Lock-out au Journal de Montréal - Un an, c'est assez !- La FPJQ réclame
l'intervention du premier ministre
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FEDERATION PROFESSIONNELLE DES JOURNALISTES DU QUEBEC24 janv, 2010, 11:11 ET
MONTRÉAL, le 24 janv. /CNW Telbec/ - Il y a exactement un an, les journalistes du Journal de Montréal étaient jetés à la rue par un lock-out qui traîne depuis trop longtemps. Quiconque a vécu une situation analogue par le passé en connaît les effets déshumanisants. Ce lock-out prive une centaine de reporters d'un travail qui leur tient à cœur et qui est essentiel dans une démocratie: informer les citoyens.
Cet anniversaire a des allures funestes pour toute la société québécoise, étant donné la faible probabilité d'un règlement du conflit à court terme. Le pourrissement des relations entre les parties confirme les craintes que la FPJQ émettait dès les premières heures du lock-out. Le plan d'affaires de Quebecor à propos du Journal semble non négociable. Il s'agit d'un plan pour faire de meilleures affaires et non un plan pour mieux informer le public.
La FPJQ s'inquiétait l'an dernier des conséquences des demandes patronales sur la qualité de l'information. Comme si ce n'était pas suffisant, Quebecor a durci le ton, en décembre dernier, en exigeant des nouvelles concessions, dont une réduction des effectifs dans la salle de rédaction.
La FPJQ compte des pigistes, des salariés et des cadres parmi ses 2000 membres. Son rôle n'est pas de se prononcer en faveur d'une partie ou d'une autre dans un conflit de travail, ou de négocier les clauses de la convention collective. Ce devoir de réserve s'arrête là où commence le débat sur la qualité de l'information. Depuis sa fondation, la Fédération défend les valeurs fondamentales du journalisme: la liberté de presse et le droit du public à une information honnête, complète, diversifiée et de qualité.
Au cours de ses 41 années d'existence, la FPJQ a profité de toutes les tribunes et de toutes les "crises" dans l'univers des médias pour rappeler que les entreprises de presse ne sont pas des entreprises comme les autres. Le commerce de l'information ne se résume pas à une recherche de rentabilité et de profitabilité. Les médias assument une mission sociale de première importance, soit d'éclairer les citoyens sur les grands enjeux de société.
Or les intentions de Quebecor inquiètent la Fédération à plusieurs égards.
- Quebecor est en voie d'intégrer ses très nombreux médias à travers sa nouvelle agence QMI. Celle-ci est conçue pour faire circuler librement les contenus entre les journaux, les magazines, les canaux de télévision et les sites internet du groupe. Cette intégration, qui s'effectue dans d'autres groupes de presse au Québec et ailleurs dans le monde, pose cependant un problème particulier du côté de Quebecor. En effet, le conglomérat veut lever les barrières à la circulation de l'information sans se doter de normes journalistiques rigoureuses et communes à toutes ses filiales. Le "pipeline" imaginé par Quebecor pourrait ainsi alimenter le Journal de Montréal en contenus qui ne respectent pas les normes journalistiques minimales, notamment du contenu promotionnel déguisé ou du matériel au service des autres intérêts corporatifs de l'empire. - L'intégration des contenus suppose aussi que Quebecor contraigne les pigistes à renoncer à leurs droits d'auteur et droits moraux afin de faciliter la libre circulation des textes, comme en fait foi l'expérience récente des journalistes indépendants avec TVA Publications. La FPJQ avait alors dénoncé cette initiative qui permet de manipuler, tronquer et modifier les reportages sans égards à leurs auteurs et éventuellement à la vérité. - Quebecor a l'intention d'accorder un rôle accru à QMI, en concentrant dans cette agence la recherche d'informations dans des secteurs névralgiques de l'actualité. Le cas échéant, il reviendrait à un nombre restreint de journalistes, par le truchement de QMI, d'alimenter les publications de Quebecor en politique, culture, économie, etc. En d'autres mots, une même source pourrait fournir plusieurs médias, alors qu'auparavant, plusieurs journalistes jetaient des regards divers sur la même réalité. Pour le public, cette intégration entraînera inévitablement un appauvrissement des points de vue. Il faut se souvenir que Quebecor avait voulu faire taire les critiques, en marge de la commission parlementaire sur la concentration de la presse à Québec en 2001, en assurant que le groupe "se tirerait dans le pied" s'il publiait des contenus identiques dans ses différents médias. C'était alors l'argument invoqué pour démontrer au gouvernement que la propriété commune du Journal et de TVA ne pourrait pas conduire à une moindre diversité de l'information. Quebecor avait aussi affirmé que le groupe ne se retirerait pas de La Presse canadienne, un engagement que le conglomérat est sur le point de renier. - Le groupe a développé au fil des ans une immense toile où toutes ses activités sont intégrées à la fois verticalement (de la production d'un artiste à sa promotion dans ses médias jusqu'au transport par le câble de cette promotion) et horizontalement dans tous les types de médias sauf la radio. La FPJQ a souvent sonné l'alarme pour freiner cette concentration et cette convergence excessives.
En résumé, ce modèle d'affaires est certes avantageux d'un point de vue économique, mais il est inacceptable pour une Fédération qui défend le principe de la diversité des sources d'information et des points de vue. Le citoyen y perd au change si l'intégration des contenus entraîne la répétition des mêmes informations sur de nouveaux supports de diffusion. Il ne faut surtout pas confondre la variété de ces supports et la variété des informations.
Le lock-out est l'outil par lequel Quebecor veut imposer à ses journalistes en premier lieu, mais aussi à toute la société, cette nouvelle façon d'organiser l'information. Les enjeux sous-jacents sont trop importants pour que la situation perdure. La FPJQ souhaite la reprise des négociations dans les meilleurs délais, et elle réclame l'intervention du premier ministre,
Enfin, Quebecor et le Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal doivent accepter de placer les valeurs journalistiques de rigueur, d'indépendance et d'intérêt public au cœur de leurs négociations. C'est ainsi qu'ils pourront assumer la responsabilité sociale dévolue aux médias d'information.
Renseignements: Brian Myles, président, Fédération professionnelle des journalistes de Montréal (FPJQ), (514) 262-2860
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