Enquête indépendante sur l'événement survenu à Montréal le 4 novembre 2018 : motifs pour lesquels aucune accusation n'a été portée
QUÉBEC, le 10 mai 2023 /CNW/ - Les procédures judiciaires étant terminées, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) expose les motifs l'ayant mené à ne pas déposer d'accusation dans ce dossier.
Rappelons qu'il concluait, dans son communiqué intérimaire du 4 novembre 2020, que l'analyse de la preuve ne révélait pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Cette décision faisait suite à l'examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant les blessures subies par un homme à Montréal le 4 novembre 2018.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI avait été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière avait procédé à un examen complet de la preuve, ainsi que celle présentée devant le tribunal, afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révélait la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé la personne blessée de la décision.
Le 4 novembre 2018, vers 3 h 20, un policier à bord de son véhicule de patrouille est interpellé au coin des rues Sherbrooke et Berri par un chauffeur de taxi. Celui-ci explique au policier que son véhicule vient tout juste d'être percuté par un autre véhicule qui a pris la fuite sur la rue Sherbrooke en direction est.
Le policer localise rapidement un véhicule correspondant à la description fournie circulant de façon erratique avec les lumières éteintes. Il suit le véhicule sans actionner les gyrophares ni la sirène. À l'intersection de la rue Sherbrooke et l'avenue De Lorimier, le véhicule fuyard ralentit avant de traverser l'intersection alors que le feu de circulation est rouge.
Plus loin, à environ 150 mètres de l'intersection des rues Sherbrooke et D'Iberville, le policier actionne alors les gyrophares et la sirène en vue d'intercepter le véhicule. Celui-ci ne s'immobilise pas et ralentit avant de traverser cette intersection alors que le feu de circulation est rouge. Le policier suit le véhicule sur une distance d'environ 200 mètres, à environ 100 mètres derrière celui-ci; leur vitesse est d'environ 60 km/h. Le policier ralentit également et s'assure qu'il peut franchir de manière sécuritaire cette intersection.
À l'intersection des rues Sherbrooke et Frontenac, le véhicule fuyard traverse l'intersection sans ralentir alors que le feu de circulation est rouge. À ce moment, le véhicule entre en collision avec un taxi circulant en direction nord sur la rue Frontenac. Immobilisé quelques secondes après la collision, le véhicule poursuit son chemin sur la rue Sherbrooke Est. Le policier éteint alors les gyrophares et sirène et suit le véhicule circulant à environ 300 mètres devant lui jusqu'à la rue Hogan. Cette collision n'entraîne pas de blessures aux occupants du véhicule taxi. Parvenu à cette rue, le policier fait part de la situation sur les ondes et effectue un demi-tour afin de retourner sur les lieux de l'accident sur la rue Frontenac.
Vers 3 h 30, le véhicule fuyard percute ensuite une autre voiture taxi stationnée sur la rue Molson ayant un occupant à bord, alors qu'il arrive en provenance de la rue Rachel Est. Le chauffeur de cette voiture a subi des blessures légères. Quelques instants plus tard, il poursuit sa route sur la rue Molson en direction nord. Deux autres policiers en véhicule de patrouille repèrent le véhicule lourdement accidenté après avoir percuté un arbre à l'intersection des rues Joliette et William-Tremblay. Le conducteur du véhicule fuyard est blessé et transporté par ambulance à un hôpital.
L'infraction de conduite dangereuse, décrite à l'article 320.13 du Code criminel (article 249 au moment des événements), se définit comme le fait de conduire un véhicule à moteur d'une façon dangereuse pour le public, en tenant compte des circonstances, incluant l'utilisation qui en est faite, la nature et l'état du lieu ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu. Le test applicable en matière de conduite dangereuse a été établi par la Cour suprême et prévoit que la preuve doit démontrer que la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public. À cet égard, c'est le risque de dommage ou de préjudice créé par la conduite qui doit être évalué, indépendamment des conséquences d'un accident survenu à l'occasion de la conduite du véhicule.
La preuve doit également établir que la conduite objectivement dangereuse adoptée par le conducteur constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait un conducteur raisonnable dans les mêmes circonstances, en l'occurrence, un policier. Le critère de l'écart marqué souligne le haut degré de négligence nécessaire pour engager la responsabilité criminelle. Ainsi, une imprudence, une simple négligence ou une erreur de jugement sont insuffisantes pour engager la responsabilité criminelle d'un individu.
Par ailleurs, le Code de la sécurité routière (CSR) contient certaines dispositions relatives à la conduite d'un véhicule d'urgence. L'article 378 précise que le conducteur d'un véhicule d'urgence ne doit actionner les feux clignotants ou pivotants ou les avertisseurs sonores ou un dispositif de changement des signaux lumineux de circulation visés à l'article 255 dont est muni son véhicule, que dans l'exercice de ses fonctions et si les circonstances l'exigent. Il n'est alors pas tenu de respecter certaines dispositions du CSR.
Dans cette affaire, la preuve révèle que le policier a conduit prudemment et que sa conduite n'est pas en cause dans les collisions impliquant le véhicule fuyard.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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