Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 3 février 2023 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 26 oct. 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'analyse portait sur l'événement entourant les blessures subies par un homme à Montréal le 3 février 2023.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé les proches de la personne blessée des motifs de la décision puisque cette dernière est décédée quelques semaines après l'événement de causes indépendantes.
Le 3 février 2023, le 911 de Montréal reçoit deux appels de citoyens d'un immeuble à logements se plaignant du bruit causé par un locataire. Un duo de policiers du SPVM se présente vers 21 h 30 au troisième étage de l'immeuble. Le colocataire de l'homme visé par les plaintes ouvre la porte et laisse entrer les policiers. Ceux-ci trouvent l'homme étendu au sol dans la cuisine.
L'homme est lourdement intoxiqué, mais calme et conscient. Les policiers l'aident à se relever et à s'asseoir sur une chaise. Ils lui expliquent la raison de leur présence. L'homme s'agite, hausse le ton, insulte les policiers et crie des obscénités. Il leur dit qu'il va continuer à boire, faire du bruit et mettre de la musique. Les policiers choisissent de le menotter pour des raisons de sécurité.
Alors qu'un agent s'entretient avec le colocataire, l'autre est à environ un mètre de l'homme et discute avec lui. L'homme est agité - il serre les poings, force contre les menottes, bouge les pieds et fait des mouvements pour se lever à quelques reprises. Il cesse soudainement de parler, se lève brusquement et fait un mouvement en direction de l'agent. Ce dernier répond immédiatement en effectuant un point de pression au niveau thoracique pour forcer l'homme à se rasseoir. La technique fonctionne, mais la chaise où il se pose bascule vers l'arrière. L'homme tombe à la renverse et se cogne la tête.
Les policiers et le colocataire vérifient l'état de santé de l'homme et ne constatent aucune blessure apparente. Les policiers l'aident à se relever puis un agent l'amène au véhicule de patrouille pour poursuivre l'intervention. Le deuxième agent les rejoint alors qu'ils sortent de l'immeuble.
Une fois dans le véhicule de patrouille, l'homme se calme. Il accepte d'aller se coucher et de ne plus causer de bruit. Après des vérifications, les policiers l'informent qu'il recevra un constat d'infraction par la poste pour le bruit ayant mené à la plainte. Les policiers demandent à l'homme s'il souhaite les services ambulanciers étant donné sa chute dans l'appartement. Il refuse.
L'homme est ensuite accompagné à la porte de l'immeuble pour être libéré. On lui retire les menottes et lui offre de l'accompagner jusqu'à son appartement. Il refuse. Les policiers retournent à leur véhicule de patrouille. Alors que celui-ci se met en mouvement, un agent attire l'attention de l'autre vers les portes en vitre de l'immeuble. Ils voient alors l'homme qui, au lieu de monter les escaliers, perd l'équilibre et chute dans les marches qui le séparent du sous-sol.
Ils se dépêchent alors pour aller le rejoindre. Ils le retrouvent conscient, au pied des escaliers. Ils lui demandent s'il souhaite des ambulanciers. Il refuse. Remarquant quelques gouttes de sang au sol, ils demandent malgré tout l'assistance d'Urgence Santé et placent l'homme en position latérale de sécurité. Il est alors 22 h 04. Pompiers puis ambulanciers arrivent peu après pour prendre l'homme en charge.
L'homme est amené à un hôpital où il est soigné pour plusieurs blessures en apparence antérieures à l'intervention, mais aussi pour celles survenues lors de celle-ci. On lui diagnostique une fracture du poignet droit, un poumon perforé et un saignement intracrânien. Lors de son réveil, l'homme ne se souvient pas de l'intervention policière ou de la soirée, sinon un vague souvenir d'être tombé dans l'escalier.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. En l'espèce, les policiers intervenaient auprès de l'homme dans le cadre de leurs fonctions et se trouvaient légalement sur place lors de la chute dans l'appartement.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La technique de contrôle physique employée par l'agent était raisonnable en réponse aux agissements de l'homme qui pouvaient poser un risque pour la sécurité physique de l'agent. Qui plus est, les policiers n'ont pas été négligents, se sont assurés que l'homme n'avait pas de blessure et lui ont même offert l'assistance d'ambulanciers.
De façon similaire, la libération de l'homme ne constituait pas une négligence criminelle dans les circonstances. L'homme avait refusé l'assistance d'ambulanciers et refusé que les agents l'accompagnent jusqu'à son appartement. L'intervention était terminée et l'homme était seul au moment de sa chute. Les policiers sont ensuite intervenus rapidement pour lui porter secours.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant de toute considération de nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du processus judiciaire tout en assurant la protection de la société, dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt public, de même que dans le respect de la règle de droit et des intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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