NOUVELLE ÉTUDE DE L'INSTITUT DU QUÉBEC APRÈS AVOIR OUVERT LES VANNES DE L'IMMIGRATION TEMPORAIRE, LES GOUVERNEMENTS FONT MARCHE ARRIÈRE... MAIS À QUEL PRIX?
MONTRÉAL, le 30 oct. 2024 /CNW/ - Après avoir largement ouvert les vannes de l'immigration temporaire, les gouvernements du Canada et du Québec tentent maintenant de faire marche arrière. Mais ce changement de cap sera particulièrement difficile à effectuer. C'est ce que révèle une étude publiée aujourd'hui par l'Institut du Québec (IDQ). « En réalité, cette hausse considérable de l'immigration temporaire est due à des politiques gouvernementales - tant à Ottawa qu'à Québec - qui ont assoupli les critères d'admission pour les étudiants étrangers et les travailleurs temporaires, et qui n'ont pas réussi à endiguer l'arrivée massive de demandeurs d'asile », explique Emna Braham présidente-directrice générale de l'IDQ.
Renverser la tendance ne sera pas une mince tâche car contrairement à l'immigration permanente où il suffit de fixer un seuil d'admission, cette réforme exigera la modification de multiples programmes dont les responsabilités sont bien souvent partagées entre Québec et Ottawa et qui ont chacun leurs propres critères d'admission. Cette complexité administrative, sur fond de tensions politiques, rend le processus particulièrement délicat.
À qui la faute?
Si la responsabilité des gouvernements est facile à établir en ce qui a trait aux demandeurs d'asile (fédéral) et aux étudiants étrangers (provincial), elle l'est beaucoup moins pour les permis de travail qui ont représenté la moitié de la hausse de l'immigration temporaire au Québec entre 2021 et 2024.
Or, le gouvernement québécois influence significativement l'obtention de certains permis de travail qui relèvent en théorie du fédéral. Par exemple, 41 500 permis de travail postdiplômes ont été accordés dans le cadre du Programme de mobilité internationale (PMI) à des étudiants que le Québec a lui-même sélectionnés.
Par ailleurs, le contrôle de l'immigration s'est érodé parce qu'une proportion importante des nouveaux arrivants n'est plus sélectionnée ou évaluée directement par Québec ou Ottawa, mais plutôt par des acteurs externes tels que des employeurs ou des établissements d'enseignement.
D'importantes cibles de réduction de l'immigration temporaire
Face aux défis que l'immigration temporaire a fait surgir, les gouvernements tentent désormais de corriger le tir. D'ambitieux objectifs ont été fixés dont celui que s'est donné le gouvernement fédéral de ramener l'immigration temporaire à 5 % de la population en 2027. Pour l'atteindre, dans le cas du Québec, il faudra diviser par trois le nombre de permis temporaires émis par année.
Sans s'être fixé de cibles précises, le gouvernement québécois demande une réduction de moitié des immigrants temporaires qu'il considère sous responsabilité fédérale, ce qui pourrait impliquer une baisse encore plus importante de l'immigration temporaire.
« Ces objectifs sont d'autant plus ambitieux que le ralentissement économique observé au cours des années 2023 et 2024 n'a pas infléchi la croissance de l'immigration temporaire au Québec, explique Simon Savard, économiste principal et directeur adjoint à l'IDQ. Par exemple, le nombre de travailleurs recrutés à l'international cette année par le biais du PTET pour pourvoir des postes vacants suit une trajectoire similaire à celle de 2023 et demeure nettement supérieur aux années précédentes. »
« Il y aura assurément un prix à payer à multiplier, - trop souvent et sans vision -, les ajustements administratifs qui affecteront des êtres humains et pourront déstabiliser des secteurs de notre économie qui dépendent de ces talents, soutient Emna Braham. Le Canada et le Québec ont historiquement développé des programmes d'immigration bien établis, avec des procédures de planification et une adhésion de la population. Pour faire mieux à l'avenir, il nous faudra donc prendre un pas de recul et nous rappeler les conditions qui ont contribué au succès de l'immigration canadienne. »
Pistes d'action pour le Québec:
- Revenir au fondement, l'immigration permanente : les systèmes d'immigration canadien et québécois ont historiquement donné d'excellents résultats. Prioriser ce type d'immigration planifiée, sélectionnée et qui vise des objectifs de développement à long terme semble donc l'avenue à favoriser. Pour le Québec, privilégier l'immigration permanente nécessitera toutefois de réfléchir autrement aux seuils à établir et de s'ouvrir à la perspective de les accroître.
- Planifier de front l'immigration temporaire et permanente : pris isolément, le débat sur les seuils d'immigration permanente est devenu dépassé. Dans cet esprit, il faudrait donc éviter de commettre la même erreur en ne braquant actuellement les projecteurs que sur l'immigration temporaire et en oubliant le fait que ces deux types de flux migratoires sont des vases communicants. Il serait donc souhaitable que le gouvernement du Québec inclue les enjeux d'immigration temporaire dans sa planification 2025.
- Reprendre le contrôle de l'immigration : les deux paliers de gouvernement doivent reprendre le contrôle de leur politique d'immigration en limitant l'influence d'acteurs externes comme les employeurs et les institutions d'enseignement.
- Renouer avec les objectifs économiques et la productivité : l'accent doit être mis sur la croissance de la productivité. Dans cette perspective, l'accueil d'immigrants hautement qualifiés doit être privilégié et les programmes qui permettent d'attirer des travailleurs peu qualifiés revus. Les secteurs de la santé et de la construction doivent toutefois continuer à faire l'objet d'un traitement particulier.
- Assurer le succès de l'immigration : il faut planifier l'immigration selon les cycles économiques afin de favoriser une intégration rapide et de qualité aux nouveaux venus, tout en investissant dans les services d'intégration, comme la francisation.
Pour en savoir plus
À propos de l'Institut du Québec
L'Institut du Québec est un organisme à but non lucratif qui axe ses recherches et ses études sur les enjeux socioéconomiques auxquels le Québec fait face. Il vise à fournir aux autorités publiques et au secteur privé les outils nécessaires pour prendre des décisions éclairées, et ainsi contribuer à bâtir une société plus dynamique, compétitive et prospère. www.institutduquebec.ca | @InstitutduQC
SOURCE Institut du Québec
Source: Liette D'Amours, Responsable des relations avec les médias, 514 649-2347, [email protected]
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