Enquête indépendante sur l'événement survenu à Sherbrooke le 17 mai 2022 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 8 nov. 2024 /CNW/ - Les procédures judiciaires étant terminées, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à conclure, dans son communiqué intérimaire du 5 décembre 2022, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Sherbrooke (SPS).
Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement survenu à Sherbrooke le 17 mai 2022 entourant la perte de conscience d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 17 mai 2022, à 20 h 39, un appel est fait au 911 par une femme qui craint pour sa sécurité en raison du comportement agressif et de propos menaçants formulés par son voisin.
À 20 h 57, un duo de policiers du SPS se présente sur les lieux. Ils rencontrent d'abord la femme et se dirigent ensuite vers le domicile de l'homme situé dans le même immeuble. Ils frappent à sa porte et tentent d'établir un contact avec ce dernier qui effectue des va-et-vient à l'intérieur. Alors que les policiers sont situés à l'extérieur de la résidence, devant une porte fermée, l'homme somme fermement les policiers de quitter les lieux en les invectivant. Ceux-ci requièrent le renfort d'une équipe mobile d'intervention psycho-sociale (EMIP) en réponse à son manque de collaboration. Soudainement, les policiers entendent l'homme se rapprocher de la porte de sa résidence. Il ouvre brusquement celle-ci, puis fonce en leur direction les poings fermés et les bras élevés dans les airs. L'homme agrippe alors l'un des policiers par le collet avec sa main droite en conservant son poing gauche fermé. L'autre policier utilise son aérosol capsique (vaporisateur de poivre de Cayenne) vers le visage de l'homme afin de le maîtriser. Un contrôle articulaire est subséquemment réalisé par les policiers. L'homme est ensuite déposé au sol et menotté, puis les services ambulanciers sont immédiatement contactés.
À 21 h 08, l'homme est somnolent et répond difficilement à la douleur. Soupçonnant une surdose d'opioïdes, les policiers lui administrent de la naloxone et le placent en position de sécurité. Ils communiquent à nouveau avec les services ambulanciers pour les informer du changement de situation et prêtent assistance aux premiers répondants qui administrent également un protocole de naloxone dans l'intervalle.
L'homme est ensuite transporté d'urgence à un centre hospitalier où il reçoit les soins requis.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. Les motifs d'intervention des policiers et leur présence sur les lieux étaient légitimes et visaient à répondre à des préoccupations manifestées par des citoyens craintifs pour leur vie et leur intégrité physique.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La preuve révèle que l'intervention des deux policiers était proportionnelle au risque de lésions auquel ils étaient confrontés. La sortie imprévisible et agressive de l'homme de son domicile qui s'est poursuivie par une saisie du collet de l'un des policiers justifie l'utilisation de l'aérosol capsique par son équipier. Le recours à cette arme intermédiaire a contribué à rétablir un espace sécuritaire pour les personnes présentes sur les lieux. Quant à l'exercice du contrôle articulaire subséquent effectué par les policiers, cette démarche a permis de maîtriser l'homme et représente un usage de la force raisonnable dans les circonstances.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPS impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article