Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 6 avril 2016, survenu à Lac-Simon en Abitibi, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 15 juin 2017 /CNW Telbec/ -
Après examen du rapport d'enquête produit par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans le cadre d'une enquête indépendante relativement à l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 6 avril 2016, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que les policiers du Service de police Lac-Simon impliqués dans cet événement n'ont commis aucune infraction criminelle.Conformément à la directive POL-1 du DPCP, l'examen du rapport d'enquête a été confié à un comité composé de trois procureurs. Ces derniers ont procédé à un examen exhaustif des faits rapportés au rapport d'enquête afin d'évaluer si ceux-ci révèlent la commission d'infractions criminelles. La décision des procureurs est basée sur le rapport d'enquête préparé par le SPVM. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur doit d'abord évaluer la suffisance de la preuve en tenant compte de l'ensemble de la preuve admissible, y compris celle qui pourrait soutenir certains moyens de défense. À l'issue de cette analyse, le procureur doit être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité d'engager une poursuite au regard de l'appréciation de l'intérêt public.
La norme applicable à la décision d'entreprendre une poursuite est prévue dans la directive ACC-3 du DPCP. La plupart des poursuivants publics au Canada disposent de directives qui imposent une norme semblable. Par ailleurs, les tribunaux reconnaissent que cette norme est plus exigeante que celle des simples motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction. Ils estiment aussi qu'un seuil moins élevé permettant l'introduction d'une poursuite serait incompatible avec le rôle du poursuivant en sa qualité d'officier de justice responsable d'assurer le respect et la recherche de la justice, puisque la responsabilité première du procureur consiste en effet à s'assurer que justice soit rendue. Conséquemment, le procureur ne cherche pas à obtenir une condamnation à tout prix et doit éviter de porter des accusations si la preuve est insuffisante. Le procureur doit procéder à une appréciation professionnelle du fondement juridique d'une poursuite et ce n'est pas son opinion personnelle sur la culpabilité qui importe. Son examen doit demeurer objectif, impartial et critique. La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
Événement du 6 avril 2016
L'enquête porte sur les circonstances entourant le décès par balle d'un homme survenu à Lac-Simon, le 6 avril 2016, lors d'une intervention policière.
Ce jour-là, vers 0 h 44, deux policiers répondent à un appel d'un citoyen relatif à une querelle de nature conjugale entre un homme et une femme à Lac‑Simon. Les policiers se rendent à la résidence concernée et sont informés par une personne que le couple a quitté les lieux. Avec le consentement de cette personne, ils entrent dans la résidence afin de s'assurer que la sécurité d'aucun occupant n'est menacée. Une machette, un morceau de bois 2' x 4' modifié, un bâton de golf ainsi qu'un bâton de baseball sont découverts sur les lieux.
Le jour même, vers 17 h 25, une plainte de voies de fait et de séquestration est déposée par la femme. L'homme visé par la plainte est connu comme étant violent par le Service de police Lac-Simon et réputé pour résister physiquement à ses arrestations. Il est alors convenu d'attendre la relève du soir afin de pouvoir compter sur la disponibilité de quatre policiers pour cette arrestation. Selon les informations obtenues par les policiers, l'homme ne respecterait pas certaines conditions imposées par le Tribunal.
Vers 19 h 10, quatre policiers se présentent de nouveau à la résidence du couple et des explications sont données à l'homme sur le motif de leur présence, à savoir procéder à son arrestation pour voies de fait et séquestration. Celui-ci, vraisemblablement intoxiqué, ne désire pas collaborer et refuse de suivre les policiers à l'extérieur. Il leur dit d'aller chercher leur mandat, soit une autorisation légale, et ferme la porte. Pendant que ses collègues demeurent sur place, positionnés à l'avant et à l'arrière de la résidence, un policier se rend au poste de police afin d'obtenir un mandat d'entrée permettant de procéder à l'arrestation de l'homme à sa résidence. C'est alors que ce dernier sort par la porte arrière de la résidence, armé d'une machette. Les policiers pointent alors leur arme de service en direction de l'homme, le somment de laisser tomber sa machette et l'informent qu'ils veulent seulement procéder à son arrestation. L'homme se dirige à pied vers la rue située à l'arrière de la résidence. Un policier prend alors place au volant du camion de police afin de suivre l'homme et deux autres policiers suivent à pied derrière le camion.
