Le DPCP annonce qu'il ne portera pas d'accusation dans le dossier de l'enquête indépendante instituée à la suite de l'événement du 27 juin 2017, survenu à Montréal, lors duquel un homme est décédé
QUÉBEC, le 1er mars 2019 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 27 juin 2017 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de trois procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.
Événement
La preuve révèle que le 27 juin 2017, deux policiers se rendent à un immeuble situé sur la rue Robillard à Montréal à 19 h 24. Quelques minutes plus tôt, deux appels au 911 avaient signalé la présence d'un homme en crise dans l'un des appartements de cet immeuble.
L'homme saccage des biens et serait possiblement en possession d'un bâton et d'une arme blanche. Les deux policiers discutent avec un résident qui confirme l'identité de l'homme ainsi que le numéro de son appartement.
Deux autres duos de policiers arrivent rapidement sur les lieux.
L'un des policiers coordonne l'intervention et donne les directives. Il est le premier à l'avant avec son arme à feu à la main. Son collègue l'accompagne avec une arme à impulsions électriques (Taser).
Un troisième policier muni d'une arme intermédiaire d'impact à projectiles 40 mm (AIIP) suit derrière. Un quatrième policier est également muni d'une arme à feu.
Deux autres policiers complètent la formation à l'arrière. Les six agents empruntent l'escalier pour se rendre au 3e étage.
Des cris se font entendre à cet étage, provenant d'une porte ouverte au bout du corridor. Les agents s'approchent tranquillement de la porte, mais demeurent dans le corridor. Dans l'appartement, un homme est assis sur un sofa. L'homme tient deux objets pointus, un couteau dans une main et un tournevis dans l'autre. Un des policiers crie : « Lâche ton couteau ».
L'homme n'obtempère pas et, toujours armé, se lève brusquement et avance vers les policiers. La preuve révèle que deux armes intermédiaires, soit le Taser en mode projection et l'AIIP, sont utilisées sans succès, afin de maîtriser l'homme dans l'appartement.
L'homme fonce alors vers les policiers, qui reculent à ce moment dans le corridor. Les deux policiers munis de pistolet font feu en direction de l'homme qui tombe à genoux dans le corridor, près de la porte d'entrée de son appartement. L'homme tenant toujours le couteau et le tournevis dans ses mains, deux policiers utilisent tour à tour de nouveau leurs armes intermédiaires afin de le désarmer.
Une fois l'homme tombé au sol, la preuve révèle que le tournevis lui est enlevé. L'homme tenant toujours le couteau, un policier frappe son bras à l'aide de son bâton télescopique. L'agent muni du Taser utilise également de nouveau à deux reprises cette arme, et ce, toujours dans le même objectif de désarmer l'homme.
Un autre policier participe à cette manœuvre en utilisant des techniques de diversion à mains nues, soit des coups de genoux dans les côtes et de poings à la tête afin de vaincre la résistance de l'homme. Ces manœuvres permettent à leur collègue de retirer le couteau.
Désarmé, l'homme est ensuite menotté et des manœuvres de réanimation sont effectuées par les policiers jusqu'à l'arrivée des ambulanciers. L'homme est transporté en ambulance à l'hôpital où son décès est constaté un peu plus tard.
Une vidéo, filmée par une personne se trouvant sur les lieux, a capté la majeure partie de l'intervention se déroulant dans le corridor et confirme la trame factuelle décrite par les policiers.
La preuve au dossier permet de conclure que lors de l'utilisation du Taser dans l'appartement, l'homme n'a reçu aucune décharge électrique puisque l'une des anodes s'est logée dans le dossier d'une chaise. L'homme a vraisemblablement reçu des décharges électriques lors des autres utilisations du Taser, soit dans le corridor lorsqu'il est à genoux et ensuite lorsqu'il est au sol.
Une analyse toxicologique a démontré que l'homme avait un taux élevé de substance psychotrope dans le sang. La preuve révèle que l'homme souffrait de santé mentale.
Opinion du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.
Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi. Il s'agit de la défense de la protection des personnes autorisées par la loi.
Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et probables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances. Il peut s'agir notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise dont la sécurité ou celle des autres peut être compromise.
Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des blessures graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger de la mort ou de lésions corporelles ou de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les agents de la paix sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable, convenable et nécessaire pour exercer leurs fonctions, à la condition que ce soit sans force excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection. En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel lors de cette intervention. Ainsi, l'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.
Le Directeur des poursuites criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles, sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments qui lui permettent de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales
Me Jean Pascal Boucher, Porte-parole, Directeur des poursuites criminelles et pénales, 418 643-4085
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