Enquête indépendante sur l'événement survenu à Notre-Dame-de-Lourdes le 22 septembre 2021 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 28 avril 2023 /CNW/ - Un verdict ayant été rendu par le tribunal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Rappelons qu'il concluait, dans son communiqué intérimaire du 1er juin 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement survenu à Notre-Dame-de-Lourdes le 22 septembre 2021 entourant l'arrêt respiratoire d'un homme auquel il a survécu.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 22 septembre 2021, vers 2 h 50, une policière et un policier de la SQ remarquent sur la rue Principale à Notre-Dame-de-Lourdes un véhicule immobilisé à un arrêt et dont les feux de détresse sont activés. Le conducteur tient dans sa main gauche un téléphone et semble parler au téléphone. Le véhicule démarre et les agents interceptent le véhicule pour une infraction au Code de la sécurité routière (CSR), soit l'utilisation d'un cellulaire à bord d'un véhicule, et pour vérifier l'état du conducteur.
Lors de l'interpellation de celui-ci, les agents constatent qu'il tremble et sue abondamment. Il est nerveux et vague dans ses propos. La policière constate la présence d'un pot de pilule contenant de la poudre blanche entre les sièges avant. Après avoir remis ses documents d'identification au policier, le conducteur prend immédiatement la fuite à bord de son véhicule.
Une poursuite policière débute avec gyrophares et sirène en fonction sur plusieurs kilomètres. La vitesse des véhicules varie entre 60 et 100 km/h dans une zone où la limite est de 90 km/h.
Deux duos de policiers prêtent assistance aux agents. Un premier duo se joint à la poursuite à bord d'un véhicule dans le secteur du chemin de la Vallée-des-Pins, tandis que l'autre duo procède à l'installation d'un hérisson à pointes creuses (tapis à clous) en premier lieu sur la rue Principale à l'intersection de la rue Mathias pour ensuite le déplacer sur le chemin de la Vallée-des-Pins juste avant l'intersection de la rue Principale.
Le véhicule fuyard roule sur le tapis à clous vers 3 h 05 entraînant une crevaison des pneus avant. Il perd de la vitesse, tourne à droite sur la rue Principale et s'engage ensuite sur le chemin Cloutier puis sur la rue Maria, située dans un quartier résidentiel. Le véhicule de patrouille ayant procédé à l'interception se trouve derrière le véhicule fuyard qui roule à une vitesse estimée à 30-40 km/h.
Sur la rue Maria, le conducteur du véhicule de patrouille voit une opportunité d'immobiliser le véhicule fuyard et roulant à basse vitesse, tente de diriger le véhicule vers le fossé. Le véhicule fuyard percute le véhicule de patrouille du côté passager et poursuit sa route. Le véhicule de patrouille réussit ensuite à dépasser le véhicule par la droite et positionne son véhicule de manière à empêcher le véhicule fuyard de poursuivre sa route. Une collision à très basse vitesse a lieu entre les deux véhicules. L'avant du véhicule fuyard heurte le côté conducteur du véhicule de patrouille. Le véhicule fuyard est alors immobilisé en bordure du fossé opposé cette fois.
Cherchant à fuir de nouveau, le véhicule recule mais un autre véhicule de patrouille se trouve à ce moment derrière celui-ci. Ainsi coincé entre deux véhicules de patrouille, le véhicule est finalement immobilisé.
Vers 3 h 10, deux policiers sortent de leur véhicule respectif et interpellent, arme à la main, le conducteur en lui demandant de montrer ses mains et de sortir du véhicule. L'homme montre ses mains. L'un des deux policiers ouvre ensuite la porte et prend l'homme par le bras gauche pour l'aider à sortir. L'homme semble figé mais collabore à sa mise au sol.
C'est dans ce contexte que l'un des policiers utilise l'un de ses pieds afin de soulever l'homme dont la corpulence rend difficile la libération du bras gauche coincé sous lui. Le policier explique que, sa botte ne glissant pas suffisamment, il doit donner des coups de pied au ras du sol afin de pouvoir soulever le bassin de l'homme. Cette technique n'a cependant pas le résultat escompté.
La policière participe également à la maîtrise de l'homme qui est finalement menotté après que les agents réussissent à prendre ses bras et à les maintenir au dos. Il est ensuite placé en position latérale. Moins d'une minute après, l'homme subit un arrêt respiratoire. Il est immédiatement démenotté et l'un des policiers se rend dans le véhicule chercher le défibrillateur externe automatisé (DEA).
Une ambulance est immédiatement demandée sur les lieux. Le DEA ne conseille pas de chocs alors des manœuvres de réanimation sont effectuées sur l'homme. À la suite de ces manœuvres, l'homme reprend conscience et recommence à respirer. Il informe les policiers qu'il est « cardiaque ».
À 3 h 29, l'homme est pris en charge par les ambulanciers et transporté dans un centre hospitalier afin de recevoir les soins appropriés.
L'homme a indiqué au BEI ne pas se souvenir de l'intervention policière.
Les deux interventions étaient légales. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. Le conducteur contrevenait au CSR en utilisant un téléphone cellulaire d'une façon interdite par la loi. Par ailleurs, les feux de détresse ayant été allumés, les policiers voulaient s'assurer que le conducteur n'était pas en difficulté.
Au moment où le conducteur décide de prendre la fuite, l'intervention policière n'est pas terminée. Outre, la contravention au CSR, les policiers soupçonnaient la présence de drogue dans le véhicule. La pose du tapis à clous était appropriée dans les circonstances. Ensuite, l'omission d'arrêter son véhicule alors qu'il est poursuivi par un agent de la paix constitue une infraction au CSR ainsi qu'une infraction criminelle. Les policiers pouvaient donc procéder à l'arrestation du conducteur pour entrave au travail des policiers et omission d'arrêter son véhicule dans les circonstances.
Dans la présente affaire, le DPCP est par ailleurs d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La preuve révèle que les policiers ont fait usage de la force nécessaire et sans brutalité afin de procéder à l'arrestation de l'homme en le maîtrisant et le menottant au sol. C'est dans les instants qui suivent que l'homme subit un arrêt respiratoire et celui-ci démontrait déjà des signes de malaises physiques évidents lors de l'intervention initiale.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
https://www.quebec.ca/gouv/ministeres-et-organismes/directeur-poursuites-criminelles-penales
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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