Un homme et une femme sortent de leur résidence située sur la rue derrière celle de l'homme et tentent de calmer et de raisonner l'homme armé. Celui-ci est hors de contrôle et crie : « Tirez-moi ». Il tente même de frapper l'homme voulant lui venir en aide, avec la machette. Le policier au volant du camion de police utilise le porte‑voix afin de communiquer avec l'homme, le sommant toujours de lâcher son arme. Celui-ci se dirige alors en direction nord, vers une autre rue où se trouvent alors des citoyens. Puis, il se retourne vers les policiers qui le suivent à pied. Le policier au volant du camion de police poursuit sa route sur cette rue pour effectuer un demi-tour afin de revenir et de circuler dans le même sens que l'homme qui se dirige alors vers une résidence. Craignant qu'il entre armé dans cette résidence, le policier heurte volontairement celui-ci avec le devant du camion afin de tenter de le désarmer. L'homme n'est pas immobilisé au sol malgré l'impact et se dirige vers le côté passager du camion, il ouvre la portière du côté passager, toujours armé de la machette selon les policiers près du camion et deux témoins civils. C'est à ce moment qu'un policier, craignant pour la sécurité du conducteur du camion de police, fait feu à quatre reprises en direction de l'homme qui s'écroule au sol.
Le décès du sujet sera constaté au Centre hospitalier de Val-d'Or. Le pathologiste conclut que le décès est attribuable à un traumatisme cervico‑facial avec atteinte vasculaire et à un traumatisme crâniocérébral causés par le passage de deux projectiles d'arme à feu au bas du visage, à droite, et au côté droit de la tête. Une expertise en toxicologie a révélé la présence de cocaïne, de méthamphétamine et de cannabis dans le sang du sujet.
De nombreux témoins ont fourni une déclaration au sujet des événements ou partie d'événements dont ils ont eu connaissance en lien avec l'intervention policière. Un examen attentif de l'ensemble des déclarations des témoins civils et des rapports des policiers permet de conclure que les événements survenus après l'impact causé par le camion de police et ayant mené aux coups de feu se déroulent très rapidement. Toutes les déclarations et tous les rapports ont été pris en considération dans le cadre de l'analyse du dossier.
Plusieurs témoins ont vu le sujet ouvrir la portière du camion et la présence de la machette dans la main du sujet est mentionnée aux rapports des trois policiers se trouvant près de cette portière et confirmée par deux témoins.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies. Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Cette disposition précise qu'il est interdit au policier d'utiliser une trop grande force, c'est-à-dire une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou visant un tel but, à moins qu'il ne croie que cette force soit nécessaire afin de le protéger ou de protéger toute autre personne sous sa protection contre de telles conséquences.
Les tribunaux ont clairement établi que l'utilisation de la force ne devait pas être appréciée par rapport à une norme de perfection, puisque les policiers sont souvent appelés à agir en urgence dans des situations explosives et en évolution rapide. À cet égard, on ne s'attend pas à ce que le policier mesure le degré de force appliquée avec précision. En outre, les policiers ne sont pas tenus d'utiliser uniquement le minimum de force nécessaire à l'atteinte de leur objectif, mais le degré de force employée doit être évalué en fonction des critères de proportionnalité, de nécessité et de raisonnabilité en tenant compte du contexte particulier de chaque affaire. Une utilisation de la force juridiquement acceptable est celle qui n'est pas gratuite et qui est appliquée de façon mesurée.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. Le devoir des policiers était de mettre fin à la menace représentée par le sujet armé, en tentant de le désarmer et en procédant à l'arrestation de celui-ci.
Le policier croyait qu'il avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée contre l'homme était nécessaire pour la protection de son collègue contre la mort ou des lésions corporelles graves. Considérant l'ensemble de la preuve, le DPCP estime que cette croyance était plausible et qu'elle s'appuyait sur des motifs raisonnables.
Lignes directrices sur la publication des motifs
Le 11 décembre 2015, le DPCP a annoncé l'adoption de lignes directrices qui autorisent et encadrent la publication des motifs qui étayent sa décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers. La publication de ce type de motifs revêt un caractère exceptionnel qui repose non seulement sur des considérations de nature juridique, mais aussi sur l'importance de respecter la vie privée et la réputation des victimes ainsi que des personnes qui font l'objet d'une enquête lorsque la preuve est insuffisante pour permettre le dépôt d'accusations criminelles.
Ces lignes directrices justifient la publication des motifs d'une décision de ne pas porter d'accusation dans la plupart des dossiers d'enquête indépendante, c'est-à-dire lorsqu'une personne décède, subit une blessure grave ou est blessée par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. Outre la nature et les circonstances particulières de ce type d'événement, ces affaires peuvent être déjà, en tout ou en partie, du domaine public, puisque le ministère de la Sécurité publique diffuse systématiquement un communiqué dans les heures suivant les événements impliquant les enquêtes indépendantes. Il faut considérer aussi le fait que les policiers sont investis par l'État de pouvoirs exceptionnels dans l'exercice de leurs fonctions liées à la préservation de la sécurité publique, à la protection des membres du public et à la répression du crime. Ils peuvent notamment recourir à la force nécessaire, voire mortelle, contre un de leurs concitoyens. Les policiers sont imputables de l'exercice de ces pouvoirs dont l'attribution repose d'ailleurs sur le maintien d'un haut niveau de confiance de la part du public.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca.
Source :
Me Jean Pascal Boucher
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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