Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 28 août 2020 à Inukjuak, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 24 nov. 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 28 août 2020 à Inukjuak, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Corps de police régional Kativik (CPRK).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 28 août 2020 vers 14 h 25, un agent du CPRK reçoit un appel d'une femme l'informant qu'un homme en état d'ébriété est tombé par terre en face de chez elle. Le policier se rend sur les lieux et localise l'homme qui est toujours au sol. Il est conscient, mais très peu réactif. Il émet des sons, mais ne peut articuler de mots ni se lever par lui-même. Il est mis en état d'arrestation pour avoir troublé la paix et le policier le prend par le torse pour le mettre à l'arrière du véhicule de patrouille.
En chemin vers le poste de police, le policier s'arrête pour mettre en état d'arrestation une autre personne en état d'ébriété. Celle-ci est aussi placée sur le siège arrière du véhicule, mais est séparée de l'homme par une cloison.
À l'arrivée au poste, vers 14 h 48, le policier appelle un de ses collègues pour qu'il lui ouvre la porte et l'aide à déplacer l'homme. Lorsqu'il ouvre la portière du véhicule, l'homme glisse au sol, incapable de se retenir. Les deux policiers le transportent à l'intérieur du poste. Ils fouillent l'homme et lui retirent ses vêtements superflus. Ils le placent ensuite en position latérale de sécurité dans une cellule vide. À ce moment, l'homme a un pouls et respire. Le policier qui a procédé à l'arrestation demande au gardien du bloc cellulaire, un civil, de garder un œil sur lui puisqu'il est fortement intoxiqué.
Vers 15 h, le gardien civil constate par la fenêtre de la cellule un mouvement de respiration chez l'homme, qui est toujours dans la position de recouvrement. À 15 h 20, il constate que l'homme est encore dans la même position et qu'il fait des bruits comme s'il ronflait. Vers 15 h 56, le policier, accompagné d'un collègue, place un autre détenu dans la même cellule que l'homme. À ce moment, il constate que l'homme respire et émet des sons.
Vers 16 h 40, le policier demande au gardien civil d'aller vérifier l'état de l'homme. Le gardien revient en mentionnant qu'il ne le voit pas respirer. Un autre policier présent va avec lui pour ouvrir la porte de la cellule. Il constate alors qu'il n'a pas de pouls ni de respiration. Il met l'homme sur le dos et commence des manœuvres de réanimation. Le gardien civil va avertir le premier policier pour lui demander d'appeler les premiers répondants. Celui-ci s'exécute immédiatement, puis va aider son collègue avec les manœuvres de réanimation. Ils se relayent en attendant l'arrivée des ambulanciers (premiers répondants).
Ceux-ci arrivent à 16 h 48, en même temps qu'un autre policier qui a été informé de l'incident par radio. Les ambulanciers (premiers répondants) prennent en charge les manœuvres de réanimation et à 16 h 56, ils partent en ambulance vers la station des infirmières. Le dernier policier arrivé sur les lieux les accompagne. À 18 h 18, il est informé du décès de l'homme.
Le rapport d'autopsie conclut à l'absence d'intervention d'un tiers dans la cause du décès de l'homme. Son taux d'alcoolémie après le décès est de 409 mg/100 ml de sang. Du THC est aussi présent dans le sang. Le décès est attribuable à une intoxication aigüe à l'alcool.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. Toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure, aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle que le policier qui a amené l'homme au poste a averti le gardien civil de la nécessité de bien le surveiller puisqu'il était dans un état d'intoxication avancé. Ce policier n'était ensuite plus responsable de la surveillance de l'homme, qui incombait au gardien civil. Il devait en effet répondre à des appels et patrouiller à l'extérieur du poste. L'autre policier qui a aidé à amener l'homme dans le poste de police n'était plus en service et a quitté les lieux quelques minutes après l'arrivée de l'homme. Il n'était donc pas non plus responsable de sa surveillance.
De plus, l'homme avait été placé dans la position latérale de sécurité et, malgré son état d'ébriété avancé, il respirait et avait un pouls lorsqu'il a été placé en cellule ainsi que lorsque le gardien civil a vérifié son état à 15 h et 15 h 20. Il respirait aussi toujours lorsque deux policiers ont placé un autre détenu dans la même cellule à 15 h 56. Selon ce détenu, l'homme dormait à ce moment.
Compte tenu des ressources limitées, le policier ayant procédé à l'arrestation avait été informé lors de précédents événements que seules les personnes en état d'ébriété présentant certains symptômes particuliers devaient être amenées à la station des infirmières pour une évaluation médicale. L'homme ne présentait pas les symptômes en question.
Les policiers se sont conformés aux procédures en place et n'ont ainsi pas omis de se conformer à un devoir légal.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers du CPRK impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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