Medicago et Santé Canada : Un fiasco prévisible et évitable
Les gouvernements fédéral et du Québec savaient depuis des années que l'implication du cigarettier Philip Morris contrevient au traité international de la lutte antitabac de l'OMS
MONTRÉAL et EDMONTON, AB, le 18 mars 2022 /CNW Telbec/ - La Coalition québécoise pour le contrôle du tabac n'est pas étonnée par le refus anticipé de l'approbation par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) du vaccin contre la COVID-19 de Medicago en raison des liens de la pharmaceutique avec l'industrie du tabac. Or, au lieu de s'acharner contre l'agence internationale de santé, les parties prenantes devraient rechercher la solution la plus simple pour régler cette impasse, soit que Philip Morris se retire en tant que détenteur d'actions.
« Il y a une simple voie de passage pour que ce vaccin soit déployé au niveau international, et tout ce que cela requiert c'est un peu de courage politique par nos gouvernements, notamment le ministre Duclos, afin de tenir tête au cigarettier Philip Morris. Au lieu de faire pression sur l'OMS en lui demandant de contourner son propre traité sur la lutte antitabac - qui a d'ailleurs été endossé par le Québec et signé par le Canada avec 181 autres pays - le ministre de la Santé fédéral et son homologue québécois devraient concentrer leurs énergies à convaincre le géant du tabac de se retirer comme actionnaire de Medicago, ce qui règlerait automatiquement le problème, » dit Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition.
"The WHO should not be bullied into contravening its own public health treaty by approving the Philip Morris vaccine. We respect the WHO's decision to live by the treaty and reject participating in a tobacco industry corporate whitewash scheme," renchérit Les Hagen, directeur de Action on Smoking and Health, un organisme antitabac basé dans l'Ouest canadien.
« Nos gouvernements feraient bon de se rappeler que les produits de l'industrie du tabac tuent plus de 8 millions de personnes par année, dont 50 000 au Canada - soit bien plus de victimes que celles provoquées par la COVID-19 à la hauteur de la pandémie. Il est bien connu que c'est l'industrie du tabac qui est le principal vecteur des maladies causées par le tabagisme et qu'elle continue de s'opposer aux mesures efficaces de réduction du tabagisme. Il importe donc de contrer l'influence de ces multinationales meurtrières en les empêchant de se positionner comme 'partenaires' des gouvernements, notamment dans des dossiers de santé, » ajoute madame Doucas.
L'article 5.3 de la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT) de l'OMS oblige les parties de veiller à ce que leurs politiques « ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l'industrie du tabac », et ses directives spécifiques d'application soulignent que « l'industrie du tabac ne devrait être partenaire d'aucune initiative liée à l'élaboration ou à l'application de politiques de santé publique, étant donné que ses intérêts sont en contradiction directe avec les objectifs de la santé publique. » C'est pourquoi elle recommande que « les Parties doivent s'abstenir d'approuver ou d'appuyer des activités décrites comme socialement responsables tout comme de constituer des partenariats pour ces activités ou d'y participer » (recommandation 6.2).
Lorsque l'investissement fédéral dans Medicago a été annoncé en octobre 2020, Philip Morris avait publié un communiqué affirmant que ce genre d'implication est bénéfique pour le commerce du tabac : « De meilleurs résultats peuvent être obtenus lorsque les gouvernements et les entreprises unissent leurs efforts pour promouvoir des objectifs communs pour le plus grand bien. » [Notre traduction]
De plus, lors de la neuvième session de la Conférence des parties associées à la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (ou COP 9) en novembre dernier, les parties avaient justement adopté une déclaration appelant les pays à empêcher l'implication de l'industrie du tabac dans les politiques et actions associées à la COVID-19. La déclaration souligne la nécessité de « rester conscient des conflits inhérents et irréconciliables entre les intérêts de l'industrie du tabac et les politiques de santé publique » ainsi que la nécessité pour les pays de continuer à protéger les politiques de santé publique de l'industrie, même en période de crise.
« Philip Morris est avant tout un fabricant de produits mortels. Dans un contexte où la multinationale continue d'opposer activement à la mise en place de mesures de réduction du tabagisme, ici comme ailleurs, il est clair qu'elle n'est pas une alliée de la santé publique. Tout gouvernement préoccupé par la première cause de décès évitable chez ses citoyens ne devrait pas collaborer avec une entité qui contribue à autant de souffrance et de perte de vies humaines, et encore moins investir dans les initiatives qu'elle exploite pour redorer son blason.
« Dans ce dossier, c'est uniquement l'OMS qui manifeste du leadership en matière de la défense de l'intérêt public, et il est désolant de constater que ce n'est pas le cas du ministre de la Santé fédéral ni son département. En effet, le gouvernement fédéral nous dit depuis de années que les réflexions se poursuivent quant à l'élaboration et la mise en œuvre éventuelle de directives canadiennes pour faire respecter l'article 5.3 de la Convention-cadre contre l'influence de l'industrie pour l'ensemble de ses ministères et les provinces, mais nous n'avons vu aucun progrès en ce sens. Il est clair que cette tergiversation nuit aux progrès de la lutte contre le tabac et a contribué à cet imbroglio avec Medicago. Il faut maintenant que Santé Canada priorise l'élaboration de ces lignes directrices, notamment pour sensibiliser l'ensemble des décideurs politiques sur la puissance et l'efficacité des manœuvres d'influences de l'industrie du tabac, » conclut la porte-parole.
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Entrevues : Flory Doucas, Codirectrice et porte-parole : 514-515-6780 (cell.)
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