Enquête indépendante sur l'événement survenu à Manawan le 9 juillet 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 10 avril 2025 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police Manawan.
L'analyse portait sur l'événement survenu à Manawan lors duquel le décès d'un homme a été constaté le 9 juillet 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 9 juillet 2022 en avant-midi, un appel est fait à la ligne d'urgence du Service de police de Manawan afin de signaler qu'un homme a pris le volant d'un véhicule automobile alors que ses capacités pourraient être affaiblies par l'effet de l'alcool. La femme qui a contacté les policiers mentionne que le conducteur aurait quitté sa résidence 30 minutes auparavant et explique qu'elle vient d'être informée de la situation. Elle fournit également au policier ayant répondu à son appel des informations obtenues par l'entremise des réseaux sociaux au sujet des lieux où le véhicule et son conducteur auraient été aperçus par d'autres membres de la communauté.
Au cours des minutes qui suivent, soit vers 10 h 47, un second appel est fait à la ligne d'urgence du Service de police de Manawan. Lors de cet appel, un interlocuteur non identifié signale à un autre policier qu'un grave accident est survenu sur le chemin Manawan. Deux policiers quittent immédiatement le poste de police afin de se rendre sur les lieux de l'accident qui se situent à quelques kilomètres de la communauté.
À leur arrivée sur place vers 10 h 50, les deux policiers constatent qu'une camionnette est renversée dans le fossé et que plusieurs occupants du véhicule ont été éjectés. Un jeune homme se trouve sous la cabine du véhicule renversé, sa tête et son torse étant écrasés par le toit de l'habitacle. Les policiers constatent rapidement que ce dernier n'a plus de pouls. Ils prêtent donc assistance aux autres blessés en attendant l'arrivée des premiers répondants et des pompiers de la communauté. Deux autres policiers du Service de police de Manawan arrivent subséquemment sur les lieux et assistent leurs collègues en sécurisant la scène de l'accident.
Entre-temps, l'intervention des pompiers permet de dégager le corps du jeune homme retrouvé sous le véhicule accidenté. Ce dernier est transporté dans un centre de santé où son décès est constaté. Suivant les conclusions du pathologiste ayant examiné le corps de la victime, son décès découle d'un traumatisme craniocérébral causé par l'accident.
Il est important de préciser que le véhicule accidenté et son conducteur sont ceux qui avaient fait l'objet d'un signalement lors du premier appel fait à la ligne d'urgence du Service de police de Manawan.
Le BEI n'a pas été immédiatement informé de ces événements. L'enquête ayant mené au dépôt du rapport étudié par le DPCP a en effet été déclenchée le 4 décembre 2023, soit à la suite d'un signalement effectué le 27 novembre 2023.
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle causant la mort.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », en l'occurrence, un policier placé dans la même situation, distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. La négligence, pour être de nature criminelle, doit conduire à la mort ou à des lésions corporelles. De plus, toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête ne permet pas de déterminer avec précision l'heure à laquelle les policiers ont reçu l'appel signalant que le conducteur de la camionnette avait pris le volant alors que ses capacités semblaient affaiblies par l'effet de l'alcool. En raison de l'indisponibilité d'un registre des appels ou de rapports policiers faisant mention de cet appel, il est en effet impossible de s'appuyer sur un élément de preuve documentaire pour établir avec certitude l'heure à laquelle cet appel a été fait.
Les témoignages recueillis par le BEI confirment toutefois que ce signalement a été reçu au cours des minutes qui ont précédé l'appel concernant l'accident survenu sur le chemin Manawan. Cette version des faits n'est pas contredite par la preuve matérielle et documentaire, laquelle tend à confirmer que les deux appels faits à la ligne d'urgence du Service de police de Manawan se sont rapidement succédé. Dans son ensemble, la preuve disponible ne permet donc pas de conclure que les policiers en devoir le 9 juillet 2022 auraient pu intervenir en temps opportun.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Manawan impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales

Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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