Enquête indépendante sur l'événement survenu à Saint-Jérôme le 20 septembre 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 24 sept. 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Saint-Jérôme (SPVSJ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Saint-Jérôme, le 20 septembre 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Une procureure qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le soir du 20 septembre 2023, une femme héberge chez elle un homme, qui est l'un de ses proches.
Vers 22 h 33, cette femme fait un appel 911. Elle relate que l'homme s'est enfermé dans la salle de bain de l'appartement; elle croit qu'il s'est infligé des blessures avec un couteau puisqu'elle a vu une grande quantité de sang.
Un premier duo de policiers arrive sur les lieux vers 22 h 40 et un second duo arrive vers 22 h 50.
La femme se rend à l'extérieur et indique à une policière que l'homme a tenu des propos suicidaires pendant la soirée.
Cette policière se positionne à l'extérieur de l'immeuble et établit un contact verbal avec l'homme, à travers la fenêtre entrouverte de la salle de bain.
L'homme nie avoir un couteau avec lui et nie avoir tenu des propos suicidaires. Il refuse de sortir de l'appartement pour être évalué. Il ne veut pas voir les ambulanciers ni se rendre à l'hôpital. Il refuse de discuter avec une intervenante au téléphone.
De plus, l'homme dit ne pas aimer la police et leur demande de partir à maintes reprises. Il parle de manière injurieuse à la policière.
Pendant ce temps, deux ambulanciers et trois autres policiers arrivent sur les lieux.
Vers 23 h 30, les policiers établissent un plan d'entrée. Vers 23 h 40, quatre policiers entrent discrètement dans l'appartement, accompagnés d'un superviseur. Deux policiers ont leur arme de service en main, l'un est muni d'une arme à impulsion électrique et l'autre tient un aérosol capsique.
L'un d'eux défonce la porte de la salle de bain d'un coup de pied. Du sang recouvre le sol et les murs. L'homme est couché dans le bain rempli d'eau souillée par le sang. Un couteau muni d'une lame dentée d'environ six pouces se trouve au sol près du bain. À l'aide du manche d'un balai, un policier parvient à mettre le couteau hors de portée de l'homme.
Les policiers craignent que l'homme ait une autre arme. Il refuse plusieurs fois de leur montrer ses mains, jusqu'à ce qu'il les sorte momentanément de l'eau. Or, le mouvement est trop rapide pour permettre aux policiers de confirmer que l'homme ne dissimule rien, mais leur permet de percevoir des blessures à ses poignets. Les policiers expliquent à l'homme qu'ils veulent l'aider et non l'arrêter, mais celui-ci refuse leur demande répétée de sortir du bain.
Les policiers considèrent que la quantité de sang au sol crée un risque de chute qui empêche une approche sécuritaire de l'homme.
De plus, l'homme avise plusieurs fois les policiers de ne pas s'approcher de lui, les menaçant de les attaquer et de les tuer, et leur disant qu'il a le VIH.
Dans les circonstances, les policiers s'entendent pour employer la force afin de susciter la collaboration de l'homme. Un policier utilise alors son aérosol capsique et pulvérise du poivre de Cayenne au visage de l'homme.
L'homme crie et se plaint que son visage brûle, mais il demeure dans le bain.
L'un des policiers fait une démonstration des arcs de l'arme à impulsion électrique, pour convaincre l'homme de collaborer.
Quelques minutes plus tard, l'homme dit aux policiers qu'il veut sortir du bain. Ces derniers lui donnent alors des consignes et l'homme obtempère. Il sort du bain les mains dans les airs et s'étend ensuite sur le ventre, au sol, pour ramper jusque dans la cuisine.
À ce moment, les policiers constatent les blessures profondes que l'homme s'est infligées aux avant-bras et du côté droit de la gorge.
Les policiers le menottent à l'aide d'attaches autobloquantes et ils lui font couler de l'eau au visage afin d'atténuer la sensation de brûlure causée par le poivre de Cayenne.
Les ambulanciers prennent l'homme en charge et le transportent à l'hôpital.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. En l'espèce, l'intervention des policiers auprès de l'homme a eu lieu dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions et en respect de leurs devoirs. Ils se trouvaient légalement dans l'appartement à cette occasion.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
En l'espèce, l'emploi de l'aérosol capsique était nécessaire pour assurer la sécurité de tous. En effet, l'homme avait tenu des propos suicidaires, la quantité de sang perdue était abondante et il présentait des lacérations aux poignets. Ce dernier déclinait l'aide offerte depuis plus d'une heure et représentait un risque pour lui‑même.
De plus, le sang au sol empêchait les policiers d'approcher l'homme de façon sécuritaire, d'autant plus qu'ils ignoraient s'il dissimulait une arme et qu'il tenait des propos menaçants à leur égard. Dans ce contexte, la pulvérisation de poivre de Cayenne correspondait à l'utilisation d'un degré de force raisonnable afin d'obtenir la collaboration de l'homme et de lui venir en aide.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVSJ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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