parcs fréquentés par des sans-abri.
Ces règlements, ainsi que plusieurs normes et politiques du SPVM en matière de lutte aux incivilités qui qualifient de "dérangeante" et "insécurisante" la présence des personnes itinérantes, doivent être modifiés parce qu'ils font des personnes itinérantes, des cibles désignées du contrôle et de la surveillance policière.
Saisie de cette problématique en 2004, la Commission a participé aux travaux du groupe tripartite sur l'itinérance, qui a réuni des représentants municipaux et des organismes communautaires, et a permis la mise en place d'un certain nombre d'initiatives comme la création d'une clinique juridique spécialisée et l'Équipe de médiation urbaine. Ce groupe tripartite avait déploré le fait que la remise de contraventions pour des infractions mineures affectait particulièrement la population itinérante et menait, dans une proportion élevée, à leur emprisonnement pour non-paiement d'amende. C'est alors que la Commission s'est engagée à évaluer dans quelle mesure les règlements municipaux et leur application sont conformes à la Charte des droits et libertés de la personne.
Selon l'avis de la Commission, cette surjudiciarisation des personnes itinérantes repose sur des pratiques policières ciblées destinées à libérer l'espace public plutôt qu'à l'application neutre et impartiale de la loi.
La Commission démontre, exemples à l'appui, que les sans-abri de Montréal font l'objet d'un profilage social, alors qu'ils se voient remettre des contraventions pour des infractions qui ne sont pas ou rarement sanctionnées par les policiers lorsqu'elles sont commises par d'autres citoyens, comme traverser la rue ailleurs qu'à l'intersection ou se coucher sur un banc public, ou encore lorsqu'ils reçoivent cinq contraventions la même journée pour avoir gêné la circulation.
Bien que les personnes en état d'itinérance représentent moins de 1 % de la population, elles ont reçu 31,6 % des constats pour infraction municipale par la police en
L'avis de la Commission précise, que si dans le cas du profilage racial, c'est la couleur de la peau qui est l'élément déclencheur de la discrimination, dans le cas du profilage social ce sont plutôt des signes visibles de pauvreté et de marginalité. La stigmatisation des sans-abri dans les normes et règlements de la police et le profilage qui s'ensuit, porte atteinte au droit de ces personnes à la sauvegarde de leur dignité sans discrimination fondée sur la condition sociale.
L'avis novateur de la Commission recommande au gouvernement de financer la construction de logements sociaux et d'investir davantage dans des mesures de soutien à la réinsertion sociale des personnes itinérantes. La Commission demande aussi au gouvernement du Québec de renforcer dès que possible, les droits économiques et sociaux de la Charte pour protéger les populations les plus vulnérables de la société, notamment les personnes en état d'itinérance.
"Cet avis fournit le cadre qui permettra à tous ceux et celles qui veulent en finir avec l'itinérance de travailler ensemble pour mettre en place des solutions durables", a indiqué M. Cousineau.
Les 14 recommandations de la Commission sont annexées à ce communiqué.
