Litiges-tabac: Un treizième sursis ? Les groupes antitabac s'inquiètent des déclarations de l'industrie suggérant une entente potentielle qui lui serait favorable English
EDMONTON, AB et MONTRÉAL et OTTAWA, ON, le 27 sept. 2024 /CNW/ - Trois organismes de santé spécialisés dans la lutte contre le tabac tirent la sonnette d'alarme face à l'entente finale qui semble se tramer pour mettre fin aux litiges opposant l'industrie du tabac aux victimes des recours collectifs québécois et aux gouvernements provinciaux. S'étant placés sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), les cigarettiers ont pu suspendre le paiement que le plus haut tribunal québécois leur ordonne de verser aux victimes québécoises de même que les autres procès intentés contre eux par les provinces et ce, dans le but négocier une entente qui leur permettrait d'éviter la faillite.
Les groupes de santé craignent que l'entente qui se trame permettra à ces compagnies, qui font face à la faillite en raison de leurs pratiques commerciales trompeuses et mortelles du passé, de poursuivre leurs activités sans avoir à délaisser leur modèle d'affaire basé sur la dépendance, ce qui mènerait à davantage de gens dépendants et causerait des dommages additionnels.
L'industrie a-t-elle un droit de veto ?
Action on Smoking & Health (ASH Canada), Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF) et la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT) mettent en lumière plusieurs déclarations inquiétantes contenues dans les motions déposées par les trois plus grands fabricants de tabac canadiens (voir annexe ici-bas), soit celles qui renforcent les craintes précédemment exprimées face à la décision qu'auraient prise les provinces d'accepter un processus favorable à l'industrie. Si tel est le cas, l'actuel processus favoriserait les intérêts corporatifs, écarterait les objectifs de santé visant à mettre fin aux dommages faisant l'objet des poursuites, et amènerait les provinces à subir le fardeau des coûts sociaux et de santé des futures victimes.
« Non seulement le processus d'insolvabilité a permis à l'industrie du tabac de continuer ses opérations commerciales 'de façon normale' pendant cinq ans et demi, mais il semble également avoir accordé aux fabricants un droit de veto sur tout accord final », prévient Cynthia Callard, directrice générale des MCSF. En effet, « plusieurs passages des requêtes des compagnies, y compris des références à un règlement 'consensuel', laissent croire que l'industrie du tabac tient le gros bout du bâton plutôt que les créanciers que sont les gouvernements provinciaux et les victimes. »
« Ces trois compagnies de cigarettes font face à la faillite parce qu'elles ont menti au public et aux gouvernements quant aux impacts de leurs produits, ce qui a coûté la vie à d'innombrables Canadiens. Elles ne devraient jamais avoir un mot à dire dans le cadre d'un exercice visant à offrir aux victimes justice et compensation, et surtout à prévenir des dommages futurs, » ajoute Les Hagen, directeur général d'ASH Canada. « Ces entreprises ne devraient pas pouvoir échapper à la justice en s'abritant sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Les gouvernements provinciaux détiennent ici une occasion unique de responsabiliser cette industrie impitoyable. Ils ne devraient pas accepter une entente qui permet aux compagnies de tabac d'échapper à la justice et de causer encore plus de tort auprès de générations futures. Plus de vingt ans de procès et de fonds publics associés au processus juridique devraient se terminer par une victoire pour les victimes et la santé publique, et non pour l'industrie du tabac. »
Les sursis permettent aux compagnies de recruter de nouveaux clients, sans payer un sou aux victimes.
Les groupes déplorent également le treizième sursis réclamé par les fabricants de tabac, qui prolongerait les délais déjà inacceptables, ce qui empêchera encore plus de victimes du tabac et leurs héritiers de voir un seul sou, et ce malgré leur bataille juridique de plus de 20 ans et un jugement solide en leur faveur.
« Chaque sursis signifie qu'environ 75 autres membres des recours collectifs n'obtiendront jamais justice, puisque ces derniers continuent de mourir des maladies causées par ces entreprises prédatrices », explique Flory Doucas, porte-parole et codirecteur du CQCT. « Pendant ce temps, les documents juridiques nous confirment que les compagnies de tabac continuent d'investir dans leur avenir, en cherchant notamment à élargir leur gamme de produits addictifs. Les tribunaux et les gouvernements vont-ils vraiment tenter de vendre au public une entente qui permettrait à ces mêmes entreprises de commercialiser des nouveaux produits addictifs en vertu de ce qui devrait être un règlement historique? Une entente qui mettrait de l'avant des compensations financières et des mesures accessoires ou symboliques qui n'ont pas pour effet de fermer la porte au modèle d'affaire fondé sur la dépendance qu'est celui des cigarettiers, serait tout simplement inacceptable, voire catastrophique. »
Un règlement devrait empêcher tout préjudice futur.
