Enquête indépendante sur l'événement survenu à Drummondville le 9 février 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 27 sept. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière (chargée de la relève) de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Drummondville le 9 février 2022 entourant l'arrêt respiratoire d'une femme auquel elle a survécu.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve, afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé la personne blessée de la décision.
Le 8 février 2022, une femme est conduite au poste de la SQ de Drummondville à la suite d'un bris de condition, étant détenue provisoirement jusqu'à sa comparution, qui devait se dérouler le lendemain.
Le 9 février 2022, à 9 h 32, la femme interpelle deux policiers présents dans le bloc cellulaire. Elle leur mentionne qu'elle entretient des pensées suicidaires et qu'elle souhaite en discuter avec son avocat. Le duo de policiers en informe la policière chargée de la relève de la situation. Il est alors décidé qu'un appel au 811 sera fait afin d'effectuer un suivi.
Vers 9 h 42, un agent de sécurité assigné à la surveillance des détenus constate, par l'entremise du système de surveillance par caméra, que la femme tente de s'étrangler à l'aide d'un bout de tissu. Il interpelle rapidement deux policiers présents au poste et les avise de la situation. Ces derniers pénètrent dans la cellule et coupent le bout de tissu enroulé autour du cou de la femme. Après s'être assurés que l'état de la femme ne requérait pas des soins d'urgence, les policiers procèdent à la fouille de la cellule pour y retirer tous les objets potentiellement dangereux. Une fois l'intervention terminée, les policiers avisent la policière chargée de la relève que la femme a tenté de s'étrangler.
La policière chargée de relève entreprend alors des démarches pour contacter les services ambulanciers, afin que la femme soit transportée à l'hôpital. Dans l'attente des ambulanciers, elle demande à l'agent de sécurité de maintenir une attention particulière de la cellule de la femme.
Vers 10 h 05, une policière se présente à la cellule de la femme afin de l'aviser qu'elle sera prochainement transportée au centre hospitalier. À ce moment, la femme est consciente.
Vers 10 h 12, la même policière se présente à la cellule de la femme, cette fois-ci accompagnée des ambulanciers responsables du transport au centre hospitalier. Une fois au bloc cellulaire, ils constatent que la femme est couchée en position fœtale sur le sol de la cellule et qu'elle s'est enroulée un morceau de vêtement autour du cou. La femme est inconsciente et son visage a une teinte bleutée. La corde est coupée et les ambulanciers entreprennent diverses manœuvres de premiers soins.
Après quelques minutes, la femme reprend conscience. Elle est transportée au centre hospitalier pour y recevoir les soins de santé requis.
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant des lésions corporelles.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle que plusieurs précautions ont été prises par les policiers et la chargée de relève du poste de la SQ de Drummondville. Lorsque la femme a initialement fait part de ses idées suicidaires aux policiers, il fut décidé de contacter le 811 afin d'effectuer un suivi approprié. Avant même que cette tâche n'ait pu être attribuée à un policier du poste, la femme a attenté une première fois à sa vie. À la suite de cette tentative, plusieurs actions ont été posées : les policiers ont fouillé la cellule afin de retirer les objets dangereux, les services ambulanciers furent contactés et l'agent de sécurité responsable de la surveillance des cellules fut prié de porter une attention particulière à la cellule de la femme. Dans l'attente de l'ambulance, une policière s'est présentée physiquement à la cellule de la femme. Elle note alors que cette dernière est consciente. Environ sept minutes après cette visite, les ambulanciers se présentent au poste de police. On réalise alors que la femme est inconsciente et qu'elle a tenté de s'étrangler à nouveau. L'analyse de la preuve ne permet pas de déceler une conduite qui représente un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par la policière chargée de la relève de la SQ impliquée dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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