Enquête indépendante sur l'événement survenu à Laval le 4 septembre 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 27 mars 2024 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Laval (SPL).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par une femme à Laval le 4 septembre 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles.
Des tentatives pour joindre la personne blessée ont été faites pour l'informer des motifs de la décision.
Le 4 septembre 2023 à 16 h 54, un appel est fait au 911 par un homme mentionnant qu'une proche s'est enfermée dans la salle de bain avec un couteau et qu'elle refuse de sortir. Au cours de l'appel, l'homme indique que la femme est sortie de la salle de bain et qu'elle s'inflige maintenant des blessures superficielles aux poignets. Ensuite, il mentionne qu'elle pointe le couteau vers son abdomen.
Dans les minutes qui suivent, un premier duo de policiers arrivent au logement concerné et constatent la présence d'un homme vraisemblablement en ligne avec le 911. Les policiers lui demandent de sortir du logement. Ils entendent des cris et constatent ensuite la présence de la femme dans le salon tenant dans ses mains un couteau pointé vers son abdomen. Dirigeant leurs armes de service vers la femme, les policiers lui demandent à plusieurs reprises de déposer son couteau. Celle-ci ne collabore pas et crie des propos parfois incompréhensibles ou en répétant « non ». La femme semble imprévisible.
Peu après, un autre duo de policiers entrent également à l'intérieur du logement et se positionnent afin de bloquer une possible fuite.
Malgré les sommations des policiers, et l'avertissement de l'un d'eux indiquant que l'aérosol capsique serait utilisé, la femme fait un pas vers eux. Alors qu'elle se trouve désormais à une distance d'environ 9 pieds, le policier envoie un jet de poivre de Cayenne en direction de la femme en vain. L'aérosol semble défectueux. Un second jet est tenté également sans succès.
Suivant le deuxième jet, la femme se retourne en cachant partiellement la vue aux policiers et lève le couteau qu'elle enfonce dans son abdomen. La femme laisse ensuite tomber le couteau à ses pieds et demeure immobile dans le salon.
Profitant de la position statique de la femme, l'un des policiers pousse celle-ci d'une pression exercée dans le dos et elle se retrouve couchée sur le canapé du salon. Le policier éloigne le couteau au sol d'un coup de pied. La femme est ensuite placée au sol pour être maîtrisée et menottée pour des raisons de sécurité. En raison des émanations du poivre de Cayenne, la femme est rapidement déplacée à l'extérieur et couchée au sol pour recevoir les premiers soins.
À 17 h 12, les ambulanciers arrivent sur les lieux et avec l'assistance des policiers présents, prodiguent les premiers soins. La femme est ensuite transportée vers un centre hospitalier pour y recevoir les soins requis par ses blessures.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. La preuve révèle que les policiers sont intervenus auprès d'une femme à la suite d'un appel 911 fait par un proche manifestant des inquiétudes au sujet de la sécurité de la femme. Le but de l'intervention était de s'assurer de la sécurité de celle-ci et de lui offrir de l'aide, le cas échéant.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La femme qui s'était déjà infligé des blessures, refuse de déposer le couteau et s'avance vers les policiers. C'est à ce moment que l'un des policiers utilise l'aérosol capsique à deux occasions sans succès. Ce policier avait des motifs raisonnables de croire que l'utilisation de cette arme intermédiaire constituait une force nécessaire et raisonnable dans les circonstances pour leur protection. La même conclusion s'applique à l'égard du policier qui a donné une poussée à la femme après qu'elle se soit poignardée, et ce, afin de la maîtriser pour ensuite être en mesure de lui porter secours.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle les policiers du SPL impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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