Enquête indépendante sur l'événement survenu à Inukjuak le 11 mai 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 11 juin 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police du Nunavik (SPN) et de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Inukjuak le 11 mai 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 11 mai 2023 à 21 h 43, un appel est fait au poste de police d'Inukjuak concernant un homme agressif qui semble être en état d'ébriété devant sa résidence. Il crie après ses voisins et les passants. Un agent du SPN arrive peu de temps après l'appel et rencontre un petit groupe de personnes sur place.
Il aperçoit rapidement un homme avec une arme longue dans les mains. L'agent se barricade derrière son véhicule de patrouille pour se protéger. Il crie à l'homme de déposer son arme à feu. Ce dernier tire un coup de feu en réponse. Les passants se sauvent en courant en direction de leur maison. L'agent ordonne à plusieurs reprises à l'homme de laisser tomber son arme à feu, mais ce dernier n'écoute pas. Il crie, marche dans toutes les directions et pointe son arme à feu en direction des maisons de ses voisins ainsi que sur les véhicules qui circulent dans la rue. Constatant qu'il y a un risque très élevé que l'homme fasse feu de nouveau, l'agent fait feu à deux reprises en direction de l'homme sans l'atteindre.
Pendant ce temps, un second agent du SPN ainsi que deux agents de la SQ arrivent sur les lieux.
Le premier agent du SPN voit l'homme lever à nouveau son arme à feu en direction d'une maison à proximité. Devant cette situation, l'agent tire deux autres coups de feu et l'homme tombe au sol. Au même moment, l'autre agent du SPN, constatant la même scène d'un angle différent, fait feu à une reprise en direction de l'homme. Les agents se dirigent vers l'homme qui est au sol.
Les premiers soins sont prodigués sur place par les agents et l'homme est transporté vers un centre médical d'Inukjuak sur la banquette arrière de l'autopatrouille car il perd beaucoup de sang. Dans la nuit, un transfert par avion est fait à Puvirnituq. Ensuite, un transfert est effectué vers un centre hospitalier de Montréal.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et (25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes présentes sur les lieux. Considérant l'arme à feu en possession de l'homme, le fait qu'il l'a déchargée, son défaut d'obtempérer à de nombreuses reprises aux demandes du policier et l'état perturbé dans lequel il se trouvait, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection et la protection du public contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPN et de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article