Les groupes demandent aux provinces - dont les requêtes combinées représentent le plus important créancier - d'utiliser leur droit de veto bien établi pour s'assurer que l'objectif ultime de santé publique soit directement enchâssé dans tout règlement final, c'est-à-dire l'élimination progressive et accélérée de la commercialisation par ces entreprises de cigarettes et autres produits qui créent une dépendance. Cela garantirait que les paiements futurs versés aux victimes des recours collectifs et aux gouvernements ne dépendront pas de ventes futures de produits tout aussi addictifs.
« Guidées principalement par des cabinets d'avocats privés et des officiers financiers, les provinces ont pris la décision malheureuse de s'engager dans un processus qui permet aux fabricants de tabac de recruter de nouveaux clients, les rendant dépendants à la nicotine et causant davantage de dommages, le temps des négociations. Nous espérons que les provinces changeront de cap et rejetteront tout règlement qui perpétue les préjudices qui sont au cœur des poursuites qu'elles cherchent à résoudre », conclut Mme Callard.
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ANNEXE: EXTRAITS DES MOTIONS [Nos soulignés]:
Passages referring to a "consensual" settlement":
Rothmans, Benson & Hedges (RBH): [Page 11:] "RBH commenced these proceedings … to enable it to explore a consensual global resolution of these litigation claims." [Page 16:] "RBH has attempted to work collaboratively … to attempt to solve the myriad complex and multi-faceted issues that must be worked out before a consensual global resolution of Tobacco Claims can be implemented. … RBH believes that progress on a number of these issues has been made. However, there are some major remaining issues which RBH views as vital to any consensual global settlement of Tobacco Claims. … RBH believes that a global settlement that addresses all pending and potential Tobacco Claims in a manner acceptable to RBH and the requisite majorities of claimants remains the best outcome" [Page 20:] "additional time is required to agree upon and finalize a consensual plan of compromise and arrangement between RBH and its creditors, and the associated documents to implement the consensual plan. »
JTI-Macdonald (JTI): [Page 11:] "(this) Applicant has conveyed to the Court-Appointed Mediator its view on certain key issues that are outstanding and must be resolved to achieve a consensual CCAA plan."
Passages indicating compagnies predicting no settlement before six months:
Rothmans, Benson & Hedges (RBH): [Page 20:] "RBH anticipates that not less than six months (and perhaps more time) will be required."
JTI-Macdonald (JTI): [Page 8:] "the Applicant estimates the parties will require at least six months to complete the remaining steps, including the negotiation of a consensual CCAA plan"
Passages showing compagnies predicting future business, including expansion:
Imperial Tobacco (ITCAN) : [Page 48:] "ITCAN has also continued, alone or in concert with BAT, with certain initiatives to improve or streamline business operations and expand its product offering including: … (the launching of) Zonnic nicotine pouches … as a nicotine replacement therapy product in traditional retail stores, pharmacies and online,"
Rothmans, Benson & Hedges (RBH): [Page 17:] "RBH investments in the Quebec Facility are expected to continue at a similar level in future years." … RBH has expanded their portfolio of smoke-free products, with the introduction of the IQOS ILUMA heated tobacco system in November 2023, as well as the distribution of a new 5mL VEEV NOW disposable vaping product in December, 2023."
JTI-Macdonald (JTI): [Page 4:] "the Applicant plans to gradually convert its fleet to green vehicles starting in 2025 to reduce emissions and advance a carbon-neutral goal by 2030;" [Page 5:] "The Applicant is investing in and testing machinery and equipment with a cost of approximately USD $1.1 million," [*Note that while this passage is part of the paragraph related to new plain packaging requirement, it does not specify that new machinery or equipment is required to comply with them.]
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Information : Cynthia Callard, (613-600-5794); Flory Doucas, (514-515-6780); Les Hagen, (780-919-5546)
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