Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 24 mai 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 8 janv. 2024 /CNW/ - Un verdict ayant été rendu par le tribunal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Rappelons qu'il concluait, dans son communiqué intérimaire du 31 mai 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par le policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Montréal le 24 mai 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers avaient procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Une procureure ayant participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.
Le 24 mai 2021, vers 21 h, un agent du SPVM aperçoit un homme qui se trouve aux abords de la jonction d'une ruelle perpendiculaire à la 24e Avenue à Montréal. Cet homme lui fait dos et urine près d'un poteau électrique.
Le policier interpelle l'homme et lui demande de s'identifier afin de lui remettre un constat d'infraction pour contravention à la réglementation municipale. Le policier constate que l'homme est en état d'ébriété. L'homme mentionne un prénom seulement, dit qu'il veut rentrer chez lui et s'éloigne en marchant du policier. Le policier lui agrippe le poignet gauche et place son bras droit autour de lui au niveau de sa poitrine. L'homme tente de se dégager de la prise du policier. Ce dernier soulève l'homme du sol et tente de l'asseoir sur le trottoir afin de lui mettre les menottes. Durant la manœuvre, l'homme chute sur le dos et sa tête percute le trottoir.
Le policier s'accroupit aux côtés de l'homme pour vérifier son état. Il constate qu'il est conscient, mais que l'assistance des ambulanciers est requise. L'homme est transporté à l'hôpital où il reçoit les soins requis par son état de santé.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, la preuve révèle que l'intervention était légale et visait l'application de la réglementation municipale. Puisque l'homme cherchait à fuir les lieux sans s'identifier, le policier avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à son endroit était nécessaire pour le retenir aux fins de l'application de la loi. De plus, l'usage de la force était nécessaire, justifié et proportionnel à la résistance opposée par l'homme.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier du SPVM impliqué dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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