Enquête indépendante sur l'événement survenu à Kuujjuarapik le 17 août 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 14 déc. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière et le policier de la Sûreté du Québec (SQ) et par le policier du Service de police du Nunavik (SPN).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Kuujjuarapik le 17 août 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 17 août 2022, vers 22 h, une femme contacte la ligne d'urgence policière de Kuujjuarapik et mentionne qu'un homme se bat avec d'autres personnes dans un cabanon derrière une maison. Deux policiers et une policière arrivent sur les lieux vers 22 h 05. Un homme leur explique qu'il a été attaqué, ainsi que deux autres personnes, par un homme avec un couteau et qu'ils ont réussi à l'enfermer dans le cabanon dont la porte a été ensuite verrouillée de l'extérieur.
Les trois policiers se dirigent vers le cabanon. En ouvrant la porte, ils constatent que l'homme se trouve au fond de la pièce à environ 3 mètres d'eux. L'homme tient un petit couteau de la main droite près de son cou du côté gauche. Il s'avérera plus tard qu'il s'agit d'un couteau de type exacto. L'homme n'a aucune blessure apparente. Il tient des propos suicidaires, démontre des signes d'intoxication et son ton est agressif.
L'infirmière à la clinique est contactée et une ambulance est demandée. Tenant compte que l'homme a attaqué des personnes avec le couteau, le policier du SPN sort son arme à impulsion électrique (AIE) qu'il pointe en direction de celui-ci et active sa caméra corporelle. Ce policier, secondé par moments par la policière, tente pendant environ 10 minutes de convaincre l'homme qu'ils sont là pour l'aider et de lâcher son couteau, sans succès. L'homme tient toujours le couteau près de son cou et menace sans arrêt de mettre fin à ses jours. Il est alors évident pour les policiers que l'homme n'a pas l'intention de collaborer.
Profitant du fait que l'homme descend le couteau à la hauteur de sa poitrine, le policier déploie l'AIE en mode projection. Voyant que l'homme s'apprête à replacer le couteau près de son cou, le policier déploie de nouveau l'AIE en mode projection en direction de l'homme qui s'effondre au sol.
Les policiers se dirigent auprès de l'homme pour retirer le couteau de sa main et le menotter dans le dos. En le retournant, ils constatent du sang sur le sol et une coupure au cou de l'homme. Une pression est maintenue sur la plaie jusqu'à l'arrivée des premiers répondants. L'homme est rapidement transporté vers une clinique médicale, puis transporté par avion dans un hôpital de Montréal au cours de la nuit pour soigner ses blessures.
Le visionnement de l'enregistrement audio vidéo par la caméra corporelle portée par le policier ayant utilisé l'AIE, permet de voir que celui-ci tient l'AIE devant lui face à l'homme. Il permet également d'entendre les policiers mentionner à de nombreuses reprises qu'ils sont là pour venir en aide à l'homme et tenter de le convaincre de lâcher son couteau. Le fait que le policier tient l'AIE devant lui bloque le champ de vision de la caméra et il n'est pas possible de constater les mouvements de l'homme. On entend les propos suicidaires de l'homme et on peut constater que ce dernier demeure au fond de la pièce et ne lâche vraisemblablement pas le couteau. Toutefois, les deux détonations de l'AIE sont audibles et on voit ensuite l'homme tomber au sol ainsi que les pressions faites sur la plaie au cou dans l'attente de l'arrivée des ambulanciers.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans cette affaire, au moment de procéder à l'arrestation de l'homme, ce dernier menaçait d'attenter à sa vie en tenant un couteau près de son cou et les policiers devaient tenter de le désarmer tout en protégeant leur vie. Le policier a attendu d'avoir une opportunité pour déployer l'AIE afin d'empêcher l'homme de porter atteinte à sa vie. L'utilisation de l'AIE dans ces circonstances était fondée sur des motifs raisonnables et constituait une force nécessaire et proportionnelle à la menace.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière et le policier de la SQ et par le policier du SPN impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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