Enquête indépendante sur l'événement survenu à Sainte-Adèle le 30 septembre 2021 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 1er févr. 2023 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Sainte-Adèle le 30 septembre 2021 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 30 septembre 2021, à 21 h 47, un appel est fait au 911 à la suite du déclenchement d'une alarme dans une résidence secondaire située à Sainte-Adèle. Le propriétaire n'est pas sur les lieux et souhaite que les policiers se déplacent pour vérifier que personne ne s'y trouve.
À 21 h 50, deux agents de la SQ se dirigent vers la résidence. Ils arrivent sur place environ dix minutes plus tard.
La policière se présente à la porte principale. Elle constate que celle-ci n'est pas complètement fermée, mais qu'un meuble en bloque l'ouverture. Elle pousse fortement la porte et réussit finalement à l'entrouvrir. Elle aperçoit alors un homme passer devant elle et se déplacer vers une pièce au fond de la résidence. Pendant ce temps, le partenaire de la policière se dirige vers l'arrière de la maison via l'extérieur pour empêcher l'homme de fuir.
La policière parvient à pénétrer dans la résidence, tout en criant « police » et en ordonnant à l'homme de montrer ses mains. Elle se dirige alors vers la pièce dans laquelle l'homme s'est réfugié. En y entrant, elle l'aperçoit dans la garde-robe située à sa droite. Il tente d'ouvrir une fenêtre qui s'y trouve, sans succès. Elle se positionne face à lui, à une distance d'environ trois mètres. Elle le pointe avec son arme à feu tout en lui ordonnant de montrer ses mains. L'homme n'obtempère pas.
Pendant ce temps, les observations faites par l'autre policier convainquent ce dernier qu'il n'y a aucune possibilité pour l'homme de s'enfuir vers l'arrière. Il décide donc de revenir prêter main-forte à la policière en passant par la porte principale de la résidence.
Le policier pénètre à son tour dans la pièce du fond. Il prend place à l'endroit où sa partenaire se trouve, alors que cette dernière se déplace vers la droite. À ce moment, le policier est face à l'homme, toujours dans la garde-robe, à une distance d'environ trois mètres de lui. L'homme se met à fouiller dans un sac à dos qu'il tient dans ses bras. Le policier lui ordonne de montrer ses mains, mais l'homme n'obtempère pas. Craignant qu'il saisisse une arme cachée dans son sac, le policier active son arme à impulsion électrique et tente deux projections afin de le maîtriser. Celles-ci sont inefficaces puisque l'homme porte un manteau épais. L'homme ne réagit pas et continue de fouiller dans son sac. Des renforts sont appelés sur les lieux.
C'est alors que l'homme sort un pistolet de son sac. Il le pointe vers le policier lui faisant face. N'ayant aucune barricade, le policier fait feu à deux reprises sur l'homme. Les policiers indiquent sur les ondes avoir fait feu et demandent qu'une ambulance soit dépêchée rapidement sur les lieux. Il est alors 22 h 02.
Les agents extirpent l'homme de la garde-robe, vont chercher le défibrillateur dans le véhicule de patrouille et sécurisent les lieux afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'autres suspects sur place. Les ambulanciers arrivent sur place vers 22 h 10 et débutent les manœuvres. Vers 22 h 35, l'homme est transporté à un centre hospitalier où son décès est constaté à 23 h 36.
Le rapport d'autopsie révèle que le décès de l'homme est attribuable à un traumatisme thoracique par arme à feu.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers de prévenir et de réprimer le crime. En l'occurrence, les policiers avaient des motifs raisonnables de croire que l'homme s'était introduit par effraction dans la résidence et souhaitaient ainsi procéder à son arrestation.
L'ensemble de la preuve révèle qu'avant l'emploi de la force, les agents ont demandé à plusieurs reprises à l'homme de montrer ses mains, mais ce dernier n'a jamais obtempéré. Il se montrait indifférent à la présence des agents et aux ordres qu'ils donnaient.
Considérant ce qui précède et le fait que les mains de l'homme étaient dissimulées dans le sac qu'il tenait, le policier a jugé qu'il représentait un danger pour lui et sa partenaire. Il a donc tenté de le neutraliser en utilisant son arme à impulsion électrique à deux reprises, mais sans succès. L'homme ne réagissait pas. Il a continué de tourner le dos aux agents tout en continuant de fouiller dans son sac. Il s'est soudainement retourné pour faire face au policier et a pointé une arme vers lui, qui s'est avérée être un pistolet à air comprimé, lequel avait l'apparence d'une arme à feu. Estimant que sa vie et celle de sa partenaire étaient directement menacées, le policier a tiré deux coups de feu rapides en direction de l'homme, l'atteignant mortellement.
La crainte du policier était raisonnable au regard de l'ensemble des circonstances puisqu'il n'avait aucune possibilité de trouver barricade ni aucune opportunité de repli stratégique, alors que l'homme se trouvait à environ trois mètres de lui. Par conséquent, le policier avait les motifs raisonnables de croire que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection ou celle de sa partenaire contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les policiers était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
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