Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu les 4 et 5 septembre 2018 à Inukjuak, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 3 juin 2020 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 5 septembre 2018 à Inukjuak, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Corps de police régional Kativik (CPRK) et de la Sûreté du Québec (SQ).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Vers 20 h 30, le 4 septembre 2018, les agents du CPRK reçoivent l'information qu'une personne tire des coups de feu dans la ville à partir du balcon de sa maison.
Plusieurs policiers du CPRK se rendent sur les lieux et voient l'homme tirer plusieurs coups de feu dans toutes les directions. Un des policiers tente de tirer sur l'homme sans succès. Les policiers vont alors se mettre à l'abri tout en évacuant les maisons à proximité de la résidence de l'homme.
Un policier coordonne l'opération au poste de police et réussit à communiquer avec l'homme qui lui apprend que trois personnes sont dans la maison avec lui et qu'il refuse de les faire sortir.
Le CPRK demande l'assistance de la SQ afin de négocier avec l'homme pour libérer les trois personnes.
À 0 h 56, le policier du CPRK perd le contact avec l'homme. Afin de reprendre contact avec lui, des policiers du CPRK présents actionnent la sirène d'un véhicule patrouille et tentent de communiquer sans succès avec l'homme à l'aide du porte-voix.
À la suggestion du commandant de la SQ et afin de susciter une réaction de la part de l'homme, un policier du CPRK lance des roches sur une fenêtre de la maison qui se fracasse. L'homme réplique en tirant deux coups de feu par la fenêtre.
À 5 h 18, une première communication téléphonique a lieu entre un policier de la SQ et l'homme. Des discussions s'entament alors entre les deux afin de libérer les trois personnes présentes dans la maison.
À 6 h 37, une première personne est libérée en échange de cigarettes et à 10 h 37, les deux autres personnes sont libérées.
Vers 11 h, les policiers du CPRK apprennent que l'homme accepte de sortir de la maison.
Plus de 14 heures après le début de l'événement, l'homme sort de la maison avec son arme à feu dans les mains. Il est avisé à plusieurs reprises de la laisser tomber. Il semble désorienté et pleure. L'homme abaisse son arme, regarde autour de lui puis remet son arme sous son menton. Quelques secondes plus tard, il retourne dans la maison.
Le négociateur de la SQ réussit à communiquer avec l'homme et lui explique qu'il doit sortir sans son arme à feu. L'homme mentionne qu'il est d'accord et se dit prêt à sortir.
À 11 h 04, l'homme, toujours armé, sort de la maison et tire deux coups de feu. Il devient plus agressif et pointe son arme vers un policier du CPRK. À ce moment, ce policier tire en direction de l'homme et l'atteint au thorax. Son décès est constaté à 11 h 42 dans un centre de santé et de services sociaux.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant le danger imminent auquel ils faisaient face, l'arme utilisée par l'homme, le fait que celui-ci venait de tirer deux coups de feu et qu'il pointait son arme en direction d'un policier, celui-ci avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du CPRK impliqués dans cet événement.
À la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'un acte criminel par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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