Enquête indépendante sur l'événement survenu à Kitcisakik le 1er août 2021 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 24 mai 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Kitcisakik le 1er août 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé la personne blessée de la décision.
Le 1er août 2021, à 3 h 47, la SQ reçoit un appel d'une femme se trouvant dans la communauté anicinape de Kitcisakik. Celle-ci indique à la répartition qu'un de ses proches est fortement intoxiqué par l'alcool et qu'il a un comportement menaçant à son égard. Il aurait également tenté d'entrer par effraction dans l'une des résidences de la communauté.
Deux duos de patrouilleurs de la SQ sont assignés à l'appel d'urgence. Le premier se trouve initialement dans la municipalité de Senneterre alors que le deuxième se situe à Val-d'Or. Les patrouilleurs doivent donc franchir une distance d'environ 100 kilomètres pour se rendre sur les lieux.
À 3 h 57, alors que les patrouilleurs sont en route vers la communauté, la centrale reçoit un deuxième appel en provenance de Kitcisakik. Cette fois-ci, le demandeur est membre du voisinage. Il avise la répartition que l'homme se trouve désormais sur son terrain et qu'il y fait du grabuge et des méfaits.
Les patrouilleurs de Val-d'Or sont les premiers à arriver à la communauté. À 4 h 30, ils s'engagent sur le chemin Okunum, menant au village principal de Kitcisakik. À la hauteur du 3e kilomètre, les policiers localisent un homme qui correspond à la description physique et vestimentaire fournie par la centrale. Ce dernier est agité et armé. : Il crie à tue-tête et il exhibe deux haches qu'il tient dans chacune de ses mains.
L'homme commence à se diriger vers les patrouilleurs demeurés à l'intérieur du véhicule. Ceux-ci le somment de lâcher ses armes et de se coucher au sol. L'homme obtempère partiellement. Il lance l'une de ses haches dans le boisé adjacent, mais conserve fermement la deuxième dans ses mains.
Dans l'intervalle, les agents en provenance de Senneterre arrivent sur les lieux de l'intervention. Ils positionnent leur autopatrouille aux côtés de celle de leurs collègues de Val-d'Or.
L'homme gagne rapidement du terrain et s'approche des policiers en brandissant sa hache. Les patrouilleurs tentent de faire marche arrière avec leurs véhicules afin de préserver une distance sécuritaire, mais la manœuvre est difficile.
Alors qu'il se trouve à une dizaine de mètres des autopatrouilles, un des policiers dégaine son arme à impulsion électrique (AIE) et lance une décharge en direction de l'homme. Le tir est efficace. L'homme s'écroule au sol en lâchant sa hache.
Les policiers profitent de cette brève accalmie pour sortir de leurs véhicules et s'approcher de l'homme afin de le maîtriser. Or, en l'espace de quelques secondes, l'homme se relève, saisit sa hache et la soulève par-dessus sa tête. Il se trouve alors à quelques mètres seulement des policiers.
En réaction, deux agents tirent en direction de l'homme. Malgré les coups de feu, ce dernier parvient à lancer sa hache vers les patrouilleurs. La hache finit sa course sur le capot d'une autopatrouille, sans néanmoins atteindre les policiers.
À la suite des coups de feu, l'homme est atteint par quatre projectiles et s'écroule au sol. Les patrouilleurs le menottent et appellent une ambulance sur les lieux. L'homme sera transporté d'urgence à un centre hospitalier, où il recevra les soins requis.
Il est important de mentionner qu'un des policiers portait, lors des événements, une caméra corporelle fournie dans le cadre d'un projet pilote de la SQ. Le patrouilleur a actionné sa caméra dès les premiers contacts avec l'homme, de sorte que l'ensemble de l'intervention policière fut enregistrée. Quant aux faits et gestes de chacune des personnes impliquées en l'espèce, les images captées confirment les versions fournies par les policiers, versions que l'homme a essentiellement confirmées au personnel soignant ainsi que devant le tribunal lorsqu'il fut tenu de répondre à des accusations portées contre lui.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Les policiers ont ordonné à maintes reprises à l'homme de lâcher ses armes et de se coucher au sol, mais ils se sont heurtés à un refus persistant. Les agents ont fait usage d'une arme intermédiaire, à savoir une AIE, mais cela n'a provoqué qu'une neutralisation de courte durée. Juste avant que les policiers ne fassent feu, l'homme se trouvait très près d'eux et il tenait sa hache au-dessus de sa tête, de façon à pouvoir l'utiliser facilement. D'ailleurs, malgré le feu nourri des agents de la paix, l'homme a réussi à lancer la hache dans leur direction.
Considérant le danger imminent auquel ils faisaient face, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et (25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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