Un document secret d'Imperial Tobacco montre que l'ACDA et sa Coalition contre la contrebande sont des groupes-façade destinés à bloquer toute réglementation et hausse des taxes sur le tabac English
MONTRÉAL et OTTAWA, le 18 oct. 2016 /CNW Telbec/ - Une présentation confidentielle d'Imperial Tobacco Canada à sa maison mère, British American Tobacco, expose les objectifs et les tactiques derrière la campagne de longue date du fabricant de tabac pour « maintenir en vie l'enjeu de la contrebande » (« Keeping The Contraband Issue Alive ») malgré le fait que la contrebande ait substantiellement diminué durant cette période.
Le document, obtenu par l'entremise d'un dénonciateur anonyme, montre comment Imperial Tobacco a utilisé des associations de détaillants et d'autres entités comme groupes-façade pour contrecarrer toute nouvelle réglementation ou hausse des taxes sur le tabac.
La présentation d'Imperial Tobacco décrit les activités de relations publiques et de lobbyisme de deux groupes soi-disant autonomes -- l'Association canadienne des dépanneurs en alimentation (ACDA/CCSA) et la Coalition nationale contre le tabac de contrebande (CNCTC/NCACT) -- comme étant « Nos Campagnes ».
Elle explique comment ces entités ont réussi à produire une « voix crédible sur la contrebande », un objectif stratégique clé étant donné l'absence de crédibilité de l'industrie du tabac. Par exemple, la CNCTC, mise sur pied par l'ACDA et gérée par la firme de lobbyisme Impact Affaires Publiques, est vue comme un joueur critique puisqu'elle crée encore plus de distance entre Imperial Tobacco et ses campagnes contre les taxes et la réglementation antitabac (« Not just 'Big Tobacco'! »). Enfin, le document montre comment l'industrie a réussi à recruter des tierces parties crédibles (comme des municipalités), prétendument pour combattre la contrebande, afin de les utiliser comme levier politique pour empêcher la mise en œuvre de mesures efficaces de réduction du tabagisme.
« L'utilisation de groupes-façade par l'industrie du tabac ne date pas d'hier, » dit Cynthia Callard, directrice générale des Médecins pour un Canada sans fumée, « mais il est généralement difficile d'exposer la vérité sur ces organisations au moment même où elles sont les plus efficaces. Les révélations émanant du document sont d'autant plus précieuses étant donné l'implication de ces mêmes groupes dans le débat critique actuel sur l'emballage neutre et standardisé des produits du tabac.
« Le document révèle non seulement l'étendue du contrôle qu'exerce l'industrie sur l'agenda et les messages de ces deux groupes, mais démontre la capacité de ces groupes à manipuler des tierces parties libres de tout intérêt lié au tabac, comme les municipalités et les médias, pour les aider à façonner l'environnement public et politique de manière à protéger les intérêts tabac. »
« Il est tout à fait approprié pour les détaillants et autres commerçants de se prononcer publiquement sur les initiatives de santé du gouvernement, » explique Flory Doucas, porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. « Ce qui est inacceptable, c'est lorsque les cigarettiers se cachent derrière des groupes-façade pour donner une aura de légitimité à leurs messages sans divulguer leurs relations financières respectives. » Madame Doucas souligne que des représentants des deux groupes ont à maintes reprises refusé de répondre aux questions concernant leur financement lors de commissions parlementaires tant provinciales et fédérales.
« Ce qui est maintenant clair, c'est à quel point il est facile pour l'industrie de cacher son implication dans une succession de campagnes visant à bloquer des mesures efficaces pour réduire le tabagisme. L'utilisation de groupes-façade constitue une violation de l'un des principes les plus fondamentaux d'une démocratie fonctionnelle: la transparence. Les gouvernements ont le devoir d'assurer la transparence de manière à empêcher l'influence des groupes-façade lors du développement des politiques publiques. Les médias se doivent eux aussi d'être plus vigilants pour informer le public de la véritable nature et des objectifs réels des groupes qui cherchent à empêcher l'adoption de mesures de santé publique, » poursuit Mme Doucas.
Melodie Tilson, analyste des politiques de l'Association pour les droits des non-fumeurs, renchérit : « Les gouvernements ont la responsabilité de protéger la santé publique contre l'ingérence de l'industrie du tabac. Ce n'est pas seulement une responsabilité morale : cela découle du droit international. » La Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (signée par le Canada et unanimement appuyée par l'Assemblée nationale du Québec[i]) place en effet le fardeau sur les gouvernements pour ce qui est de monitorer les tentatives d'ingérence de l'industrie, d'informer le public de ces tentatives et d'adopter des mesures pour les en empêcher.
