Enquête indépendante sur l'événement survenu à Cleveland le 19 juillet 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 12 févr. 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Cleveland le 19 juillet 2023 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 19 juillet 2023 vers 18 h 53, une femme contacte le 911 pour signaler qu'un proche lui a transmis des messages textes inquiétants contenant des propos suicidaires et qu'il est possible qu'il soit en possession d'une arme à feu.
Vers 18 h 55, un sergent de la SQ arrive au domicile concerné situé à Cleveland. Il ne voit personne à l'extérieur.
Quelques instants plus tard, trois collègues du sergent arrivent sur les lieux. Le sergent demande à l'un des policiers de le suivre en arrière de la résidence et aux deux autres de se positionner à l'avant de la résidence.
Le sergent cogne à la porte arrière en demeurant au bas des marches. Lui et son collègue se dirigent aussitôt sur le côté de la maison pour leur sécurité. Le sergent tient son arme à feu le long de sa cuisse et seule sa tête est exposée. Un homme demande « C'est qui? » et le policier répond à voix haute « C'est la police, on veut te parler ».
Quelques secondes plus tard, l'homme sort en haut des marches avec une carabine qu'il pointe en direction des policiers. Deux détonations sont immédiatement entendues, dont l'une en leur direction. Craignant que l'homme descende les marches pour faire feu de nouveau en leur direction, le sergent fait feu une fois vers l'homme craignant pour leur protection. Le policier ignore si l'homme a été atteint par le tir.
L'homme retourne par la suite dans la maison tandis que les deux policiers courent pour se barricader plus loin, l'un derrière le véhicule de l'homme et l'autre derrière son véhicule de patrouille stationné sur le côté droit de la résidence.
Quelques minutes plus tard, l'homme sort sur le balcon avant de la résidence avec une carabine qu'il pointe vers l'un des véhicules de patrouille derrière lequel un des policiers est toujours barricadé et fait feu à au moins deux occasions. Voyant le danger auquel est exposé son collège, un autre policier fait feu à son tour à quatre occasions en direction de l'homme. Celui-ci retourne dans la résidence.
Le sergent demande du renfort sur les ondes radio et l'assistance du groupe tactique d'intervention est demandée. Vers 21 h 20, certains policiers sur les lieux du périmètre de sécurité entendent un bruit sourd provenant de la résidence, vraisemblablement un coup de feu. Un drone est déployé pour recueillir des images afin de déterminer la suite de l'opération policière.
Vers 23 h 20, vu les images captées par un drone, l'homme est retrouvé au sol de la résidence. Il a visiblement retourné l'arme contre lui. Son décès est constaté au centre hospitalier.
La pathologiste conclut que le décès est attribuable à un traumatisme craniocérébral par arme à feu. Outre les blessures mortelles, elle constate également des lésions traumatiques par arme à feu aux cuisses. Elle conclut à une plaie d'entrée et de sortie à la cuisse droite de l'extérieur vers l'intérieur et note que la trajectoire dans la cuisse gauche pourrait représenter une réentrée du projectile.
La preuve au dossier, dont l'expertise en balistique, permet de conclure que c'est l'un des tirs du policier à l'avant de la résidence et non celui à l'arrière qui a atteint l'homme à la cuisse droite.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. Les policiers étaient autorisés à intervenir auprès de l'homme à sa résidence afin de s'assurer de sa sécurité.
Considérant le danger auquel ils faisaient face lors des tirs de l'homme, les deux policiers ayant fait feu avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire; le premier pour sa protection et celle de son collègue contre des lésions corporelles graves ou la mort et le second pour la protection de son collègue contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu de l'article 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
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Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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