Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante en lien avec l'événement survenu le 19 février 2021 à Laval, à la suite duquel le décès d'une femme a été constaté
QUÉBEC, le 21 févr. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement survenu le 19 février 2021 à Laval et à la suite duquel le décès d'une femme a été constaté le 21 février 2021, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de Laval (SPL).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales. Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
Le 19 février 2021 à 12 h 38, une femme appelle le 911. Elle explique avoir été informée par un tiers qu'un homme - dont elle révèle l'identité aux policiers1 - aurait proféré des menaces de mort à son égard. La femme refuse de fournir le nom du tiers qui lui a fait part de ces menaces.
À 14 h 25, deux agents du SPL arrivent sur les lieux et se stationnent à proximité du domicile de la femme. En raison de la pandémie de COVID-19, les policiers sont encouragés à limiter les contacts en personne. Par conséquent, ils ne rencontrent pas systématiquement les plaignants et doivent plutôt évaluer la situation au cas par cas, en prenant en considération plusieurs éléments, dont la sécurité de ceux-ci. En l'espèce, les policiers jugent qu'il y a absence de danger imminent puisqu'il n'y a aucune mention de la présence du suspect allégué sur place. Ils effectuent donc un contact téléphonique avec la femme, en demeurant dans leur véhicule à proximité de l'immeuble. Ils s'assurent qu'elle est en sécurité, puis l'invitent à raconter sa version des faits.
La femme indique avoir reçu des menaces par personne interposée, dont elle tait l'identité, sous prétexte que cette dernière ne souhaite pas s'impliquer et veut conserver l'anonymat. La femme répète les mêmes informations fournies à la répartitrice au sujet de l'identité de l'homme qui l'aurait menacée, mais elle ne fait toutefois aucunement mention de menaces de mort. Questionnée sur les paroles exactes prononcées par l'homme, la femme rapporte les propos suivants : « fais attention à toi, le Monsieur est toujours fâché » et « tu vas voir ce qui va t'arriver ». Les policiers constatent donc qu'il y a une nette différence entre les menaces rapportées lors de l'appel initial au 911 et ce que la femme leur mentionne à l'heure actuelle.
En aucun temps durant l'appel la femme mentionne craindre pour sa sécurité, vouloir être relocalisée ou encore souhaiter porter plainte officiellement contre l'homme. Les policiers notent également que rien ne semble anormal dans le ton de sa voix et dans sa façon de s'exprimer. Au contraire, elle leur semble très calme. En raison de tout ce qui précède, les policiers concluent que la femme est en sécurité et qu'aucune infraction criminelle n'a été commise.
Les policiers lui expliquent que les propos rapportés ne correspondent pas à des menaces au sens du Code criminel et qu'ils ne sont pas en mesure d'aller plus loin si elle refuse de leur fournir le nom de l'informateur. Dans le but de rassurer la femme, ils lui proposent tout de même de faire une intervention téléphonique auprès de l'homme. Celle-ci consent à cette démarche. Les policiers mettent ainsi fin à l'appel avec la femme, qui aura duré un total de neuf minutes.
À 14 h 50 le même jour, alors qu'ils se trouvent toujours à proximité de la résidence de la plaignante, les policiers contactent l'homme par téléphone. Ceux-ci l'informent de l'appel 911 fait par la femme et l'avisent de faire attention aux propos employés, tout en expliquant la notion de menaces au sens du Code criminel. Ils lui demandent également d'éviter toute discussion ou confrontation avec la femme. Selon les policiers, ce dernier semble dépassé par les événements. Il se montre réceptif, poli et respectueux à l'égard des policiers. Il nie les menaces et leur assure qu'il ne veut aucun mal à la femme. L'appel dure six minutes. Les policiers mettent ensuite fin à leur intervention.
Le 21 février 2021 vers 7 h, la femme est retrouvée sans vie dans le stationnement extérieur de son immeuble. Une arme à feu est trouvée à proximité de son corps. Le décès est constaté sur place par Urgences-santé.
Considérant qu'une personne est décédée deux jours après avoir informé les policiers que des menaces avaient été proférées à son endroit, une enquête indépendante a été déclenchée à 12 h 51.
Parallèlement à l'enquête du BEI, une enquête pour homicide a été ouverte par la Sûreté du Québec. L'enquête se poursuit et toutes les hypothèses sont étudiées.
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L'homme en question a été écarté de la liste des suspects dans cette affaire. |
Analyse du DPCP
La preuve au dossier d'enquête ne permet pas de conclure que les policiers impliqués ont fait preuve de négligence criminelle.
En matière de négligence criminelle, il est interdit à une personne d'accomplir un geste ou d'omettre de poser un geste que la loi exige qu'il pose, lorsque cela montre une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie ou de la sécurité d'autrui.
La simple négligence dans l'accomplissement d'un acte, ou le fait de ne pas remplir une obligation imposée par la loi, sont toutefois insuffisants pour conclure à la négligence criminelle. La conduite doit représenter « un écart marqué et important par rapport à la conduite d'une personne raisonnablement prudente », distinguant ainsi la faute civile de la faute criminelle.
Par ailleurs, la négligence criminelle ne constitue pas une infraction autonome. Toute forme de contribution à la mort ou aux lésions corporelles n'est pas criminelle. Pour être punissables, les gestes ou les omissions doivent avoir contribué de façon appréciable, c'est-à-dire plus que mineure aux lésions corporelles ou encore au décès d'une autre personne.
L'analyse de l'ensemble de la preuve au dossier d'enquête révèle qu'en aucun temps, la femme n'a indiqué aux policiers qu'elle craignait pour sa vie. Les policiers qui sont intervenus auprès d'elle ont noté qu'elle s'exprimait calmement et qu'elle ne semblait pas angoissée. Considérant la présence d'un informateur anonyme, le fait que la femme ne voulait pas porter plainte officiellement et que les propos rapportés par cette dernière au cours de la conversation téléphonique avec les policiers ne constituaient pas des menaces au sens du Code criminel, la carte d'appel a été fermée. Malgré tout, les policiers ont jugé opportun de faire une intervention téléphonique auprès de l'homme. Ils l'ont informé de l'appel 911, avisé de faire attention aux paroles prononcées et lui ont intimé de ne pas entrer en contact avec elle sous aucun prétexte.
Conséquemment, à la suite de son analyse, le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du SPL impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Audrey Roy-Cloutier, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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