L'avis, un sommaire et des fiches d'information sur La judiciarisation des personnes itinérantes à Montréal : un profilage social sont disponibles au www.cdpdj.qc.ca
Source: Patricia Poirier (514) 873-5146, ext. 358 [email protected]
ANNEXE LA JUDICIARISATION DES PERSONNES ITINÉRANTES À MONTRÉAL : UN PROFILAGE SOCIAL ------------------------------------------------------------------------- RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION 1. QUE les normes et politiques institutionnelles du SPVM en matière de lutte aux incivilités soient modifiées afin d'y supprimer les éléments qui ciblent et stigmatisent les personnes itinérantes; 2. QUE l'usage par le SPVM de méthodes répressives à l'encontre de la population itinérante repose non pas sur la perception sociale d'une présence dérangeante et menaçante, mais uniquement sur des critères comportementaux neutres applicables également à tous les citoyens, tel que le degré de nuisance ou de dangerosité de l'acte reproché; 3. QU'UNE formation sur les sources sociales de l'itinérance et sur les risques de profilage qui pèse sur les personnes itinérantes soit donnée au corps policier de la Ville de Montréal; 4. LA révision, par chaque municipalité et arrondissement, ainsi que par le gouvernement provincial, de toutes les dispositions réglementaires ou législatives sanctionnant des comportements qui découlent de l'obligation d'occuper l'espace public afin de s'assurer qu'elles comportent une nuisance bien identifiée et, le cas échéant, que celle-ci soit justifiée. Au surplus, la Commission recommande que les dispositions réglementaires non conformes à la Charte ne soient pas appliquées jusqu'à leur modification ou leur abrogation par les autorités compétentes; 5. L'abrogation de l'ordonnance de l'arrondissement Ville-Marie fermant ses quinze derniers parcs qui étaient encore ouverts la nuit; 6. L'abrogation de la disposition du Règlement sur les chiens et autres animaux de l'arrondissement Ville-Marie qui prohibe spécifiquement les chiens dans le parc Émilie-Gamelin et le square Viger; 7. QUE le Code de procédure pénale soit modifié afin d'éliminer l'impact discriminatoire, notamment sur les personnes en état d'itinérance, de ses dispositions actuelles prévoyant l'emprisonnement pour amendes impayées; 8. QUE l'État s'engage à renforcer les droits économiques et sociaux à l'intérieur de la Charte dans les plus brefs délais afin d'assurer la protection des droits des personnes les plus vulnérables de notre société, notamment les personnes en situation d'itinérance; 9. LA mise en place d'une politique sur l'itinérance afin que l'État, ses différents représentants et agents fournisseurs de services s'engagent formellement dans une action planifiée et concertée qui implique l'allocation de ressources dirigées et ce, en priorité aux personnes itinérantes; 10. QU'une politique sur l'itinérance : a) prévoie des mesures concrètes pour améliorer la coordination entre les différents acteurs œuvrant auprès de la clientèle itinérante, et ainsi assurer une continuité dans l'offre de service et un meilleur arrimage entre les différentes catégories d'intervention; b) renforce et bonifie les mesures existantes destinées à rejoindre là où elles se trouvent les personnes itinérantes souffrant de problèmes de santé mentale ou de dépendance, et ce, afin de s'assurer que ces personnes bénéficient d'un accompagnement et d'un suivi médical approprié au sein du réseau de la santé et des services sociaux; c) veille à renforcer et à augmenter les ressources destinées à assurer aux personnes itinérantes un suivi thérapeutique personnalisé et inscrit dans la longue durée; d) prévoie le renforcement des mesures ou des programmes existants destinés à accompagner et à outiller les jeunes qui sortent des centres jeunesse dans leurs démarches d'insertion, notamment au cours de leur parcours scolaire et de leur recherche d'emploi; e) renforce et bonifie les mesures et les programmes destinés à accompagner les personnes itinérantes ou à risque de le devenir dans le cadre de leur parcours de scolarisation et d'insertion professionnelle; f) s'appuie sur la mesure du Panier de consommation (MPC) pour fixer les barèmes du soutien financier octroyé aux personnes et aux familles les plus démunies par l'entremise des programmes d'aide sociale et de solidarité sociale; 11. QUE l'État privilégie une approche préventive et proactive relativement au phénomène de l'itinérance, notamment en faisant bénéficier d'un logement suffisant et adéquat les personnes en situation d'itinérance ou à risque de le devenir, si tel est leur souhait; 12. QUE le gouvernement bonifie et rende récurrents les budgets consacrés au financement de nouveaux projets d'habitation sociale par le biais des différents programmes de la Société d'habitation du Québec prévus à cet effet; 13. QUE le gouvernement revoie à la hausse le budget de cinq millions de dollars associé au Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social, et ce, sur la base des besoins chiffrés tels qu'estimés par ses différents partenaires du secteur de l'habitation sociale et communautaire; 14. QUE le gouvernement rattache au Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social un cadre de financement stable et récurrent qui soit ajusté annuellement en fonction de l'évolution des besoins réels des organismes publics et privés offrant du soutien communautaire en logement social.
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Renseignements: Patricia Poirier, (514) 873-5146, poste 358, [email protected]
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