Litiges tabac : huitième sursis accordé aux cigarettiers
Un nouveau sondage révèle que les gouvernements provinciaux s'alignent pour délaisser l'option favorisée par majorité les Canadiens, soit de profiter des poursuites pour forcer les cigarettiers à éliminer progressivement la consommation du tabac
MONTRÉAL et OTTAWA,, le 22 mars 2022 /CNW Telbec/ - Aujourd'hui, un tribunal ontarien a accordé aux compagnies de tabac un autre sursis de six mois en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), renouvelant pour la huitième fois l'ordonnance de mars 2019 qui suspend l'ensemble des litiges à leur encontre, cette fois jusqu'à au 30 septembre 2023, conformément à la demande d'Imperial Tobacco qui a réclamé que les négociations secrètes avec les gouvernements provinciaux et les avocats des victimes du tabac se poursuivent jusqu'à cette date. Aucune objection n'a été soulevée par les autres parties.
Malgré quelques répliques aux demandes de groupes comme la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) et Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF), dont le Québec en mai 2020 et en octobre 2020, le Manitoba, Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick, aucun gouvernement n'a indiqué leur intention d'adopter l'approche favorisée par la majorité des Canadiens, soit de profiter de ces poursuites pour forcer les fabricants de tabac à éliminer progressivement la consommation du tabac, et tout indique qu'ils continuent à miser sur un règlement purement financer.
En effet, un sondage Léger effectué auprès de 2 400 Canadiens (dont 1 000 Québécois) entre le 29 septembre et le 11 octobre dernier et commandité par la CQCT et MCSF montre que :
- 71 % des Canadiens (et 81 % des Québécois) sont favorables à ce que leur province « profite de ces poursuites pour obliger les fabricants de tabac à éliminer progressivement la consommation du tabac au Canada ».
- Cela se compare à seulement 45 % qui sont favorables à ce que leur province « profite de ces poursuites pour obtenir un règlement financier de la part de ces fabricants, même si cela signifie qu'ils peuvent continuer à vendre des cigarettes pour financer ces paiements » (soit l'approche actuellement préconisée)
- La majorité (51 %) croit qu'il est plus important pour les gouvernements provinciaux de viser à « mettre fin à la consommation de tabac » contre seulement 11 % qui croit qu'un « règlement financier » est plus important.
Étant donné que la LACC cherche à maintenir les entreprises en activité, même lorsqu'elles font face à des réclamations financières qu'elles ne peuvent honorer, il est presque certain que les créanciers ne recevront qu'une minuscule fraction des montants réclamés. En effet, selon les documents déposés au tribunal, le montant disponible se chiffre à seulement 7.5 milliards de dollars. Ainsi les victimes québécoises n'obtiendront jamais les sommes qu'elles se sont vu octroyer par le plus haut tribunal québécois pour compenser les dommages et la souffrance causés par le comportement fautif et délibéré des géants du tabac. [Voir ici le détail des montants]
« Vu le contexte actuel, où ni les médias ni la société civile ne sont informés des discussions secrètes en cours, il est raisonnable de croire que les négociations entraîneront une entente avec un paiement ponctuel qui sera vraisemblablement trop faible pour être conséquent, ou bien un paiement légèrement plus important qui serait payé en versements étalés sur plusieurs années. Dans les deux cas, les montants seront minimes par rapport aux sommes réclamées, tant pour les gouvernements que pour les victimes québécoises. Ce n'est pas pour rien que les compagnies de tabac se sont tournées vers des procédures juridiques opaques qui ne tiennent pas compte de l'impact réel du comportement de l'industrie du tabac sur la santé et nos finances publiques, » explique madame Flory Doucas, porte-parole de la Coalition.
Pourtant, une étude économique de 2020 préparée par H. Krueger and Associates inc.* confirme la pertinence, la rentabilité et le bien-fondé pour les gouvernements de prioriser une issue non financière à ces litiges. L'étude évalue que le Québec épargnerait 22,2 milliards $ et l'Ontario 26,1 milliards $ si les compagnies de tabac se voyaient imposer l'obligation de réduire la prévalence du tabagisme à 5 % d'ici 2035, soit la cible de l'actuelle stratégie antitabac du gouvernement fédéral. Cette réduction serait accompagnée de 641 000 fumeurs en moins au Québec et 990 000 en moins en Ontario.
« Les retombées financières d'une entente entérinée par le tribunal qui forcerait les grands cigarettiers canadiens à atteindre des cibles de réduction du tabagisme dépassent largement celles que les provinces peuvent obtenir en allant chercher un règlement financier », conclut madame Cynthia Callard, la directrice générale de Médecins pour un Canada sans fumée.
Ces constats ont été présentés aux divers gouvernements, dont celui du Québec et de l'Ontario, par l'entremise de lettres envoyées le 8 septembre 2020, qui sont demeurées sans suite matérielle. Or, l'Ontario et le Québec sont les plus gros joueurs dans les négociations actuelles. En agissant ensemble, la LACC permet à ces deux plus importants créanciers de forcer un règlement.
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H. Krueger & Associates inc. est une entreprise située dans le Grand Vancouver et présidée par le Dr Hans Krueger, un épidémiologiste, économiste de la santé et professeur adjoint à l'école de la Population et de la Santé publique de l'Université de Colombie-Britannique. Sa compagnie a fourni des services de conseils, de modélisation et autres à des agences de santé au niveau fédéral et provincial, ainsi qu'à des ONG à travers le pays. |
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Flory Doucas : 514.515-6780, [email protected]; Cynthia Callard : 613.600-5794, [email protected]
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