« La présentation d'Imperial Tobacco, conjointement avec les tentatives actuelles de l'industrie visant à saboter la mise en œuvre d'une réglementation fédérale sur l'emballage, illustrent la vulnérabilité de l'intérêt public face aux pratiques sournoises de l'industrie du tabac et soulignent le besoin urgent pour des mesures de transparence. Après une décennie d'inaction, le gouvernement fédéral a récemment annoncé qu'il allait examiner les moyens qui permettraient de renforcer la mise en œuvre de cet aspect du traité de l'OMS[ii]. La question demeure donc: combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que le gouvernement ne mette un terme à ces pratiques? » conclut Mme Tilson.
Les groupes de lutte contre le tabac demandent à ce que :
- tous les décideurs politiques et journalistes traitent les organisations qui s'opposent aux mesures de réduction du tabagisme avec un scepticisme renouvelé et exigent systématiquement des déclarations concernant leurs relations financières avec des intérêts tabac lors de toute interaction avec elles;
- des mesures soient introduites pour exiger des rapports périodiques des fabricants de tabac à l'égard de leurs affiliations, de leurs activités politiques et des dépenses connexes;
- soit instauré un mécanisme transparent de divulgation par l'entremise de laquelle toutes les entités (autres que les fabricants de tabac eux-mêmes) qui tentent d'influencer les gouvernements au sujet du tabac devraient déclarer toute considération venant de l'industrie du tabac, financière ou autre;
- l'information concernant les tactiques d'interférence de la part de l'industrie du tabac soit partagée par les autorités de santé avec tous les ministères et paliers gouvernementaux.
Liens pertinents :
- Présentation CORA d'Imperial Tobacco Canada à British American Tobacco
- Brève analyse de la présentation
- Description de BAT du rôle de CORA (Corporate and Regulatory Affairs)
- Directives d'application de l'article 5.3 de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac visant à empêcher l'ingérence de l'industrie du tabac
- Exemples des efforts de l'ACDA pour contrer l'emballage neutre: déclarations publiques concernant son impact sur la contrebande, campagne pour mobiliser les dépanneurs par le biais d'un module Internet qui inclut l'argument de la contrebande
- Lettre de la firme KPMG concernant l'usage non autorisé de son étude par l'industrie du tabac, qui associe la contrebande à l'emballage neutre en Australie (voir aussi la mise en garde en page 2 de l'étude en question)
- Une nouvelle étude du British Medical Journal sur l'ingérence de l'industrie du tabac, qui a constaté que l'opposition à la réglementation sur l'emballage neutre au Royaume-Uni a principalement été générée par des tiers ayant des relations financières avec les fabricants de tabac, et conclut avec des recommandations similaires à celles énumérées ci-dessus (voir aussi le communiqué)
- Recommandations des groupes de santé à l'égard de mesures nécessaires pour minimiser l'ingérence de l'industrie du tabac dans le développement des politiques de santé, conformément aux directives d'application de l'article 5.3 de la Convention-cadre
Disponibles sur demande (CQCT):
- Documentation liée à la campagne de l'AQDA auprès des municipalités québécoises (2012)
- Documentation liée à la campagne de l'AQDA en lien avec les élections provinciales au Québec (2012)
Source :
Coalition québécoise pour le contrôle du tabac (CQCT), Association pour les droits des non-fumeurs (ADNF), Médecins pour un Canada sans fumée (MCSF)
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[i] Philippe Couillard, sur la motion proposant que l'Assemblée approuve la Convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, 15 décembre 2004. http://cqct.qc.ca/Documents_docs/DOCU_2005/LOI_05_12_15_AssNat_Motion_Appui_CCLA_EXTRAIT.pdf
[ii] "Health Canada recognizes the importance of Article 5.3 and in the last quarter of 2015 put in place measures to undertake a review of existing domestic actions, global approaches and opportunities to reinforce and build on current domestic measures. Details and outcomes of these activities will be captured in Canada's subsequent FCTC reports." Gouvernement du Canada, "Framework Convention on Tobacco Control: Canada's 2016 report", 2016. http://apps.who.int/fctc/implementation/database/sites/implementation/files/documents/reports/canada_2016_report_0.pdf
SOURCE Coalition québécoise pour le contrôle du tabac
Flory Doucas, codirectrice et porte-parole, CQCT : 514-598-5533, 514-515-6780 (cell.); Melodie Tilson, analyste des politiques, ADNF : 613-882-6125 (cell.); Cynthia Callard, directrice générale, MCSF : 613-600-5794 (cell.)
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