Le DPCP explique sa décision dans le dossier d'enquête indépendante à la suite de la collision mortelle survenue le 13 février 2014 lors d'une intervention policière
QUÉBEC, le 21 nov. 2014 /CNW Telbec/ - À la suite de l'enquête indépendante menée par le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et après avoir examiné et analysé l'ensemble de la preuve, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a conclu qu'aucune accusation criminelle ne sera déposée contre le policier de la Sûreté du Québec (SQ) relativement à la collision mortelle survenue le 13 février 2014 à Longueuil.
L'analyse de ce dossier, en application de la pratique en vigueur au DPCP, a été confiée à son Bureau du service juridique. Un procureur de ce bureau a procédé à un examen exhaustif du dossier d'enquête. Son analyse et sa conclusion ont été validées par son procureur en chef adjoint avant d'être soumises au directeur adjoint, pour décision finale.
Le DPCP s'assure que les procureurs qui traitent les dossiers le font à l'abri de toute influence externe, qu'elle soit policière ou politique et sans céder à la pression médiatique. Cette indépendance est essentielle à une saine administration de la justice criminelle et elle est au cœur de sa mission. Le DPCP s'assure en outre que les procureurs qui interviennent dans ce processus décisionnel ne sont pas susceptibles, dans le cadre de leur fonction, d'avoir des rapports professionnels avec les policiers qui font l'objet d'une enquête indépendante.
Le présent dossier d'enquête est notamment constitué de déclarations des policiers impliqués, de déclarations des témoins civils, de deux Rapports d'expertises en matière de collision et de conduite automobile, d'un Rapport d'expertise quant à l'installation du siège d'enfant, de photographies, notamment de la reconstitution de la scène d'accident et des véhicules impliqués, d'une entrevue filmée, de Rapports des ambulanciers, de Rapports médicaux, d'un Rapport du pathologiste ainsi que d'autres éléments de preuve relatifs aux véhicules.
Critères à l'origine de la décision de poursuivre
En droit criminel, le fardeau de preuve que doit rencontrer la poursuite est important puisqu'elle doit faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal. Ainsi, après examen du rapport d'enquête, le procureur considère l'application de critères relatifs à la suffisance de la preuve. Son examen demeure objectif et critique et il doit être moralement convaincu qu'une infraction a été commise, que le prévenu l'a commise et être raisonnablement convaincu de pouvoir établir la culpabilité du prévenu. Le cas échéant, il considère aussi les critères relatifs à l'opportunité de poursuivre.
Résumé des faits
Le 13 février 2014, peu avant 8 heures, un agent assigné au service de la surveillance physique est en opération de filature et procède au rattrapage d'un sujet. Dans ce type d'opération, les agents de filature doivent agir promptement et sont autorisés à dépasser les limites de vitesse si les circonstances le permettent. Ils sont formés pour ce type de conduite et sont considérés comme des véhicules d'urgence.
Ce policier, à bord d'un véhicule de marque Toyota, est précédé à environ 200 mètres d'un premier véhicule de la SQ et suivi par un troisième à 100 mètres derrière. Les trois véhicules sont banalisés. Il circule sur le boulevard Gaétan-Boucher en direction ouest dont les voies sont séparées par un terre-plein et la limite de vitesse fixée à 50 km/h. Il y a peu de circulation, la chaussée est sèche et les conditions climatiques sont bonnes. Alors qu'il s'approche de l'intersection, le feu de circulation est vert. Le collègue qui le précède traverse cette intersection. Il constate qu'un véhicule gris de marque Kia est immobilisé aux feux dans la voie opposée à gauche, en direction est. Il est en attente de s'engager dans l'intersection. Le policer relâche alors l'accélérateur. Le véhicule Kia s'engage dans l'intersection après le passage du premier véhicule de la SQ et il est frappé par le véhicule qui suit.
La collision fait deux victimes, soit un bambin de 5 ans, décédé à l'hôpital le 17 février 2014, et sa sœur de 13 ans admise à l'hôpital pour des blessures mineures.
Plusieurs témoins policiers ou civils estiment la vitesse du véhicule Toyota entre 80 et 100 km/h. Pour sa part, l'expert en reconstitution affirme que sans trace de freinage, la vitesse de la Toyota est difficile à calculer. Il mentionne toutefois que la vitesse maximale avant l'impact était, selon lui, de 122 km/h et qu'au moment de l'impact, après freinage, elle était de 108 km/h. Il estime également que le policier ralentit environ 60 mètres avant de traverser l'intersection et qu'il se trouve à 38,22 mètres lorsque le véhicule Kia s'engage dans l'intersection.
Dans une déclaration contemporaine à l'accident, le conducteur du véhicule Kia reconnaît avoir remarqué que le véhicule en contresens arrivait à grande vitesse. Au moment où il a tourné, la lumière était verte depuis quelques instants. Il affirme circuler à cet endroit tous les jours et il sait qu'il y a une priorité pour tourner à gauche, c'est-à-dire un feu clignotant. Il ajoute qu'il aurait dû attendre cette priorité et ne pas tenter sa chance en tournant à ce moment.
Le droit applicable
L'article 249 du Code criminel stipule que commet une infraction de conduite dangereuse celui qui conduit un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu, l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu.
La Cour suprême a établi le test applicable en matière de conduite dangereuse. La preuve doit démontrer que le degré de diligence de l'accusé constitue un « écart marqué » par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances. En l'espèce, c'est donc la conduite d'un policier placé dans la même situation qui doit être analysée.
Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ce degré de négligence constitue la question déterminante. Une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un policier ou de quiconque.
La jurisprudence établit également que l'on ne doit pas tirer de conclusions sur la façon dangereuse ou non de conduire en se fondant uniquement sur les conséquences. On ne peut non plus conclure dans tous les cas à la conduite dangereuse en s'appuyant sur le seul élément de la vitesse excessive. On doit considérer l'ensemble des facteurs entourant cette conduite.
La conclusion de l'analyse du dossier
Il ressort de la preuve que trois véhicules de police étaient en situation de rattrapage de filature et roulaient au-delà de la vitesse permise. La chaussée était sèche, la visibilité était bonne et le feu de circulation auquel faisait face le policier était vert.
Le véhicule Kia, selon la preuve au dossier, s'est engagé dans l'intersection alors qu'il n'avait pas de feu prioritaire dans une manœuvre qui n'était pas sans risque.
À la lumière des faits recueillis par l'enquête, du droit applicable et de la jurisprudence, le DPCP n'est pas moralement convaincu de pouvoir établir hors de tout doute raisonnable que le comportement du policier dans ces circonstances présente un écart marqué avec la norme de diligence raisonnable et ainsi obtenir une condamnation.
Le DPCP a rencontré la famille le 21 novembre afin de lui expliquer la décision de ne pas porter d'accusation.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes. Pour en savoir davantage : www.dpcp.gouv.qc.ca
Source :
Me René Verret
Porte-parole
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
SOURCE : Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me René Verret, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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