Enquête indépendante sur l'événement survenu à Shawinigan le 1er mars 2022 : le DPCP ne portera pas d'accusation
QUÉBEC, le 4 mai 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Shawinigan le 1er mars 2022 entourant le décès d'un homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
À 16 h 49, des policiers de la SQ se présentent au domicile d'un homme ayant tenu des propos suicidaires. L'homme laisse entrer les policiers, puis ceux-ci contactent le 811 afin que le risque suicidaire soit évalué. Une intervenante détermine que la sécurité de l'homme n'est pas compromise et qu'un transport à l'hôpital n'est pas opportun. Les policiers quittent les lieux.
Vers 17 h 25, un employé d'un commerce situé à proximité du domicile de l'homme appelle le 911 afin de signaler la présence d'une personne hostile armée d'un couteau. Cette personne s'avère être l'homme auprès duquel les policiers sont préalablement intervenus.
Quelques secondes plus tard, un policier de la SQ arrive au commerce. Un employé lui indique où se trouve l'homme armé du couteau. Le policier dégaine son arme de service, puis la pointe en direction de l'homme. Le policier fait ensuite quelques pas vers l'homme afin de créer un couloir permettant à des employés réfugiés derrière un comptoir de quitter les lieux de manière sécuritaire. Parallèlement, le policier s'identifie et ordonne à l'homme à plusieurs reprises de lâcher son couteau. La distance qui sépare le policier et l'homme est d'environ dix mètres. L'homme est agressif et ne collabore pas. Le policier déclare sur les ondes radio que l'homme refuse de se départir du couteau. Quelques secondes plus tard, tout en pointant la lame du couteau vers l'avant, l'homme se précipite en direction du policier. Ce dernier recule de quelques pas et fait feu à quatre reprises en direction de l'homme. L'homme s'effondre à environ deux mètres du policier. Les quatre projectiles l'ont atteint.
Le policier annonce sur les ondes radio qu'il a fait feu sur l'homme et que ce dernier se trouve au sol, inconscient. Peu après, d'autres policiers arrivent sur les lieux. Ils menottent l'homme, le placent en position latérale de sécurité, puis lui prodiguent les premiers soins. Des ambulanciers arrivent à leur tour. Ceux-ci quittent le commerce avec l'homme à 17 h 49 et arrivent à l'hôpital le plus proche une dizaine de minutes plus tard. À 18 h 09, le décès de l'homme est constaté.
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention initiale auprès de l'homme était légale. Le policier devait intervenir afin de désarmer l'homme au comportement dangereux. Le policier agissait en vertu de son devoir de protéger la vie et la sécurité.
Le policier faisait face à un homme au comportement agressif et imprévisible qui courrait en sa direction alors qu'il était armé d'une arme blanche. En pareilles circonstances, le policier avait des motifs raisonnables de croire que l'emploi de son arme à feu était nécessaire afin d'assurer sa protection contre des lésions corporelles graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par le policier était justifié en vertu des articles 25(1) et 25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par le policier de la SQ impliqué dans cet événement.
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Source : Me Patricia Johnson, Porte-parole adjointe, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085, [email protected]
Partager cet article