Nouveau rapport de l'INSPQ sur le vapotage : Qu'attend le gouvernement Legault pour passer à l'action ?
MONTRÉAL, le 25 oct. 2022 /CNW Telbec/ - Une étude dévoilée hier par l'Institut national de santé publique par (INSPQ), qui contient des données détaillées recueillies lors de l'Enquête québécoise sur le tabac et les produits du vapotage (EQTPV) réalisée en 2020 auprès de 13 533 Québécois âgés de 15 ans et plus, fait la lumière sur l'emprise que les cigarettes électroniques ont sur le quotidien des jeunes.
Rappelons qu'un document sommaire publié par l'ISQ (Institut de la statistique du Québec) en mai 2021 concernant cette même enquête avait révélé que le vapotage était trois fois plus répandu chez les 15 à 17 ans (18 %) que chez les adultes de 25 ans et plus (5 % ou moins). À ce constat troublant s'ajoutent maintenant de nouvelles conclusions tirées de l'analyse publiée hier par l'INSPQ.
Faits saillants
- Parmi ceux ayant vapoté au cours des 30 derniers jours, c'est chez les 15-24 ans que l'usage concomitant des produits de vapotage et des cigarettes traditionnelles est plus important (21 %), comparativement aux 25 ans et plus (8 %). L'usage concomitant expose les consommateurs à des risques supplémentaires comparativement à ceux qui fument ou qui vapotent seulement.
- 60 % des vapoteurs âgés 15 à 17 ans en font un usage quotidien (33 %) ou hebdomadaire (27 %).
- Malgré l'usage soutenu (quotidien ou hebdomadaire) chez une majorité des jeunes (60 %) et des jeunes adultes (66 %) qui vapotent, 48 % s'estiment ne pas en être dépendants.
- Les jeunes ne constituent pas uniquement une clientèle qui « expérimente » les produits de vapotage : ils sont souvent des consommateurs fréquents, avec 32 % des 15 à 24 ans qui les utilisent en moyenne plus de 11 fois/jour.
- Les produits de vapotage les plus populaires auprès des jeunes de 15 à 17 ans en 2020 sont les appareils avec cartouches préremplies, ce qui coïncide avec l'explosion, commencée dès 2019, de la vente de ces types de produits dans les dépanneurs et les stations-service du Québec, comme l'a détaillé un autre rapport de l'INSPQ.
- Alors que 70 % des personnes âgées de 35 à 64 ans se dirigent vers les boutiques spécialisées pour se procurer des appareils de vapotage, c'est le cas de seulement 28 % des 15-17 ans. En effet, les jeunes de 15 à 17 ans passent plutôt par les sources sociales pour obtenir des appareils de vapotage (47 %), mais il importe de retenir que plus d'un jeune sur deux (51.6 %) s'en procure directement dans un commerce (dépanneur, station-service ou boutique). Des constats similaires s'appliquent en ce qui concerne les liquides et les cartouches de liquide.
« Pendant que les fabricants de produits de vapotage et les petits commerçants continuent de mettre en marché des produits nicotiniques hautement attrayants et faciles d'usage pour les jeunes, les gouvernements bougent à peine pour contrer leurs tactiques de marketing » lamente Flory Doucas, codirectrice et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Le fédéral a beau avoir limité la concentration maximale de nicotine des liquides depuis juillet 2021, la conformité de l'industrie aux mesures fédérales demeure problématique, d'où la pertinence d'avoir un ensemble des mesures propres au Québec.
« Nous attendons toujours que le gouvernement Legault fasse preuve de sérieux et de diligence dans ce dossier. Presque trois ans après avoir mis sur pied un groupe de travail pour lui recommander des pistes d'actions, et plus de deux ans après que le ministre Dubé ait accueilli ce rapport en disant "qu'il devient impératif d'agir" pour protéger les jeunes, rien n'a bougé au niveau de mesures réglementaires ou de taxation. En fait, le gouvernement semble avoir tabletté la mesure prioritaire qui est d'interdire l'aromatisation des liquides de vapotage, » ajoute madame Doucas.
