Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 12 mars 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 16 août 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Montréal le 12 mars 2022.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si, à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Événement
Le 12 mars 2022, vers 4 h 23, un appel est fait au 911 par une femme qui informe la police qu'un homme s'est enfermé à l'intérieur d'une chambre de motel à Montréal et qu'il a des idées suicidaires.
Cette femme a passé la nuit du 11 au 12 mars 2022 en compagnie de l'homme, après que ce dernier l'ait informée de sa souffrance psychologique par message texte.
Vers 4 h 25, un duo de policiers arrive à l'endroit où se trouve l'homme et voit celui-ci par le biais de la fenêtre de la chambre de motel. L'un des deux policiers frappe de façon puissante et répétée sur la porte verrouillée de la chambre, mais l'homme ne répond pas aux appels.
Lorsque l'homme sort de la salle de bains, du sang est visible sur son corps et il semble tenir quelque chose dans sa main. Malgré de nombreuses demandes à cet effet, l'homme refuse d'ouvrir la porte. Il titube et semble intoxiqué.
Le duo de policiers requiert du renfort. L'homme effectue de nombreux va-et-vient entre le lit et la salle de bains de la chambre et répète sa volonté de mettre fin à ses jours. Il tombe finalement au sol, apparemment inconscient.
Le policier ayant initialement frappé à la porte donne trois coups de pied sur celle-ci afin de faire céder la serrure. Une fois à l'intérieur de la pièce, il constate une quantité importante de sang sur le corps de l'homme et sur le sol.
L'homme se relève. Il est en possession de ce qui s'avère être un bout de miroir cassé dans la paume de sa main. Il ne coopère pas aux ordres de lâcher cet objet et adopte une position menaçante avec celui-ci. Le policier entame un retrait stratégique vers l'extérieur, mais au même moment, l'homme fait un pas en brandissant le bout de miroir cassé dans sa direction tout en criant au policier de « lui tirer une balle dans la tête ».
Le policier referme rapidement la porte, ne laissant qu'une ouverture d'un pouce. L'homme tente d'ouvrir la porte avec force à deux reprises. Le policier peine à retenir la porte. Il somme l'homme d'obéir à ses ordres, mais en vain. Le policier utilise son aérosol capsique (vaporisateur de poivre de Cayenne) par l'entrebâillement de la porte.
L'homme, incommodé, se tient la tête et s'écarte vers le lit de la chambre en se mettant à genoux, mais il refuse toujours de coopérer.
Vers 4 h 33, un second duo de policiers, dont fait partie un policier utilisateur d'arme à impulsion électrique (AIE), arrive sur les lieux. Ce policier effectue une démonstration de l'arc électrique de l'AIE à distance, afin de convaincre l'homme d'obtempérer. Après un moment, l'homme, qui commence à s'affaiblir en raison de ses blessures, finit par collaborer dans l'attente des ambulanciers. À leur arrivée, l'homme est menotté par un policier à l'aide de deux paires de menottes pour faciliter les manipulations requises en raison de ses profondes plaies.
L'homme est ensuite transporté d'urgence à un centre hospitalier où il reçoit les soins requis.
Analyse du DPCP
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. La demande d'assistance policière visait à assurer la sécurité et la vie des personnes présentes sur les lieux.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La preuve révèle que le policier impliqué a ordonné à maintes reprises à l'homme de se conformer aux demandes formulées à son égard et de lâcher le bout de miroir cassé qu'il tenait dans ses mains, mais ce policier s'est heurté à un refus persistant. C'est seulement lorsqu'il a utilisé son aérosol capsique sur l'homme, qui se dirigeait dans sa direction avec une posture menaçante, que ce dernier s'est rétracté. L'échec des demandes verbales du policier et le déplacement imprévisible de l'homme en crise vers le policier justifient l'utilisation de cette arme intermédiaire. L'usage de la force employée par le policier était raisonnable dans les circonstances.
Par ailleurs, la preuve révèle que bien que l'homme se soit calmé après avoir été incommodé par l'aérosol, il a continué de refuser de se plier aux demandes dirigées à son attention. C'est lors de l'intervention ultérieure du policier utilisateur d'AIE que l'homme a consenti à coopérer. En faisant la démonstration à distance de son AIE auprès de l'homme, la preuve révèle que ce policier a agi avec proportionnalité dans son approche.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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