Le DPCP expose les motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement survenu le 26 octobre 2016 à Montréal-Nord, lors duquel un homme a été blessé
QUÉBEC, le 13 mai 2020 /CNW Telbec/ - Le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) annonçait dans son communiqué intérimaire du 14 mai 2019 qu'il concluait que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 26 octobre 2016 à Montréal-Nord.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révélait la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui avait participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.
Les procédures juridiques étant terminées, voici les motifs ayant mené le DPCP à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Événement
Le 26 octobre 2016, trois policiers du SPVM en civil se rendent dans le secteur de Montréal-Nord à la suite d'une information concernant des individus possiblement armés à bord d'un véhicule volé. Les trois policiers conduisent chacun un véhicule banalisé.
Vers 13 h, un des policiers localise le véhicule volé avec deux occupants à bord sur la rue Jubinville à Montréal-Nord. Il avise ses collègues sur les ondes radio.
Quelques minutes plus tard, le véhicule volé se met en mouvement. Un second policier le prend en filature et le voit entrer dans le passage menant au stationnement arrière des édifices à logements de la rue Arthur-Chevrier. Pendant ce temps, une demande est faite afin d'obtenir l'assistance d'un véhicule patrouille dûment identifié afin de procéder à une arrestation.
Deux agents en patrouille sont alors assignés à cet appel et arrivent rapidement sur les lieux. Ils s'engagent dans le passage situé entre deux immeubles donnant sur la rue Arthur-Chevrier pour procéder à l'arrestation. Ils s'arrêtent derrière le véhicule suspect avec les gyrophares allumés et sortent de leur véhicule en se servant des portières comme barricade.
L'un des agents patrouilleurs ordonne aux deux occupants de sortir du véhicule.
Soudainement, le conducteur du véhicule volé embraye vers l'avant et s'engage dans le stationnement arrière des immeubles de la rue Arthur‑Chevrier, passe par-dessus une bordure de ciment pour ensuite tourner dans un passage entre deux immeubles donnant sur la rue Arthur‑Chevrier.
Comme les déclarations des policiers et des témoins civils divergent, il est difficile d'établir la trame factuelle précise de ce qui se produit dans le passage en question.
Cependant, la preuve démontre que le véhicule banalisé d'une policière se trouve dans le passage étroit et que le véhicule suspect roule à plein régime afin de traverser le passage pour se rendre sur la rue Arthur-Chevrier. Ce faisant, il entre en collision avec le véhicule de la policière qu'il endommage lourdement.
Au même moment, un policier en civil arrive à pied dans ce même passage et fait feu sur le véhicule suspect qui fonce en sa direction, blessant le passager à l'omoplate droite.
Par la suite, le véhicule suspect sort du passage pour ensuite tourner sur la rue Arthur-Chevrier. Un agent en patrouille entreprend une poursuite. En tournant à l'intersection du boulevard Langelier, le véhicule fuyard entre en collision avec un terre-plein, mais continue sa route. Le patrouilleur rattrape le véhicule et utilise une technique d'immobilisation avec son véhicule patrouille pour mettre fin à la poursuite. Les policiers constatent alors que le passager a subi une blessure par balle à l'omoplate droite.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Les contradictions notées lors de l'analyse de ce dossier sont nombreuses. Cependant, les témoins ayant vu le policier faire feu ont confirmé que ce dernier se trouvait en situation de danger et que le véhicule suspect semblait alors hors de contrôle, qu'il roulait à plein régime et qu'il fonçait vers lui.
Ainsi, même s'il est impossible de déterminer avec exactitude certains détails de la trame factuelle au moment où cet agent tire des coups de feu, la preuve permet de conclure que le policier se trouvait dans le passage et que le véhicule suspect roulant à plein régime s'est trouvé face à lui. De plus, à peu près au même moment, le véhicule suspect a traversé le passage en endommageant lourdement le véhicule de la policière alors qu'elle se trouvait à bord.
Compte tenu du danger imminent envers lui et l'agente au volant du véhicule lourdement endommagé ainsi que de la conduite dangereuse du suspect, deux éléments rapportés par plusieurs témoins, le policier a utilisé la force nécessaire au sens de l'article 25(3) C. cr. Il doit donc bénéficier de la justification légale accordée à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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