Contrastant avec le Québec qui s'abstient d'agir et qui a mal géré les processus, la Nouvelle-Écosse (avril 2020), l'Île-du-Prince-Édouard (mars 2021) et les Territoires du Nord-Ouest (mars 2022) ont choisi d'agir pour réduire l'attrait de ces produits auprès des jeunes en interdisant la vente des liquides aromatisés aux saveurs de fruits ou de menthe/menthol. « Le fait que la moitié des jeunes se procurent leurs cigarettes électroniques dans des commerces malgré l'interdiction de la vente au mineur démontre l'importance d'agir sur le produit lui-même, » dit madame Doucas.
Plusieurs gouvernements provinciaux et le fédéral sont également intervenus pour protéger les jeunes en cherchant à réduire l'abordabilité des produits de vapotage en les assujettissant à des surtaxes. Au moins six provinces ont déjà annoncé ou instauré une taxe sur les produits de vapotage, dont la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve-et-Labrador, la Saskatchewan l'Alberta et l'Île-du-Prince-Edouard. Les quatre premières ont choisi d'instaurer leur propre taxe, alors que les deux autres ont choisi de s'arrimer à la nouvelle taxe fédérale ayant entré en vigueur le 1er octobre dernier, qui impose notamment 1 $ sur chaque cartouche de moins de 2 ml ou 1 $/ml pour les 10 premiers ml et 1 $ pour chaque fraction subséquente de 10 ml.
« Sans l'introduction d'une taxe québécoise, les produits de vapotage vendus sont appelés à devenir encore plus financièrement accessibles aux portefeuilles des jeunes Québécois. » En effet, l'industrie du tabac, le gros joueur de l'industrie du vapotage au pays, s'affaire à commercialiser agressivement des produits de vapotage encore plus abordables, soit des dispositifs préremplis à usage unique.
Moins chers que les appareils avec de petites cartouches préremplies qui maintenant sont assujetties à une taxe de 1 $ chacune ou que les dispositifs munis d'un réservoir de liquide à remplir, les nouveaux produits jetables comme « VUSE GO » de British American Tobacco et « VEEBA » de Philip Morris International sont assortis de couleurs éclatantes et de saveurs de fruits, mais ont aussi l'avantage de ne plus avoir besoin d'être rechargés, ce qui souvent était incriminant pour un jeune. La popularité des marques jetables auprès des jeunes a récemment explosé au Royaume-Uni et aux États-Unis (surtout dans ce dernier où les jetables ont été exempté de l'interdiction des saveurs). « Or, nos gouvernements ne semblent pas du tout préoccupés par ces nouvelles vagues de produits, » se plaint madame Doucas.
« L'immense popularité des appareils JUUL à partir de 2018 démontre à quel point la conception d'un produit peut influencer la perception et leur popularité auprès des consommateurs, » explique madame Doucas. « Comment se fait-il qu'à ce jour, il n'y ait toujours pas de restrictions sérieuses sur l'apparence des dispositifs qui livrent une des substances les plus toxicomanogènes au monde ? » Or, la Loi concernant la lutte contre le tabagisme du Québec autorise le gouvernement à réglementer le contenant, l'emballage et la présentation des produits de tabac et de vapotage et à interdire des formats spécifiques. « L'imposition d'un emballage neutre ou quasi neutre, tel que l'a recommandé le conseil des médecins hygiénistes en chef du pays, permettrait de mieux positionner les cigarettes électroniques en tant que produits comportant d'importants risques, incluant de sérieux effets sur la santé en plus de la dépendance à la nicotine, tout en minimisant la perception qu'il s'agisse de produits anodins ou récréatifs. La Coalition recommande de telles mesures depuis 2020 et espère que les ministres Dubé et Girard interviendront rapidement et concrètement avec des mesures pour réduire l'attrait et l'accès financier de ces produits auprès de nos jeunes, » conclut la porte-parole.
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Entrevues : Flory Doucas, Codirectrice et porte-parole : 514-515-6780 (cell.)
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