Enquête indépendante sur l'événement survenu à Drummondville le 19 novembre 2020 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 6 oct. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par une femme à Drummondville le 19 novembre 2020.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 19 novembre 2020, à 14 h 48, un appel est fait au 911 par une femme qui s'inquiète pour sa fille. L'employeur de cette dernière l'avait contactée plus tôt ce jour-là, car il était inquiet qu'elle ne se soit pas présentée au travail. La femme avait également parlé au téléphone avec son petit-fils d'âge mineur qui lui a dit que sa mère s'était « sacrifiée ».
Un premier policier arrive seul sur les lieux vers 15 h 05. Un enfant lui ouvre la porte et lui fait signe de monter au 2e étage. Ensuite, il lui fait signe que sa mère est dans la salle de bain, dont la porte est verrouillée. Le policier tente d'établir un contact verbal avec la femme qui lui répond de ne pas entrer dans la salle de bain. Il conclut par son timbre de voix qu'elle est faible et ne va pas bien. L'enfant lui montre, en glissant son doigt sur son cou, qu'elle s'est infligé une blessure à la gorge.
Le policier va porter l'enfant dans son autopatrouille et retourne dans l'appartement. Il dit à plusieurs reprises à la femme que si elle n'ouvre pas la porte de la salle de bain, il va la défoncer.
Un deuxième policier arrive sur les lieux. Les policiers conviennent que l'un d'entre eux défoncera la porte de la salle de bain et que l'autre pointera la femme avec son arme à impulsions électriques (AIE), car elle a possiblement un couteau.
Une fois la porte de la salle de bain défoncée, ils voient la femme étendue dans le bain. Il y a beaucoup de sang dans l'eau, sur le sol et sur le comptoir. Elle est blanchâtre et a une lacération profonde au cou.
Un policier s'avance dans la salle de bain. La femme bouge et le policier voit un couteau dans sa main droite. Il lui demande à deux reprises de le lâcher. Comme elle n'obtempère pas, il utilise son AIE pendant cinq secondes. Les sondes de l'AIE se sont plantées dans les cuisses de la femme. La réaction est immédiate et le couteau tombe.
Le policier commence ensuite à prodiguer des soins à la femme. Il fait pression sur sa plaie et la gifle à plusieurs reprises pour la garder éveillée.
L'autre policier demande quant à lui à ce que les services ambulanciers et l'hôpital soient avisés que la femme a une lacération profonde au cou ainsi qu'une respiration agonale et que l'AIE a été utilisée.
Des ambulanciers ainsi que d'autres policiers arrivent sur les lieux. Deux policiers sortent la femme du bain et l'installent sur une planche afin de l'évacuer de l'appartement. Durant l'évacuation et le transport vers l'hôpital, un autre policier prend le relais et applique une pression constante sur la plaie.
L'ambulance quitte les lieux à 15 h 26. La femme est d'abord amenée à un hôpital de Drummondville, puis transférée à un hôpital de Sherbrooke où elle est opérée. Elle survit à ses blessures.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime.
De plus, dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Dans ce dossier, l'intervention était légale. Les policiers de la SQ impliqués dans cet événement avaient des motifs raisonnables de croire que la vie de la femme était en danger et qu'ils pouvaient donc entrer dans l'appartement pour aller vérifier son état.
Lorsqu'ils sont entrés dans la salle de bain, la femme tenait un couteau et malgré des demandes en ce sens, elle n'a pas voulu le lâcher. Vu l'urgence de la situation, la femme ayant besoin d'une assistance médicale immédiate, en plus du risque qu'elle se blesse davantage ou qu'elle blesse un policier, la force utilisée était raisonnable et nécessaire pour réussir à la désarmer et à lui prodiguer des soins rapidement. L'AIE a été utilisée de façon brève et son utilisation n'a pas entraîné de conséquences physiques importantes pour la femme.
Ultimement, les policiers ont dû intervenir en raison de la tentative de suicide de la femme et les blessures graves qu'elle a subies n'ont pas été infligées par les policiers. La force employée fut limitée à ce qui était nécessaire dans les circonstances.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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