Élimination de la surtaxe sur les profits des fabricants de tabac - Augmentation minimale de la taxe tabac: une solution malavisée pour contrer l'évitement fiscal des cigarettiers
MONTRÉAL, le 22 mars 2017 /CNW Telbec/ - La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac questionne la décision du gouvernement fédéral de remplacer la surtaxe de 10,5 % sur les profits de l'industrie du tabac par une augmentation minime de la taxe d'accise, soit de 53 ¢ la cartouche de 200 cigarettes ou 5,3 ¢ le paquet de 20. « Bien que les revenus gouvernementaux soient appelés à augmenter d'un montant de 225 millions $ d'ici 2022 du fait de cette mesure, l'industrie s'en sort en échappant à une ponction additionnelle sur ses profits. De plus, l'augmentation des taxes d'accise sur les produits du tabac demeure trop faible pour avoir un impact significatif sur le taux de tabagisme, » commente Flory Doucas, porte-parole de la Coalition.
Tel qu'énoncé dans un récent mémoire de la Coalition concernant le cadre fiscal lié au tabac, au moins deux des trois principaux fabricants de tabac ont eu recours à des manœuvres d'évitement fiscal afin de réduire ou d'échapper à certaines charges fiscales qu'ils auraient autrement eu à payer. Par exemple, en délocalisant sa production au Mexique, Imperial Tobacco a pu éviter la surtaxe sur ses profits depuis 2007. Pour sa part, en convertissant ses bénéfices en remboursements de prêts, JTI-Macdonald a également réduit la surtaxe sur ses profits.
« Nous reconnaissons que la surtaxe était déjouée par des manœuvres douteuses employées par certains fabricants du tabac et que des correctifs étaient nécessaires. Cependant, l'idée de refiler la facture de la surtaxe aux fumeurs ne constitue pas une solution au problème d'évitement fiscal des fabricants du tabac. Par exemple, le gouvernement aurait pu remplacer la surtaxe par des permis de fabrication et d'importation tarifés. En outre, la taxe d'accise sur les produits du tabac devrait être augmentée dans le but spécifique de provoquer une baisse significative du tabagisme, ce que la nouvelle taxe n'accomplira même pas, » ajoute madame Doucas.
Pendant ce temps, l'industrie augmente ses prix
La hausse minime est d'autant plus décevante compte tenu des nouvelles données de Santé Canada qui montrent que l'industrie du tabac augmente elle-même ses prix de montants beaucoup plus substantiels. Il importe de noter que l'industrie n'augmente pas ses prix de manière uniforme, mais les segmente afin d'augmenter les prix des marques « premium » et de minimiser ceux des marques « à rabais », émoussant ainsi l'impact des hausses de taxes (voir « L'industrie manipule ses prix pour atténuer l'impact des taxes »).
En effet, les données sur le prix de gros des cigarettes montrent que les fabricants de tabac ont augmenté de 7,20 $ le prix moyen d'une cartouche à l'échelle canadienne depuis 2014. « À elles seules, les augmentations de prix effectuées depuis 2014 par les fabricants de tabac leur rapportent un montant supplémentaire de plus de 1 milliard de dollars par année, argent qui aurait dû revenir aux gouvernements qui, eux, doivent payer les factures des dégâts causés par les produits de cette industrie mortelle, » déplore Flory Doucas, porte-parole de la Coalition. (Pour des exemples concrets de hausses par marque, voir ici.)
Baisse du taux de tabagisme
Une nouvelle hausse de 4 $ la cartouche, par exemple, aurait généré plus de 650 millions $ par année en revenus supplémentaires à l'échelle du pays, comme ce fut le cas pour la dernière hausse fédérale du même montant en février 2014. « La hausse fédérale de 2014 a non seulement augmenter les revenus gouvernementaux, mais elle a vraisemblablement contribué à faire baisser le tabagisme à l'échelle du pays, sauvant ainsi d'innombrables vies », explique la porte-parole, en référence aux données de l'Enquête sur la santé des collectivités canadiennes publiées plus tôt ce matin par Statistique Canada. L'Enquête rapporte une baisse significative du taux de tabagisme de 18,4 à 17,7 %, entre 2014 et 2015, soit une baisse qui suit l'augmentation de la taxe fédérale sur le tabac de février 2014 de même qu'une hausse de la taxe provinciale dans quatre autres provinces cette année-là, dont au Québec et en Ontario.
Hypocrisie exposée
Rappelons que l'industrie du tabac et ses alliés dénoncent vigoureusement chaque hausse des taxes tabac, Imperial Tobacco allant même jusqu'à qualifier la dernière hausse par le fédéral en 2014 « d'irresponsable et à courte vue ». « Pendant qu'elle fait la morale aux gouvernements en invoquant la menace de la contrebande chaque fois qu'il est question de hausser la taxe sur le tabac, l'industrie procède discrètement à augmenter elle-même le prix des cigarettes, souvent par des montants supérieurs aux hausses de taxes qu'elle décrie! » s'insurge Flory Doucas. « À en croire l'industrie, l'augmentation du prix de marché des cigarettes constitue un risque pour la contrebande seulement lorsqu'il s'agit d'une hausse des taxes, et jamais lorsqu'elle est provoquée par l'augmentation du prix par le fabricant. C'est de l'hypocrisie pure et simple.
« En répétant sans relâche la vieille rengaine comme quoi les hausses de taxes feront resurgir la contrebande, les cigarettiers sont parvenus à alimenter la crainte des élus, à freiner les hausses de taxes et à augmenter leurs profits en s'emparant de la marge disponible pour augmenter leurs propres prix. La hausse minime des taxes annoncée aujourd'hui, lorsque comparée à celles beaucoup plus importantes du prix de gros des fabricants, témoigne du succès de la stratégie de l'industrie du tabac. »
Groupes-façade pour entretenir la propagande liée à la contrebande
La Coalition tient à rappeler qu'un document interne d'Imperial Tobacco récemment obtenu via un sonneur d'alerte anonyme démontre que l'industrie instrumentalise l'enjeu de la contrebande dans le cadre d'une vaste stratégie de relations publiques ayant pour objectif de refroidir toute volonté politique à augmenter les taxes. Le document confirme également que certaines associations « de détaillants » œuvrant au Québec ne sont en réalité que des groupes-façade de l'industrie mis sur pied pour déployer cette stratégie. Il s'agit de l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation et de la Coalition nationale contre le tabac de contrebande.
Pour voir le communiqué en PDF, avec graphique et références complètes, cliquer ici:
http://www.cqct.qc.ca/Communiques_docs/2017/PRSS_17_03_22_BudgetFederal_EliminationSurtaxe.pdf
À propos: Quelque 470 organisations québécoises -- associations médicales, ordres professionnels, municipalités, hôpitaux, écoles, commissions scolaires, etc., ont endossé les mesures destinées à réduire le tabagisme et ses conséquences réclamées par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Fondée en 1996, les principaux objectifs de la Coalition incluent prévenir l'initiation au tabagisme, favoriser l'abandon, protéger les non-fumeurs contre la fumée secondaire et obtenir un cadre législatif qui reflète la nature néfaste et toxicomanogène du tabac. La CQCT est une initiative de l'Association pour la santé publique du Québec.
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Entrevues : Mme Flory Doucas, codirectrice et porte-parole, CQCT: 514-598-5533; 514-515-6780 (cell.)
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