Fumée de tabac sur les terrasses de restaurants et de bars de Montréal: Exposition des non-fumeurs et des employés à des niveaux dangereux de particules cancérigènes
MONTRÉAL, le 2 août 2013 /CNW Telbec/ - Ryan Kennedy, PhD., un chercheur de l'Université Johns Hopkins de Baltimore et récemment de l'Université Harvard, a profité de son passage à Montréal pour mesurer les particules fines dans l'air des terrasses de quelques bars. Peu importe le type de terrasses, qu'elles soient recouvertes ou non, dès qu'une seule cigarette est fumée l'indice de la qualité de l'air pouvait atteindre des niveaux comparables aux pires journées de smog à Los Angeles ou à ceux obtenus à Kelowna (C.-B.) lorsque des incendies de forêt ravageaient la région.
À l'aide d'un appareil scientifique conçu spécifiquement pour mesurer les particules ayant un diamètre de moins de 2,5 micromètres [PM2,5] (SidePack 510AM de TSI), le chercheur Kennedy, accompagné d'un caméraman et de représentants de groupes de santé, a réalisé une gamme de lectures dépassant 332 μg/m3 et ce, même lorsqu'il n'y avait qu'une seule personne fumant sur la terrasse partiellement recouverte de parasols.
Pendant la pire journée de smog à Los Angeles, on a mesuré 70 μg/m3 dans l'air. L'Organisation mondiale de la santé établit les valeurs maximales d'exposition pour une période de 24 heures à 25 μg/m3 pour les PM2,5, mais précise que cette limite tombe à zéro dans le cas de PM2,5 émanant de la fumée de tabac, étant la nature hautement cancérigène des substances qui la composent.
Voici trois exemples des relevés de lectures mesurées sur des terrasses (aménagées différemment) sur la portion piétonnière de la rue Sainte-Catherine, à Montréal, le 30 juillet 2013:
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Selon le professeur Kennedy, « ces analyses confirment les études scientifiques à l'effet que même si une terrasse est complètement ouverte, c'est-à-dire sans toit ni parasol, et même avec du vent, l'usage du tabac sur une terrasse peut générer des concentrations très élevées de particules fines, soit celles qui pénètrent profondément dans les poumons et qui sont, dans le cas de la cigarette, cancérigènes. Bien que les niveaux baissent aussitôt qu'on s'éloigne de la source, c'est-à-dire du fumeur, et que l'exposition varie en fonction de la direction et de la force du vent, il n'en demeure pas moins que les travailleurs sont continuellement susceptibles de passer d'une zone 'cancérigène' à une autre. On pourrait facilement éliminer ce risque en interdisant de fumer sur les terrasses. »
Le docteur Fernand Turcotte, ancien professeur de la Faculté de médecine de l'Université Laval et spécialiste en santé au travail, fait remarquer que « lorsque de tels contaminants sont générés sur une base régulière par la machinerie dans les usines, on installe des équipements sophistiqués de ventilation et de filtration et on oblige les travailleurs à porter des masques. Les serveurs et serveuses des restaurants et des bars méritent autant qu'eux d'être protégés des substances toxiques. L'exposition à la fumée de tabac secondaire est associée au cancer du poumon, au cancer du sein, aux troubles respiratoires et aux maladies cardiaques ».
« Étant donnée la nature inodore et incolore de plusieurs contaminants retrouvés dans la fumée de tabac, les gens ne réalisent généralement pas à quel point une seule cigarette allumée peut compromettre la qualité de l'air, surtout en voyant les panaches de fumée se dissiper dans l'air lorsqu'on est assis sur une terrasse. Or, la démonstration du professeur Kennedy confirme les études scientifiques qui démontrent que même si une personne fume à ciel ouvert, les niveaux de particules fines mesurées à peine deux mètres plus loin peuvent atteindre des concentrations de 120 μm/m3 à chaque expiration du fumeur, » ajoute le Dr Turcotte.
« Prévisiblement, un certain nombre de tenanciers d'établissements y verront la catastrophe pour leur chiffre d'affaires, comme ils l'avaient appréhendé en 2006 lorsque Québec a interdit de fumer à l'intérieur des bars. Par ailleurs, on n'a observé aucun signe d'une catastrophe économique dans les nombreuses juridictions qui ont déjà interdit de fumer sur les terrasses, dont trois provinces canadiennes (la Nouvelle-Écosse, l'Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador) de même que plusieurs villes comme Vancouver et Ottawa. Même des chaînes comme les cafés Starbucks et les restaurants Normandin ont des terrasses complètement sans fumée au Québec, » précise André Beaulieu, porte-parole pour la Société canadienne du cancer, division Québec.
