Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 24 avril 2020 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 6 avril 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Montréal le 24 avril 2020 entourant la perte de conscience d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Une procureure qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.
L'événement débute vers 2 h 45 le 24 avril 2020, à la hauteur du kilomètre 105 sur l'autoroute 40 près de Repentigny pour se terminer sur l'autoroute 25 à proximité de l'entrée du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine à Montréal.
Deux agents en opération radar dans le demi-tour central sur l'autoroute 40 à la hauteur de Repentigny remarquent un véhicule circulant à 140 km/h avec les phares éteints. Les agents partent à la poursuite de ce véhicule en allumant les gyrophares et ordonnent au conducteur de se ranger à la droite de la route. Le conducteur du véhicule ne ralentit pas et poursuit sa route.
La poursuite s'étendra sur plus de 30 kilomètres. Tout au long de la poursuite, le véhicule circule à des vitesses oscillant entre 50 et 170 km/h. Le conducteur freine brusquement et repart rapidement en donnant des coups de volant. Il a une conduite erratique et risque d'entrer en collision avec d'autres véhicules sur la route. À plusieurs reprises, il entre en collision avec les murets de béton qui longent la route. Il fait des changements de voies brusques et sa vitesse change régulièrement.
Le conducteur s'engage sur la bretelle de l'autoroute 25 sud en direction du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine et percute à deux reprises le muret de béton.
Les deux agents doivent demander de l'aide de leurs collègues afin de mettre fin à cette poursuite. Deux autres autopatrouilles rejoindront les deux agents sur l'autoroute 25.
L'une des autopatrouilles s'approche à la gauche du véhicule qui fuit et une agente voit la tête du conducteur basculer vers le bas à plusieurs reprises.
Une autre autopatrouille s'approche également et se place dans la voie de droite alors que le premier véhicule de patrouille qui a les sirènes et les gyrophares allumés demeure derrière le véhicule fuyard.
L'autopatrouille qui est dans la voie de droite se place devant le véhicule problématique pour tenter de contenir le véhicule dans une boîte. La manœuvre visant à arrêter l'automobile en question est sans succès.
Elle se replace alors dans la voie de droite, puis le véhicule fuyard accélère subitement et percute l'arrière de cette autopatrouille avant de s'immobiliser.
Tous les agents immobilisent leurs véhicules, en sortent et s'approchent du véhicule fuyard. À ce moment, un agent ordonne au conducteur de sortir. Celui-ci n'obtempère pas.
Un agent se dirige vers la fenêtre du côté conducteur qui est abaissée d'environ deux pouces. La portière est verrouillée. Il utilise alors un bâton télescopique et tente de fracasser la vitre de la portière arrière côté conducteur. Un autre essaie également, mais sans succès.
Le premier agent se rend du côté passager et réussit finalement à craquer la vitre de ce côté. Le deuxième donne un coup de poing dans la vitre craquée qui finit par éclater.
Il ouvre la portière du côté passager, demande à l'homme de sortir. Ce dernier refuse. Il agrippe alors l'homme par son manteau et son pantalon et le sort du côté passager.
Le conducteur est placé au sol. Le premier agent lui tient la tête et met son genou entre ses omoplates. Un autre prend le bras gauche de l'homme pour le placer sur son dos et lui demande de sortir son bras droit de sous son ventre. L'homme n'obtempère toujours pas. Un troisième agent maintient ses jambes au niveau des cuisses.
Le conducteur crie, bouge beaucoup, se raidit et refuse de coopérer. Il semble déconnecté de la réalité et dans un état comateux. Un agent réussit finalement à le menotter.
Le conducteur est mis en état d'arrestation et un agent l'informe de ses droits. L'homme est placé dans une autopatrouille dans lequel il grogne et crie constamment.
Il est transporté en ambulance à un centre hospitalier et tombe semi-conscient pendant le trajet et reste dans cet état jusqu'à son arrivée à l'hôpital. Le conducteur qui, au final, n'a subi aucune blessure autre que sa perte de conscience pendant qu'il était en présence des policiers, obtiendra son congé le 25 avril.
Un rapport d'expertise toxicologique conclut que le sang et l'urine du conducteur contenaient plusieurs drogues différentes.
La preuve révèle que le comportement du conducteur sur la route était sans contredit dangereux tant pour lui-même que pour les autres usagers. Les agents impliqués dans cet événement devaient mettre fin à ce comportement.
Les manœuvres des agents au volant des autopatrouilles ont été effectuées avec l'intention d'arrêter la course du fuyard. Pour ce faire, ils ont en tout temps adapté leur vitesse et leur conduite afin de réduire les risques pour la sécurité du public, incluant celle du fuyard. Malgré qu'une manœuvre, la tentative de mise en boîte, fût de nature à causer certains dommages matériels aux véhicules impliqués, cette décision s'avérait manifestement appropriée dans les circonstances.
Tout au long de l'intervention, l'homme n'a pas collaboré avec les agents. La poursuite policière s'est déroulée sur plus de trente kilomètres et a duré une quinzaine de minutes. À la fin de la poursuite, le conducteur n'obtempère toujours pas et refuse de collaborer avec les agents.
Ceux-ci n'ont eu d'autres choix que de briser les vitres du véhicule pour arrêter le conducteur considérant que les portières étaient barrées et qu'il refusait de les ouvrir. Il est à noter qu'avant de sortir le conducteur du côté passager en l'agrippant par son manteau et son pantalon, l'agent a demandé au conducteur de sortir du véhicule et celui-ci a refusé encore une fois d'obtempérer.
Finalement, bien qu'un témoin de l'événement décrive la scène de l'arrestation en dénonçant des coups de poing assénés au sujet alors qu'il était encore dans son véhicule, ce témoignage est écarté à la lumière de ses incongruités et de ses contradictions avec la preuve matérielle. La preuve dans son ensemble ne permet pas de conclure qu'un agent a frappé le sujet à quelque moment au cours de l'intervention. Rien dans le comportement des agents ne constitue par ailleurs un emploi excessif de la force.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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