Enquête indépendante sur l'évènement survenu à Laval le 20 octobre 2021 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 25 nov. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Laval (SPL).
L'analyse portait sur l'évènement entourant les blessures subies par une femme à Laval le 20 octobre 2021.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve, ainsi que celle présentée devant le tribunal, afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Malgré de nombreuses tentatives pour la joindre, la personne blessée n'a pu être informée des motifs de la décision.
Le 20 octobre 2021 vers 1 h 35, l'attention de deux policières du SPL en patrouille est attirée par une voiture stationnée. Elles voient un jeune homme assis au siège conducteur et une jeune femme s'approcher de la voiture et y prendre place. Une courte enquête leur apprend que cette voiture a été rapportée volée à Montréal.
Les policières immobilisent l'autopatrouille derrière la voiture, activent les gyrophares, sortent et s'approchent de la voiture. Avant qu'elles ne l'atteignent, le conducteur part en trombe et prend la fuite malgré qu'il ait reçu l'ordre de s'immobiliser.
Les policières regagnent l'autopatrouille et prennent en chasse la voiture sur un boulevard, gyrophares activés. Elles obtiennent l'autorisation de leur supérieur de poursuivre la voiture. Elles suivent le véhicule à environ 150 km/h en restant environ 150 mètres derrière lui. Le conducteur du véhicule fuyard s'engage dans la voie à sens inverse et les policières l'y suivent. Il brûle un feu rouge, toujours suivi des policières.
Une trentaine de secondes après le début de la poursuite, à un peu plus d'un kilomètre de son point de départ, le conducteur qui circule à 155 km/h empiète sur le trottoir, perd le contrôle et percute une voiture stationnée. Le véhicule fuyard dévie dans un mouvement de rotation, traverse la voie et le terre-plein, percute et renverse un lampadaire, traverse l'autre voie et s'immobilise finalement de l'autre côté du boulevard. Le véhicule fuyard est lourdement endommagé.
Les policières s'approchent à pied du véhicule et détiennent, avec l'aide de renforts qui les rejoignent, le conducteur, sa passagère et les trois autres passagers qu'elles découvrent à l'arrière de la voiture. Une femme qui prenait place à l'arrière de la voiture est sérieusement blessée et y demeure jusqu'à ce que les pompiers l'extirpent de la voiture.
Les occupants du véhicule sont amenés à l'hôpital en ambulance. La femme blessée est hospitalisée plusieurs jours et a dû subir une opération.
Le conducteur du véhicule fuyard a été condamné par le Tribunal pour adolescents pour plusieurs infractions en lien avec cet évènement.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel, se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du Code.
Dans ce dossier, les policiers impliqués sont la conductrice de l'autopatrouille, sa partenaire et leur supérieur qui a autorisé la poursuite.
L'intervention des policières était légale. Une vérification de routine est rapidement devenue une enquête pour recel d'un véhicule volé. Au moment de la fuite du conducteur, les policières avaient des motifs raisonnables de croire à la commission d'une infraction.
La preuve ne révèle aucune infraction criminelle qu'aurait commise la partenaire de la policière conductrice.
Quant à la policière conductrice, la preuve ne permet pas de conclure que la décision d'entreprendre la poursuite du véhicule fuyard, de la continuer pendant sa courte durée et la manière dont elle s'est conduite durant celle-ci constitue un écart marqué avec le comportement qu'une policière raisonnablement prudente aurait adopté dans les circonstances. Une poursuite automobile comporte nécessairement un certain risque de par sa vitesse et les manœuvres qui peuvent être faites par le fuyard ou les poursuivantes surtout dans un environnement urbain. Cependant, ici la poursuite a été de très courte durée et s'est déroulée dans des circonstances presque idéales. La chaussée était sèche et dégagée, la circulation très limitée à cette heure tardive, la visibilité bonne malgré la noirceur et le parcours est assez droit. La policière porte attention aux dangers potentiels, les gyrophares de l'autopatrouille sont activés et elle klaxonne pour signaler sa présence aux autres véhicules. Elle a agi pour mettre fin à une infraction criminelle probable conformément à ses devoirs de policière. Malgré la grande vitesse et la circulation à sens inverse, la conduite ne constitue pas de la conduite dangereuse.
Aussi, au sens du droit criminel, les policières ne sont pas responsables de l'accident qui est survenu ni des lésions subies par la femme blessée dans cet évènement. La preuve révèle qu'il n'y a eu aucun contact entre l'autopatrouille et le véhicule fuyard et que la policière au volant n'a pas forcé le conducteur du véhicule fuyard à faire des manœuvres dangereuses. Aucun facteur mécanique ou environnemental ne semble non plus être en cause. L'accident et les blessures qui en ont résulté ont été causés par une perte de contrôle du conducteur de la voiture alors qu'il conduisait dangereusement en fuyant une interception légale.
Le DPCP est également d'avis que l'officier supérieur qui a autorisé la poursuite n'a commis aucune infraction criminelle en autorisant la poursuite quand il l'a fait avec l'information dont il disposait.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPL impliqués dans cet évènement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
Source :
Me Patricia Johnson
Porte-parole adjointe
Directeur des poursuites criminelles et pénales
418 643-4085
quebec.ca/gouv/dpcp
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
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