Les programmes de détail des cigarettiers manipulent à la baisse le prix du tabac, favorisant ainsi le tabagisme
MONTRÉAL, le 27 oct. 2015 /CNW Telbec/ - Réagissant à un reportage d'enquête publié hier dans le quotidien Le Devoir au sujet des programmes de « performance » ou de « fidélisation » des cigarettiers auprès des dépanneurs, la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac encourage le gouvernement du Québec à profiter de la révision en cours de la Loi sur le tabac pour interdire ces programmes.
« En limitant la marge de profit que les propriétaires de dépanneurs peuvent ajouter au prix coûtant de certaines marques, en échange de rabais substantiels, les cigarettiers manipulent à la baisse le prix des cigarettes au Québec, favorisant par le fait même le tabagisme. La recherche démontre clairement que la consommation du tabac est influencée par le prix des cigarettes -- c'est d'ailleurs pourquoi les taxes constituent un outil puissant de réduction du tabagisme. Or, les cigarettiers parviennent à baisser artificiellement le prix de nombreuses marques grâce à ces ententes, résultant en des prix plus abordables que si ces programmes n'existaient pas. Pour certains fumeurs, cela peut faire une différence quant à la quantité de tabac qu'ils consomment et même quant à leur détermination à arrêter, » explique Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.
Les audiences sur le projet de loi 44 ont révélé que les programmes de performance engendrent énormément de mécontentement auprès des petits détaillants de tabac, surtout les dépanneurs indépendants (voir https://www.youtube.com/watch?v=86cyaHycLPI). Aucune association de détaillants n'a pourtant soulevé d'elle-même la question dans le cadre de cette réforme législative, qui touche la vente, la promotion et l'usage du tabac.
Malgré cela, certains contrats et communications entre les fabricants et des détaillants ont été cités dans le cadre des audiences et de l'enquête du Devoir, exposant pour la première fois la stratégie jusque-là secrète des fabricants de tabac. Celle-ci consiste à offrir d'importants rabais aux détaillants dans le cadre d'ententes orales ou signées en échange de cibles de volume de vente, conditionnellement au respect de prix plafond imposés aux marques concernées de même que relativement à certaines autres marques de compétiteurs.
Ces ententes deviennent essentielles à la survie d'un bon nombre de dépanneurs puisque sans les rabais, un commerçant est incapable de vendre à des prix concurrentiels les marques qui font l'objet d'une entente (et de rabais) chez un dépanneur avoisinant. Aussitôt qu'un propriétaire de dépanneur signe une entente dans un territoire donné, tous ses concurrents avoisinants sont affectés : ou bien ils perdent des clients qui achèteront désormais leurs cigarettes chez le dépanneur voisin qui les vend moins cher, ou bien ils signent eux aussi une entente.
L'industrie bénéficie non seulement des plafonds sur les prix imposés par l'entente, mais également du fait que les propriétaires de dépanneurs doivent s'efforcer à écouler leurs stocks à l'intérieur d'une période spécifique s'ils veulent continuer à bénéficier des rabais.
En effet, sous le couvert de l'anonymat, plusieurs propriétaires ont révélé l'énorme pression qu'ils subissent pour atteindre leurs cibles de volume de vente -- des cibles qui sont parfois unilatéralement augmentées par les représentants de l'industrie pour pousser les dépanneurs à dépasser la quantité habituellement vendue. Certains propriétaires dépendent tellement de ces rabais qu'ils écoulent parfois leur inventaire en offrant des cigarettes en deçà du prix coûtant.
« Le législateur québécois a augmenté les taxes sur le tabac et interdit la promotion aux points de vente afin de décourager le tabagisme, mais voilà que les cigarettiers ont trouvé un moyen de contrecarrer ces mesures, en transférant l'odieux au petit dépanneur du quartier qui doit trouver des moyens pour vendre plus de cigarettes. On ne peut qu'imaginer la gamme de tactiques que des commerçants désespérés pourraient être tentés d'utiliser pour préserver leur entente : recommandations de marques spécifiques aux clients, promotion de paquets-multiples, rabais spéciaux à des clients réguliers, vente aux mineurs… » s'inquiète madame Doucas.
« Quoi qu'il en soit, tout incitatif à vendre du tabac va à l'encontre des objectifs de réduction du tabagisme dont s'est doté le gouvernement Couillard. Les programmes de performance de l'industrie favorisent le tabagisme en abaissant le prix du tabac et en poussant les dépanneurs à vendre plus de cigarettes. Le gouvernement ne devrait permettre aux fabricants ni de manipuler à la baisse les prix du marché d'un produit mortel, ni d'exploiter les détaillants en leur imposant des cibles de vente. Ces programmes devraient être interdits. »
Les groupes de santé sont optimistes quant à l'écoute et à la compréhension de la ministre déléguée à la Santé publique, madame Lucie Charlebois, à l'égard de ces programmes, notamment en ce qui a trait à leurs effets pervers sur la santé publique et à la distorsion qu'ils engendrent au niveau de la compétition dans le commerce de détail. « Si la ministre décidait d'interdire ces programmes en obligeant, par exemple, les cigarettiers à vendre aux détaillants chaque marque à un seul et même prix, elle pourra non seulement compter sur l'appui enthousiaste des groupes de santé, mais aussi sur la nette gratitude de centaines de détaillants indépendants. Les seuls perdants face à une telle initiative seraient les fabricants du tabac, » conclut la porte-parole.
Quelque 470 organisations québécoises -- associations médicales, ordres professionnels, municipalités, hôpitaux, écoles, commissions scolaires, etc., ont endossé les mesures destinées à réduire le tabagisme et ses conséquences réclamées par la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Fondée en 1996, les principaux objectifs de la Coalition incluent prévenir l'initiation au tabagisme, favoriser l'abandon, protéger les non-fumeurs contre la fumée secondaire et obtenir un cadre législatif qui reflète la nature néfaste et toxicomanogène du tabac.
Pour le communiqué au complet, incluant images et références, voir :
http://www.cqct.qc.ca/Communiques_docs/2015/PRSS_15_10_27_ProgrammesDetaillants_DeLIndustrie.pdf
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Entrevues : Mme Flory Doucas, codirectrice et porte-parole CQCT, 514-598-5533; 514-515-6780 (cell.).
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