« Le Conseil québécois sur le tabac et la santé, tout comme de nombreux autres groupes de santé, espère que les membres la Commission de la santé de l'Assemblée nationale, qui entendent examiner la Loi sur le tabac à la fin août, constateront que la loi actuelle néglige la santé des employés qui travaillent sur les terrasses des restaurants et des bars, alors qu'elle protège celle des travailleurs de bureau, » renchérit David Lefebvre, porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé.
« Notre position en est une de santé publique. Nous appuyons l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics lorsque la science confirme un risque pour la santé des non-fumeurs, surtout pour les employés qui n'ont pas toujours le choix d'y circuler pendant plusieurs heures d'une même journée. D'un point de vue de santé publique, nous ne pouvons écarter le risque pour les travailleurs de restaurants et de bars comportant des terrasses, » conclut Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Cette position est partagée par l'Organisation mondiale de la santé, qui encourage les gouvernements à adopter des mesures de protection dans les lieux publics extérieurs ou semi-ouverts lorsqu'il existe des risques potentiels pour la santé.i
Loi québécoise : Au Québec, la Loi sur le tabacii interdit de fumer dans les lieux publics où sont installés des tentes, chapiteaux ou autres installations semblables (les directives du ministère de la Santé spécifient que l'interdiction ne s'applique que pour les installations « constituée[s] d'un toit et de cloisons amovibles munis d'un dispositif qui en permet la fermeture complète ou partielle »iii). |
Précédents d'interdiction de fumer sur les terrasses de restaurants et de bars: Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, l'Alberta, le Yukon et de nombreuses municipalités (Ottawaiv, Vancouver, Thunder Bay, Saskatoon et Kingston) interdisent de fumer sur les terrasses des restaurants et des bars. L'Alberta et plusieurs villes (dont Surrey, Vancouver, Richmond et Port Moody) ont étendu l'interdiction à un rayon additionnel de 3 à 7,5 mètres autour des terrasses.v,vi L'Ontario interdit l'usage du tabac sur les terrasses sitôt qu'elles sont recouvertes (partiellement ou complètement) d'un toit quelconque ou lorsqu'une terrasse est adjacente à une autre qui, elle, est sans fumée.vii L'Île-du-Prince-Édouard interdit de fumer sur les terrasses jusqu'à 22h00. |
Fondée en 1996, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac représente quelque 460 organisations québécoises — associations médicales, ordres professionnels, municipalités, hôpitaux, écoles, commissions scolaires, etc. — qui appuient une série de mesures destinées à réduire le tabagisme et ses conséquences. Ses principaux objectifs incluent prévenir l'initiation au tabagisme, favoriser l'abandon, protéger les non-fumeurs contre la fumée secondaire et obtenir un cadre législatif qui reflète la nature néfaste et toxicomanogène du tabac. |
i Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, Directives pour l'application de l'article 8 (2007), page 5, http://www.who.int/fctc/cop/art%208%20guidelines_french.pdf
ii Gouvernement du Québec, Loi sur le tabac, http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=/T_0_01/T0_01.html
iii Ministère de la Santé et des Services sociaux, http://publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2006/06-006-03.pdf
iv http://ottawa.ca/fr/health_safety/living/dat/tobacco/overview/
v Société canadienne du cancer, Règlements pour interdire de fumer à l'extérieur : Suivez la tendance croissante, mai 2010.
vi Association pour les droits des non-fumeurs, Compendium of Smoke-free Workplace and Public Place Bylaws, printemps 2012, http://www.nsra-adnf.ca/cms/file/files/Compendium_Spring_2012.pdf
vii Smoke-free Ontario, http://www.mhp.gov.on.ca/en/smoke-free/factsheets/bars_restaurants.pdf
SOURCE : COALITION QUÉBÉCOISE POUR LE CONTRÔLE DU TABAC
Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac : 514-515-6780
David Lefebvre, porte-parole du Conseil québécois sur le tabac et la santé : 514 424-5876
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