Enquête indépendante sur l'événement survenu à Sept-Îles le 24 juillet 2021 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 31 mars 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Sept-Îles le 24 juillet 2021 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé un proche de la personne décédée des motifs de la décision.
Le 24 juillet 2021 vers 0 h 50, une infirmière d'un centre hospitalier demande l'assistance des policiers de la SQ pour le déplacement d'un patient en crise dans une autre salle et le cas échéant, une mise sous contentions.
Vers 1 h 15, deux policiers et une policière arrivent sur les lieux. Ils rencontrent l'infirmière en charge du patient qui les informe de l'état de celui-ci et de la nature de l'assistance requise. D'abord, il est convenu de tenter d'obtenir la collaboration de l'homme. Plusieurs membres du personnel hospitalier sont également présents devant la porte verrouillée de la salle, comportant une fenêtre, où se trouve le patient. Avant l'ouverture de la porte, un policier tente pacifiquement d'établir un contact verbal avec lui mais l'homme refuse de collaborer pour son transfert dans une autre salle. Il démontre son absence de collaboration par des gestes et des paroles d'agressivité. Il tient dans ses mains une pièce de métal, un bracelet médical qu'il a déconstruit ainsi qu'une branche de ses lunettes.
La porte est déverrouillée par un intervenant mais l'homme appuie sur la porte de l'intérieur, empêchant ainsi les policiers et les intervenants d'entrer dans la salle. Il recule subitement et, dès que les policiers passent le cadre de la porte en poussant celle-ci, l'homme fonce sur les deux policiers qui réussissent à esquiver les coups. L'un d'eux tente d'utiliser le poivre de Cayenne en direction de l'homme sans succès. L'homme se débat et frappe. Il tombe sur un infirmier qu'il coince avec force contre le mur. Les intervenants tentent également de le maîtriser mais il continue à vouloir frapper et crache au visage de l'un des policiers. Les policiers saisissent ses mains pour le contrôler et réussissent finalement à l'amener au sol. L'homme déploie une force surhumaine. Toutefois, les policiers, avec le concours du personnel de l'hôpital, réussissent à l'immobiliser au sol et des contentions sont placées aux pieds. L'homme se débat toujours et une infirmière lui injecte dans une cuisse un médicament utilisé pour calmer les patients violents et incontrôlables.
L'homme est ensuite menotté avec difficulté les mains au dos et continue à se débattre. Il est alors couché au sol sur le ventre et l'un des policiers lui tient la tête à deux mains pour ne pas qu'il la frappe au sol. Soudainement, l'homme mord avec force l'index gauche du policier qui tient sa tête. Puisqu'il refuse de cesser de mordre le doigt malgré plusieurs ordres en ce sens, les deux policiers donnent des coups de poing au visage de l'homme afin qu'il lâche le doigt du policier. Ultimement, une partie du doigt a été complètement sectionnée par la morsure.
L'homme se calme ensuite rapidement et tombe en arrêt cardiorespiratoire. Un médecin se rend sur les lieux et constate que l'homme n'a plus de signes vitaux. Des manœuvres de réanimation sont entreprises sans succès et le décès sera constaté peu de temps après.
Le pathologiste conclut que le décès est probablement attribuable à une maladie coronarienne athérosclérotique sévère chez un homme en état de crise psychotique.
L'intervention était légale. L'article 48 de la Loi sur la police prévoit que les policiers ont pour mission de maintenir la paix, l'ordre et la sécurité publique, de prévenir et de réprimer le crime. La demande d'assistance policière faite par le centre hospitalier visait à assurer la sécurité du patient ainsi que celle du personnel.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25(1) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
La preuve révèle que les policiers ont fait usage de la force nécessaire afin de maîtriser et de menotter l'homme au sol. Les coups de poing au visage, appelés frappes de diversion, étaient justifiés dans les circonstances de l'attaque violente au doigt de l'un des policiers. C'est ensuite que l'homme est tombé en arrêt cardiorespiratoire. Selon le rapport d'autopsie, l'emploi de la force envers l'homme, incluant celle des intervenants, n'est aucunement mise en cause dans le décès.
Les membres du personnel de l'hôpital rencontrés par le BEI qui ont également participé à la maîtrise de l'homme sont tous unanimes sur le fait que celui-ci démontrait une force herculéenne, que les policiers ne l'ont pas brutalisé et que leur travail a été fait selon les règles de l'art.
La preuve permet donc de conclure que les policiers impliqués bénéficient de la protection de l'article 25(1) C.cr., car ils étaient autorisés à porter assistance au personnel infirmier dans le cadre de leur devoir général d'assurer la sécurité des personnes, donc dans l'application de la loi, ils ont agi sur la foi de motifs raisonnables et ils n'ont pas utilisé de force excessive.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, quebec.ca/gouv/dpcp
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