Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 17 juin 2016, survenu à Kuujjuaq, lors duquel un homme s'est trouvé en état d'inconscience
QUÉBEC, le 8 févr. 2017 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport d'enquête produit par la Sûreté du Québec (SQ) dans le cadre d'une enquête indépendante relative à l'événement entourant les blessures subies par un homme survenu le 17 juin 2016, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Corps de police régional Kativik (CPRK) impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de deux procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête préparé par la SQ. Les procureurs ont produit un rapport d'analyse, lequel a été soumis au directeur adjoint pour décision finale. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne impliquée dans l'événement des motifs de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 17 juin 2016
Le 17 juin 2016, vers 10 h 30, un policier du CPRK circule à bord d'un véhicule de patrouille dans Kuujjuaq, lorsqu'il est intercepté par une femme marchant dans la rue. Il immobilise son véhicule. La femme lui dit que son conjoint l'a étranglée et qu'il lui a lancé une cannette de bière. Le policier constate que le suspect se dirige vers l'arrière d'une résidence. Il crie à ce dernier de s'arrêter, sans succès. Le policier est ensuite informé par un citoyen que le suspect se cache derrière une autre résidence. Le policier se rend au poste de police pour demander à son collègue de l'accompagner pour procéder à l'arrestation de l'homme. De retour sur les lieux, celui-ci est retrouvé en état d'ébriété et boit une bière dans un « shack », derrière la résidence indiquée par le citoyen. Il est alors mis en état d'arrestation pour voie de fait et bris de probation par les policiers. Il est menotté mains à l'arrière du corps. Une fois arrivé au poste de police, l'homme, toujours menotté, désire fumer une cigarette avant d'être placé en cellule. Celui‑ci est alors démenotté et menotté à nouveau, cette fois à l'avant du corps. Il fume une cigarette qui lui est donnée sur la passerelle extérieure menant au poste de police. Alors que les deux policiers présents avec lui se dirigent vers la porte pour entrer au poste, l'homme tente de passer par-dessus le garde-corps de la passerelle. Les policiers essaient de le retenir, mais l'homme tombe au sol et fait une chute d'environ 2,45 m. Il est retrouvé inconscient par les deux policiers qui lui portent secours. Une ambulance est demandée sur les lieux. En raison de son état d'inconscience lors d'une détention, une enquête indépendante est déclenchée. L'homme sera transféré par avion à l'Hôpital général de Montréal et obtiendra son congé le lendemain. Le rapport médical fait état d'éraflures aux genoux.
Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP est d'avis que les policiers du CPRK impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public, puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
Partager cet article