Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 29 octobre 2020 à Montréal, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 23 févr. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 29 octobre 2020 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales. Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le matin du 29 octobre 2020 vers 5 h 50, un appel est fait au 911 concernant un homme en crise qui tient des propos incohérents. Deux agents du SPVM répondent à l'appel. Vers 5 h 55, ils localisent l'homme qui crie au milieu de la rue, à l'intersection du chemin de la Côte-Saint-Luc et de l'avenue West Hill.
Le policier conducteur baisse la fenêtre de l'autopatrouille. Il demande à l'homme de se calmer et de retourner sur le trottoir, mais ce dernier ignore ses demandes. Alors qu'il se trouve toujours à bord du véhicule, le policier se rapproche de l'homme afin de faciliter la communication. L'homme s'avance vers l'autopatrouille, côté conducteur. Le policier constate que l'homme est armé d'un couteau (lame de 8 cm). Il lui demande de lâcher son couteau, mais sans succès. Le policier fait marche arrière avec le véhicule pendant que l'homme continue d'avancer vers lui. Le policier passager en profite pour sortir du véhicule et aller bloquer la circulation.
L'homme fait quelques pas en direction est sur le chemin de la Côte-Saint-Luc, vers un camion de livraison qui circule en direction ouest. Le policier lui demande de jeter son couteau, mais l'homme refuse d'obtempérer. L'homme se dirige ensuite vers un autobus de la Société de transport de Montréal (STM), qui circule lui aussi en direction ouest.
Vu le positionnement de l'homme et la crainte qu'il poignarde quelqu'un, le policier actionne la sirène du véhicule et avance rapidement vers lui. L'homme se retourne vers l'autopatrouille et retire le couteau de son étui. Le policier décide donc de sortir du véhicule. Il pointe son arme à feu en répétant à l'homme de laisser tomber son couteau. C'est alors que l'homme, toujours armé, fonce vers lui (direction ouest).
Le policier fait quelques pas de recul et ordonne à l'homme de lâcher son couteau. Voyant que l'homme se rapproche dangereusement de lui, le policier part à la course afin de trouver barricade. L'homme le pourchasse sur une courte distance, jusqu'à ce que le policier se retourne et tire deux coups de feu successifs en sa direction. L'homme s'affaisse, mais continue d'avancer faiblement, toujours armé du couteau. Au même moment, le policier passager, qui observe la scène de l'autre côté de la rue, fait quelques pas vers eux, puis fait feu en direction de l'homme.
Au total, trois coups de feu sont tirés en quelques secondes, mais un seul atteint l'homme mortellement. L'expertise balistique révèle qu'il s'agit d'un coup de feu tiré à une distance de moins d'un mètre, ce qui est compatible avec l'un des deux tirs effectués par le policier conducteur qui était poursuivi par l'homme. Le délai qui s'est écoulé entre l'interpellation de l'homme et le dernier coup de feu est de deux à trois minutes.
Des agents en renfort arrivent sur les lieux vers 6 h et entament rapidement des manœuvres de réanimation sur l'homme. Celui-ci est ensuite transporté au centre hospitalier où son décès est constaté à 6 h 57.
Le rapport d'autopsie révèle que le décès de l'homme est attribuable à un traumatisme cardiothoracique par arme à feu.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. La preuve révèle que le policier conducteur a tenté de dialoguer avec l'homme, l'a invité à se calmer et lui ordonne à plusieurs reprises de lâcher son couteau, mais l'homme n'a jamais obtempéré. La décision de faire usage de la force s'est prise très rapidement, alors que le policier conducteur était poursuivi par l'homme, armé d'un couteau. Bien que la distance initiale entre lui et l'homme fût sécuritaire, celle-ci a diminué en l'espace de quelques secondes, au point de représenter un danger imminent de lésions corporelles graves ou de mort pour le policier conducteur.
Considérant que l'homme était armé d'un couteau, qu'il refusait d'obtempérer, qu'il s'est rapproché du policier rapidement et qu'il se trouvait à une distance de moins d'un mètre de lui, soit suffisamment proche pour le poignarder, le policier avait les motifs raisonnables de croire que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Au même titre, l'usage de la force par le policier passager était fondé sur sa croyance que la vie de son collègue était en danger imminent et est objectivement raisonnable à la lumière des circonstances.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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